Pharmacie de spécialité: près de 100 000 $ d'amendes pour un pharmacien propriétaire

Un pharmacien propriétaire montréalais devra payer 95 000 $ d’amendes pour avoir notamment obtenu de la clientèle par l’entremise d’un intermédiaire et avoir illégalement versé des avantages à trois cliniques de perfusion.Il y a un an, Michael Assaraf avait déjà été reconnu coupable d’avoir notamment participé à un important stratagème de consignation de médicaments très lucratif et d'être allé à l’encontre de la liberté des patients de choisir leur pharmacie. Il avait alors été condamné à un an de radiation et 84 000 $ d’amendes. Le pharmacien a fait appel de cette décision. Or, le Tribunal des professions a rejeté cet appel en janvier dernier.Dans le présent dossier, dont la décision a été rendue le 25 janvier dernier, le pharmacien propriétaire a plaidé coupable à dix chefs d’accusation sur les 12 auxquels il faisait face. Son avocate et le bureau du syndic adjoint se sont entendus sur le montant des amendes, lequel a été accepté par le conseil de discipline.L'enquête a débuté à la suite de plusieurs demandes d’enquêtes transmises à la Direction des enquêtes de l’Ordre des pharmaciens du Québec par plusieurs personnes.Dans un premier temps, Michael Assaraf, qui emploie huit pharmaciens et 23 techniciens, s’est rendu coupable d’avoir obtenu des patients par l’entreprise du grossiste en médicaments McKesson Canada, ce qui contrevient à l’article 77 (4) du Code de déontologie des pharmaciens (chefs d’accusation 1 à 3).Ainsi, en novembre 2011, le pharmacien propriétaire et McKesson ont signé une entente stipulant que la pharmacie de M. Assaraf «doit s’approvisionner en produits biopharmaceutiques directement et exclusivement auprès de McKesson et ne pas vendre des produits biopharmaceutiques qui n’ont pas été obtenus chez ce fournisseur».Le pharmacien doit également adhérer à tous les programmes aux patients offerts par le grossiste (Programme BioadvanceMD, Programme RepathaREADYMD et le Programme PSP Trelegy ElliptaMD). De plus, il doit fournir, à la demande de McKesson, des informations ou des rapports afin d’aider l'entreprise dans sa gestion des programmes.En contrepartie, McKesson s’engage à fournir au pharmacien différents services concernant le personnel, les biens matériels, les services de comptabilité et les procédures d’opérations, entre autres. Surtout, le grossiste lui envoie des clients. «Il appert que le choix de la pharmacie est effectué par le patient avec l’aide ou l’assistance des coordonnateurs qui travaillent pour les différents programmes de soutien aux patients, dont le gestionnaire, soit le grossiste en médicaments de M. Assaraf, qui est McKesson», indique la décision disciplinaire.Versements illégauxDans un deuxième temps, Michael Assaraf a reconnu avoir versé illégalement à trois cliniques de perfusion des frais de services allant de 20 $ à 60 $ pour la réception des médicaments et la reconstitution des médicaments destinés à ses patients (chefs d’accusation 4 à 9), contrevenant ainsi à l’article 50 du Code de déontologie des pharmaciens.L’avocate du pharmacien a néanmoins plaidé que la pharmacie spécialisée livre directement aux cliniques ce qui entraine plus de travail pour celles-ci. En effet, les infirmières doivent recevoir le médicament, le conserver en maintenant la chaîne de froid en plaçant le médicament dans un réfrigérateur, coordonner la sortie du médicament au bon moment et préparer le mélange nécessaire, dit-elle.«Par conséquent, M. Assaraf acceptait de payer un montant de 60 $ par patient afin que ses clients puissent bénéficier de ce service. Il reconnaissait ainsi que ces cliniques médicales encouraient des frais additionnels avec le modèle qu’il utilise.»Au total, entre 2015 et 2019, la pharmacie de M. Assaraf a versé entre 300 000 $ et 400 000 $ par année à titre de frais de service à Inviva McKesson (qui gère 12 pharmacies), 13 000 $ à la Clinique Santé de la Capitale inc. en 2018 et 2019, et environ 130 000 $ au Centre de perfusion de Montréal inc. entre 2015 et 2017 et le même montant de 130 000 $ entre 2018 et la moitié de l’année 2019.«Or, ces trois entreprises ne sont pas des sociétés de professionnels au sens du Code des professions», note le jugement. Les ententes ont été résiliées le 29 novembre 2019.Manquement à la tenue des dossiersFinalement, Michael Assaraf est reconnu coupable de ne pas avoir consigné au dossier de ses patients la quantité d’Afibercept/EyleaMD servie en seringues préremplies, contrevenant ainsi à l’article 2.02 vi) du Règlement sur la tenue des dossiers, livres et registres par un pharmacien dans l’exercice de sa profession (11e chef d’accusation).À lire aussi: Programme de médicaments spécialisés: l'AQPP veut mettre fin au dirigismeLes seringues utilisées par la pharmacie n’ont qu’une seule et unique graduation qui est celle utilisée pour l’injection soit 0,05 ml. Or, chacune des seringues avait une quantité supérieure à 0,05 ml dont la quantité pouvait varier.« M. Assaraf ne connaissait pas, pour chacune des seringues servies à ses patients, la quantité exacte contenue dans la seringue. Il pouvait seulement affirmer que c'était toujours au-dessus de 0,05 ml donc suffisamment pour le traitement », souligne le jugement.Des infractions gravesSelon le conseil de discipline, «toutes les infractions commises par M. Assaraf sont graves, portent ombrage à l’ensemble de la profession et se situent au cœur de l’exercice de la profession».Il estime que la suggestion conjointe de la sanction a le mérite d’atteindre les objectifs de dissuasion pour le pharmacien et d’exemplarité pour les membres de la profession ainsi que pour la protection du public.De son côté, le syndic adjoint a souligné qu’un pharmacien qui opte pour la pratique de pharmacie de spécialité doit redoubler de vigilance afin de s’assurer qu’il comprend bien les obligations déontologiques et l’encadrement règlementaire auquel il est assujetti.« Or, le présent dossier de même que la plainte portée contre lui en 2018 pour lesquels il a également plaidé coupable démontrent que M. Assaraf n’a pas une maîtrise suffisante de l’environnement règlementaire qui s’impose à lui », indique-t-il.Michael Assaraf est membre de l'Ordre des pharmaciens du Québec depuis 2008.Lire la décision disciplinaire

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