Opioïdes: savoir les utiliser en toute sécurité chez l’enfant

Imaginez que votre adolescent vient de subir une intervention chirurgicale. Après quelques jours d'hospitalisation, il est temps pour lui de rentrer à la maison malgré d’intenses douleurs. L'équipe médicale lui fournit d’abord de l'acétaminophène (Tylenol) et de l'ibuprofène (Advil), mais sachant que cela pourrait ne pas suffire, elle lui prescrit également de l'oxycodone.Vous acceptez cette prescription parce que vous voulez que votre enfant soit soulagé. Mais cela vous inquiète, car vous avez beaucoup entendu parler des abus d’opioïdes, de la dépendance qu’ils peuvent provoquer et de la crise des surdoses. En tant que pédiatre urgentiste, je sais que, dans certains cas, seuls les médicaments très puissants comme les opioïdes peuvent soulager la douleur d’un enfant. La Société canadienne de pédiatrie et l'American Academy of Pediatrics recommandent d'envisager leur utilisation en cas de douleur aiguë (à court terme) si l'acétaminophène et l'ibuprofène ne suffisent pas.À lire aussi: Crise des surdoses: médecins, pharmaciens, comment agir?Utilisation des opioïdes en pédiatrieLes opioïdes sont un groupe de médicaments qui traitent la douleur modérée à sévère et peuvent être utilisés à tous les âges, du nouveau-né à la personne âgée. La morphine, le fentanyl, la codéine et l'oxycodone sont des exemples d'opioïdes. Ils sont généralement très efficaces pour traiter les douleurs aiguës et sévères dues à une blessure ou à une intervention chirurgicale. Toutefois, ils ne sont généralement pas efficaces pour traiter les douleurs chroniques (à long terme) non cancéreuses ou neuropathiques.Les prescriptions d'opioïdes sont assez fréquentes en pédiatrie, la prévalence d'utilisation au cours de la vie pouvant atteindre un enfant sur cinq. Par ailleurs, une douleur non traitée n'est pas sans conséquences sur un cerveau en pleine croissance. Les enfants dont la douleur n'est pas suffisamment soulagée voient leur qualité de vie diminuer, participent moins aux activités familiales, manquent plus souvent l'école et changent plus fréquemment de rythme de sommeil que les enfants dont la douleur est bien traitée.Minimiser la douleur et maximiser la sécuritéEn tant que chercheuse spécialiste de la douleur chez l'enfant, je suis consciente des risques potentiels qui accompagnent l'utilisation des opioïdes. Les familles et les professionnels de la santé s'inquiètent parfois que leur usage se poursuive après l’indication médicale (et puisse entraîner des abus ou une dépendance), ou qu'ils provoquent une surdose, des effets secondaires ou même la mort. À lire aussi: Crise des opioïdes: il faut faire «de la pédagogie», selon Mauril GaudreaultSur la base des recherches actuelles, il existe plusieurs outils simples à mettre en place pour que les parents puissent soulager la douleur de leur enfant et d’utiliser les opioïdes de manière plus sûre.Associer un opioïde à un médicament non opioïde contre la douleurLes analgésiques opioïdes sont souvent associés à d’autres analgésiques non opioïdes tels que l'ibuprofène (Advil ou Motrin) ou l'acétaminophène (Tylenol). Une méthode sûre qui permet généralement de réduire la consommation d'opioïdes. Si vous n'êtes pas certain du dosage, demandez à votre pharmacien ou à votre prescripteur. N'oubliez pas non plus que les mesures de distraction et de confort physique ont de grands pouvoirs; par exemple, apposer de la glace ou de la chaleur sur une zone affectée, si possible, peut aider à calmer la douleur. Vous pouvez aussi parler avec votre enfant, regarder une émission ensemble, lui faire la lecture ou le laisser jouer aux jeux vidéo.Les analgésiques opioïdes sont souvent associés à un autre analgésique non opioïde tel que l'ibuprofène (Advil ou Motrin) ou l'acétaminophène (Tylenol). Cette méthode