Pénurie de médicaments: et si ce n’était que la pointe de l’iceberg?

La première publication sur les pénuries de médicaments remonte à au moins 1976, ça ne date pas d’hier, donc1. Ce qui est plus nouveau, c’est la fréquence accélérée de ces pénuries qui ont des répercussions variables, mais parfois dramatiques. Les raisons expliquant les pénuries sont nombreuses et malheureusement pas toujours limpides. L’une d’elle est l’approvisionnement en matières premières2. La position canadienne ne quantifie pas la proportion des pénuries secondaires à des problèmes d’approvisionnement de matières premières. Certaines références font état d’une proportion allant de 2 à 46%3. À lire aussi: Terminés les conseils en pharmacie!? Aux États-Unis, une publication toute récente s’inquiète tellement de l’approvisionnement en médicaments que ses auteurs pensent qu’il s’agit d’une menace à la sécurité nationale, rien de moins. Les produits pharmaceutiques constituent la deuxième source d’importation de produits manufacturés aux États-Unis, après l’automobile. Et la Chine et l’Inde représentent 85% des demandes de nouveaux ingrédients pharmaceutiques actifs. La dépendance des États-Unis à l’égard de l’Inde et la Chine pour certains médicaments est frappante. La Chine représentait, en 2021, 95 % des importations d'ibuprofène, 91 % des importations d'hydrocortisone, 70 % des importations d'acétaminophène et 40 à 45 % des importations de pénicilline. Au total, la Chine et l’Inde comptent pour 42,1% du volume de toutes les importations de produits pharmaceutiques. Le Mexique compte quant à lui pour 18,5%, et le Canada, pour 8.8%. Ces données ne semblent pas distinguer les matières premières des produits finis. Il est aussi intéressant de constater que l’Inde se plaint d’être dépendante de la Chine pour 68% de ses matières premières pour les produits pharmaceutiques et que cela nuit à son ambition d’être autosuffisante et de devenir la pharmacie du monde! Étrangement, quand je pense à la désormais «affaire des deux Michael» et aux tensions accrues entre l’Inde et le Canada depuis la fin septembre, mon niveau d’inquiétude face à l’approvisionnement de médicaments au Canada a monté d’un cran. Une de nos rares garanties est que ces pays ont de l’ambition et puisqu’ils visent un marché mondial, le boycott de l’Occident comme client nuirait passablement à leurs affaires… Toutefois, si nos voisins du sud sentent que leur sécurité nationale est menacée par ce quasi-monopole, mais ne semblent pas se mettre beaucoup en action pour favoriser une capacité domestique de production, je me demande bien qui pourra prendre la relève pour le monde occidental. À lire aussi: En lisant le journal ce matin… Au Québec, on suggère que Pharma-Québec serait une solution à l’autonomie et au contrôle des coûts des médicaments. D’ailleurs, en 2021, un montant d’un peu plus de 2 M$ a été octroyé pour financer des activités de synthèse d’ingrédients pharmaceutiques actifs. Je n’ai pas trouvé de nouvelles sur l’état d’avancement de ces travaux. Ce serait un beau marché, très comparable à la filière «batterie» qui obnubile notre premier ministre. Ce serait un projet ambitieux avec un énorme marché. L’ampleur de notre investissement me laisse cependant l’impression que notre ambition n’est pas à la hauteur. On peut toujours souhaiter que les relations diplomatiques entre le Canada et ces deux importants producteurs que sont la Chine et l’Inde s’apaisent et se stabilisent. Néanmoins, je nous trouve un peu passifs. Ça fait presque 50 ans que nous vivons des pénuries dans un domaine aussi sensible et important que celui des médicaments. Pourtant, la seule grande initiative de nos gouvernements a été de forcer les manufacturiers à déclarer une pénurie d’avance. Je fais probablement des liens hypothétiques dans ce texte. Ça reste un risque auquel nous sommes tous exposés considérant que les causes réelles de la pénurie ne sont pas connues dans 57% des cas3. Quand je vous dis que ce n’est pas toujours transparent comme situation… Ça n’interdit pas de réfléchir. On traite ce dossier comme si c’était un glaçon dans un verre à cocktail. J’ai bien l’impression que ce dossier est un iceberg. Je croise les doigts pour que le pire ne soit pas à venir.

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Derrière ce blogue:

Marc Parent

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