Discours inaugural de François Legault: une «insulte incroyable» pour les omnipraticiens

«C’est un affront, une insulte incroyable.» On dit souvent que la nuit porte conseil, mais le président de l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal (AMOM), le Dr Michel Vachon, n’en revient toujours pas. «On manque d’effectifs, on travaille comme des fous, on est passé à travers la pandémie sans découverture, et au final, on se fait blaster par le premier ministre. Ça n’a pas de bon sens!» déplore le médecin de famille. «Oui, on a un problème d’accessibilité, mais on a aussi un gros taux d’assiduité de 85%», souligne-t-il. Le discours offensif du chef du gouvernement concernant la prise en charge des patients, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) l’a senti venir, comme en témoigne le long communiqué qu’elle a publié aussitôt après. «On a eu des discussions à ce sujet cet été avec le ministère de la Santé, et on a reçu des signaux que la question serait abordée dans le discours», confirme le président de la Fédération, le Dr Louis Godin, qui a en revanche été surpris par l’ingratitude du premier ministre: «Il a eu des bons mots pour tout le monde, sauf pour les médecins, et les médecins de famille en particulier qui se démènent depuis des mois pour répondre aux besoins de la population et sont surchargés de travail.» Ceci dit, il convient lui aussi que l’accessibilité reste un enjeu, mais souhaiterait que le gouvernement ne voie pas le problème par le petit bout de la lorgnette. «C’est facile, et sans doute payant politiquement, de casser du sucre sur notre dos, mais la réalité, c’est que la demande de soins en médecine de famille dépasse l’offre pour la bonne raison qu’il manque 1000 omnipraticiens au Québec», observe le Dr Godin. Il ajoute que le profil de pratique des médecins de famille québécois ne peut être comparé à celui de leurs confrères ailleurs au Canada. «Il faut arrêter de jouer avec les chiffres. Un médecin ontarien ou albertain prend certes en charge 1200 patients, mais il n’a pas à consacrer 40% de sa pratique à des tâches en milieu hospitalier.» Le dogme du taux d’inscription À long terme, la solution passe donc invariablement par la formation et le recrutement de nouveaux praticiens pour pallier le manque actuel, mais aussi combler les 5800 départs à la retraite prévus d’ici 2031, soit le quart des effectifs médicaux. À plus court terme, le Dr Vachon considère qu’il faut sortir du dogme du taux d’inscription et trouver d’autres avenues pour améliorer l’accessibilité. «Quand une personne est malade, elle veut juste voir quelqu’un rapidement et ce n’est pas forcément un médecin qui peut la prendre en charge», observe-t-il en redoutant une «loi matraque qui ne ferait qu’écœurer le monde sur le terrain.» Cette voie de la contrainte, il semble que le gouvernement veuille néanmoins s’y engager, François Legault ayant prévenu mardi qu’il n’hésiterait pas «à imposer une conclusion» aux discussions en cours avec la FMOQ. Des mesures coercitives sous la forme de temps supplémentaire ou de patients supplémentaires obligatoires seraient ainsi envisagées. «Davantage de coercition ne pourrait que créer du désengagement, du chaos, du surmenage, de l’épuisement et de la détresse psychologique», prévient le Dr Godin. «Si les médecins sont obligés par la loi, ils ne vont pas en faire plus. Ils vont aller faire autre chose», renchérit le président de la Fédération qui aurait souhaité une fin de mandat plus calme, mais compte «mettre toutes les énergies pour régler ce dossier-là du mieux qu’on peut» avant décembre. «Une grosse frustration» La Dre Claudel Pétrin-Desrosiers a commencé sa pratique en médecine de famille il y a tout juste un mois au CLSC de Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal. Le discours de François Legault, «ça me frustre tellement. On dirait que les gens au gouvernement ne comprennent pas ce que les omnipraticiens font», regrette la jeune docteure. «On prend en charge des patients, mais pas que. Dans le cadre des activités médicales particulières, certains font des soins palliatifs, d’autres consultent à l’urgence ou en CHSLD. C’est ça notre réalité.» S’agissant du taux d’inscription de la patientèle, «tout n’est pas noir ou blanc», admet-elle. «On veut que les médecins soient disponibles et qu’ils inscrivent plus de patients, mais si on a ensuite que dix minutes à leur consacrer, ce n’est pas satisfaisant. C’est de la médecine à la chaîne», estime la Dre Pétrin-Desrosiers, convaincue que «c’est n’est pas en forçant les gens à travailler qu’on réglera le problème de l’accessibilité. Au contraire, ce serait contre-productif.»

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