Patients vulnérables: le règlement du ministre Dubé est publié

Le projet de règlement annoncé sans crier gare le 7 février par le ministre de la Santé Christian Dubé a été publié dans la Gazette officielle de mercredi. Il devait contenir des dispositions visant à ce que les omnipraticiens «prennent en charge de façon prioritaire les 13 000 patients vulnérables en attente sur le Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF)». En fait, le règlement vient encadrer les critères d’inscription des patients qui ne figurent pas au GAMF. Le texte énumère également les données très détaillées que les praticiens devront transmettre au ministre concernant leurs plages horaires disponibles.«Ce projet de règlement prévoit les cas et les conditions dans lesquels un médecin omnipraticien (…) pourrait ajouter à sa clientèle une personne autre que celle inscrite au Guichet d’accès à un médecin de famille», résume le ministre Dubé en introduction du texte réglementaire.Ainsi, les médecins de famille ne pourront inscrire individuellement ces patients orphelins que si:un membre de la famille de cette personne (ses parents, son conjoint, ses enfants) est déjà inscrit auprès de lui;il assure la relève d’un autre professionnel de la santé auprès duquel la personne était inscrite;cette personne est incapable de s’inscrire au GAMF.Ils pourront également inscrire les gens qu’ils ont déjà suivis pour un épisode de soins ou pour un suivi spécifique si, et seulement si, la personne répond aux conditions suivantes, qui sont similaires à celles définissant les patients vulnérables de catégorie A et B:elle est atteinte d’un cancer actif;elle reçoit des soins palliatifs;elle présente des troubles psychotiques;elle a des idées suicidaires ou homicidaires;elle est enceinte;elle a été hospitalisée pour un problème chronique ou un problème nécessitant un suivi rapide;elle a des problèmes actifs de toxicomanie ou de dépendance;elle a un trouble, majeur et actif, dépressif, d’adaptation ou anxieux;elle est atteinte du VIH ou du SIDA;elle a été victime d’une embolie ou d’une fibrillation auriculaire récente nécessitant la prise d’anticoagulants et le suivi de sa coagulation.Si le patient ne répond pas aux critères énumérés ci-dessus, le médecin pourra néanmoins l’inscrire dans la mesure où cette inscription ne se fait pas au détriment d’une personne vulnérable enregistrée au GAMF. Dans tous les cas, le coordinateur local du Guichet aura le dernier mot et validera, ou pas, ces inscriptions hors GAMF.Sollicitée par ProfessionSanté.ca, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) ne souhaite pas, dans l’immédiat, commenter le projet de règlement sur le fond. Elle veut d'abord analyser sa portée et présenter à ses membres ses conclusions lors d’un webinaire qui sera organisé la semaine prochaine.Sur la forme, le conseiller stratégique de la Fédération, Jean-Pierre Dion, déplore l’approche du ministre Dubé. «On n’a pas besoin d’un règlement. L’inscription fonctionne bien. Les 13 000 patients vulnérables représentent moins de 2% des personnes figurant au GAMF. Il suffit juste de mieux les identifier. Si on avait été consulté, on aurait pu adresser ce problème», souligne-t-il en ajoutant que les médecins de famille ont le même objectif que le ministre, «prendre en charge ces patients vulnérables».Lire aussi: «Pourquoi le ministre utilise la ligne dure?»Données à fournir au ministreLe projet de règlement (disponible pour téléchargement en bas de page) précise également les nombreuses données que les médecins de famille devront communiquer au ministre concernant leurs plages horaires de disponibilité. Ils seront tenus de transmettre ces informations à l’orchestrateur de rendez-vous — le fameux hub —, via leur DMÉ, «au plus tard 24 heures avant le début de chaque période de quatre semaines débutant un dimanche», précise le texte réglementaire.Chaque plage horaire attribuée à un patient devra comprendre les renseignements suivants:date du rendez-vous ainsi que ses heures de début et de fin;catégorie du patient (inscrit individuellement, collectivement au sein du GMF, auprès d’un collègue ou d’un autre professionnel de la clinique, etc.);type de rendez-vous (consultation urgente, semi-urgente, suivi de grossesse, suivi pédiatrique, suivi régulier);le cas échéant, origine de la réorientation du patient (811, 911, GAP, hôpital);le mode de consultation (en présentiel, au domicile, à distance par téléphone ou visioconférence);le nom et les coordonnées du lieu où le médecin donne sa consultation.Lorsqu’un patient obtiendra un rendez-vous sans passer par les plateformes Rendez-vous santé Québec (RVSQ), Clic-Santé ou autre, le médecin devra en outre communiquer les informations suivantes, qui seront ensuite anonymisées:nom de la personne ayant obtenu le rendez-vous;son numéro d’assurance maladie; sa date de naissance;son sexe;le code postal de son lieu de résidence;les coordonnées auxquelles cette personne peut être jointe.Les omnipraticiens qui n’utilisent pas de DMÉ et ceux qui en ont, mais ne sont pas connectés au hub, auront 18 mois pour s’équiper et se connecter.«Si ces données sont transmises automatiquement au hub, c’est correct. Mais si ça repose sur les épaules du médecin, ça va lui rajouter de la charge de travail pour nourrir le mammouth», signale Jean-Pierre Dion qui, là encore, refuse de se prononcer en attendant d’avoir analysé les tenants et aboutissants du règlement. Il redoute toutefois que l’obligation d’utiliser un DMÉ pour se connecter au hub pousse les médecins qui n’en ont pas vers la retraite ou le privé.Ce règlement entrera en vigueur dans 45 jours. D’ici là, des commentaires peuvent être adressés au ministre de la Santé qui, selon, pourra ajuster le texte avant son application.

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