Nouveaux pouvoirs aux professionnels de la santé: un pas de plus en faveur l’interdisciplinarité

«Ce projet de loi, on y est favorable. C’est le résultat de plusieurs années de travail avec les différents ordres concernés. Ça a pris du temps, mais nous n’y sommes pas allés à reculons. Nous avons fait preuve d’une grande ouverture.» Au lendemain de la présentation du projet de loi 67 modifiant le Code des professions pour la modernisation du système professionnel et visant l’élargissement de certaines pratiques professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux, le président du Collège des médecins du Québec (CMQ) semble avoir le sentiment du devoir accompli. Le Dr Mauril Gaudreault considère en effet que les nouveaux pouvoirs accordés aux professionnels de la santé visés par le PL67 s’inscrivent dans une tendance de fond. L’exercice des soins aux personnes ne relève pas juste des médecins, explique-t-il en entrevue avec ProfessionSanté.ca. «Les cas sont de plus en plus complexes. Une même personne peut avoir plusieurs maladies chroniques. Ça nécessite de travailler en équipe. On parle de plus en plus de la pratique future de la médecine. Elle se fera au sein d’équipes interdisciplinaires où les compétences complémentaires des différents professionnels seront reconnues et exploitées.» Le médecin quant à lui «sera l’expert de cette équipe», précise le Dr Gaudreault.Fallait-il pour autant donner la faculté de poser un diagnostic à d’autres professionnels que les médecins? «Au départ, la communauté médicale était résistante (à cette idée). On n’en est plus là depuis longtemps», observe de manière préliminaire le président du CMQ. Concernant les infirmières cliniciennes, les psychologues, les conseillers d’orientation, les sexologues et les orthophonistes qui pourront diagnostiquer certains troubles mentaux, il indique que le projet de loi met fin à une confusion sémantique. «Il vient reconnaître que les évaluations faites par ces professionnels sont bien des diagnostics. Ça tombait sous le sens.»À lire aussi: PL 67: des pouvoirs élargis pour plusieurs professionnels de la santéIdem pour les nouvelles compétences accordées aux pharmaciens qui pourront prescrire directement à leurs patients des médicaments pour traiter certaines maladies courantes — comme les infections urinaires, la conjonctivite ou la pharyngite — ou effectuer des prélèvements, par exemple pour détecter puis traiter un streptocoque de type A dans la gorge. Là encore, «ça s’inscrit dans la suite des choses», considère le Dr Gaudreault. Depuis dix ans, «les pharmaciens ont développé des compétences» et ils pourront ainsi «jouer un rôle accru dans une première ligne d’accès pour le public, qui leur évitera parfois une longue attente à l’urgence, dans une clinique sans rendez-vous ou encore chez le médecin de famille.»À lire aussi: «Une confiance bien méritée»: les pharmaciens unanimes sur le PL 67Car c’est bien là que réside l’intérêt de ce projet de loi qui vise certes à moderniser le système professionnel, mais également à améliorer l’accès aux soins de santé. «La mission du Collège, c’est de protéger le public en offrant une médecine de qualité. Encore faut-il qu’elle soit accessible», souligne son président depuis 2018 qui insiste sur la notion d’accès compétent, en précisant qu’il ne s’agit «pas d’une mise en garde du Collège». Ces professionnels habilités à poser un diagnostic en santé mentale auront une «formation attestée et les compétences requises», garantit le Dr Gaudreault en ajoutant que les médecins ne sont pas les seuls à avoir du jugement. «Quand un médecin de famille a besoin de confirmer une hypothèse diagnostique, il sollicite un collègue spécialiste. Ce sera la même chose pour (ces professionnels) qui ont eux aussi du jugement par rapport à ça», insiste-t-il. Pour ce faire, «on devra leur donner la facilité de consulter un médecin» en créant des corridors de service.Sans les enjeux actuels d’accès au réseau de la santé, et à la première ligne en particulier, «on serait quand même allés dans ce sens-là», affirme le président du CMQ qui rappelle qu’aux prémices du décloisonnement des professions de la santé, il y a plus de 15 ans, «on ne parlait pas de problème d’accès». Selon lui, le credo qui a guidé les élargissements de compétences qui se sont succédé depuis la Loi sur les infirmières, adoptée en 2009, c’est vraiment l’exercice en équipe. «Pour continuer à travailler en interdisciplinarité, les professionnels ont besoin de plus d’autonomie. Pour le bénéfice des patients, pas pour que chacun travaille dans son coin», mentionne le médecin de famille qui encourage les uns et les autres à se faire confiance tout en reconnaissant que la communication entre les professionnels de la santé reste un défi.À lire aussi: Interdisciplinarité: pas assez loin, pas assez vite, selon les praticiensL’autre enjeu à surmonter concerne la rémunération à l’acte des médecins. Selon plusieurs chercheurs, elle produit des effets pervers qui ne favorisent pas l’interdisciplinarité. Un sujet que le Dr Gaudreault ne souhaite pas commenter au motif qu’il préside un ordre et non pas une fédération médicale. En revanche, «pour pratiquer efficacement en équipe», il trouve «essentiel d’avoir un système de rémunération adéquat. Si on veut que le médecin participe au travail en équipe, aux réunions, il faut voir comment le rémunérer. Cette première ligne réinventée, il faut la financer correctement, avec de nouvelles modalités pour tous les professionnels».Aller plus loinLa présidente du Conseil du trésor et ministre responsable de l’Administration gouvernementale, Sonia LeBel, a indiqué mardi lors de la présentation du PL67 que les infirmières cliniciennes, les psychologues, les conseillers d’orientation, les sexologues et les orthophonistes ne pourront pas prescrire après avoir posé un diagnostic en santé mentale. «On est dans un premier pas», a-t-elle souligné, laissant entendre qu’elle pourrait un jour aller plus loin.Sur la même rhétorique, le président du CMQ estime qu’un «bon pas» va être accompli avec l’ouverture du diagnostic en santé mentale. «On va en refaire d’autres avec Mme LeBel», poursuit-il en envisageant la prochaine étape: «Après le diagnostic, il faut le plan de traitement.» À plus long terme, il évoque également l'ouverture du diagnostic en santé physique. «Les discussions seront peut-être plus compliquées, car c’est un sujet plus récent que le diagnostic en santé mentale, dont on parle depuis longtemps.»

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