est sûre et permet à la plupart des gens de consommer moins d'opioïdes. Si vous n'êtes pas sûr du dosage, demandez à votre pharmacien ou au professionnel de santé qui vous a prescrit le médicament. N'oubliez pas non plus le pouvoir supplémentaire de la distraction et des mesures de confort physique. L'application de glace ou de chaleur sur une zone affectée, le cas échéant, peut aider à calmer la douleur. Il en va de même pour les conversations, le visionnage d'une émission, la lecture ou les jeux vidéo.Ne donnez jamais de codéine à votre enfantAutrefois, la codéine était couramment utilisée chez les enfants, mais elle est aujourd'hui fortement déconseillée, notamment par Santé Canada et la FDA américaine, en raison des décès qui y sont associés. En outre, la codéine ne s’avère finalement pas plus efficace que l’ibuprofène selon la recherche, avec un profil d'effets indésirables pire que celui de l'ibuprofène ou de l'acétaminophène.N'utilisez les opioïdes que sur une courte duréeLa plupart du temps, votre enfant aura besoin d'opioïdes pendant trois à cinq jours. Vous pouvez demander à votre pharmacien de fractionner ou de garder votre ordonnance si elle dure plus de quelques jours, afin d'éviter de conserver un excès d’opioïdes à la maison.Attention aux effets secondairesLes opioïdes peuvent provoquer de la constipation, des nausées, de la somnolence ou des vertiges. La plupart de ces effets secondaires peuvent être gérés avec des médicaments en vente libre. S’ils gênent votre enfant, contactez le pharmacien ou le médecin qui vous a prescrit le médicament. Si votre enfant présente des difficultés respiratoires, consultez immédiatement un médecin.Conservez les opioïdes dans un endroit sûrIdéalement, sous clé et hors de portée des enfants, des adolescents et des animaux domestiques – ils pourraient tomber gravement malades s'ils les avalent par erreur. Ne partagez jamais les opioïdes avec quelqu'un d'autreSeule la personne à qui les opioïdes sont prescrits doit les prendre, en suivant scrupuleusement la dose recommandée et en respectant l’usage pour lequel ils ont été prescrits.Débarrassez-vous des opioïdes en toute sécuritéJusqu'à 70% des opioïdes prescrits aux enfants ne sont pas utilisés, indique une étude des chercheurs du département de pédiatrie de l’Université de l’Alberta publiée dans la revue JACEP Open. Mais conserver ces opioïdes inutilisés à la maison augmente le risque de mésusage ou de détournement – ils pourraient être réacheminés ou utilisés par des tiers. Une fois que votre enfant n'a plus besoin de l'analgésique opioïde, rapportez le reste du médicament en pharmacie, ne les jetez pas à la poubelle. Votre pharmacien pourra s’en débarrasser en toute sécurité. La plupart des pharmacies demandent d’ailleurs que les pilules non utilisées leur soient rapportées dans un sac en plastique transparent sans étiquette.À lire aussi: Les Canadiens âgés consomment plus d'opioïdes sur ordonnance que tout autre groupe d’âgeLorsque les opioïdes sont utilisés pour des raisons médicales appropriées, ils représentent plus de bénéfices que de risques. En effet, il n'existe aucune preuve directe que l'utilisation à court terme d'opioïdes soit associée à des abus ou à une dépendance ultérieure chez les enfants. Informez toutefois votre médecin si vous ou votre enfant avez des antécédents de toxicomanie (cela ne veut pas dire qu'il ne pourra jamais se voir prescrire d'opioïdes pour soulager sa douleur). La prise d'analgésiques opioïdes peut réduire la douleur de votre enfant pour qu’il guérisse plus vite et puisse reprendre une vie normale. La docteure Samina Ali est professeure de pédiatrie et de médecine d'urgence à l'Université de l'Alberta. Cet article est publié par La Conversation sous une licence Creative Commons.

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