Non-transfert des patients Covid-19 des CHSLD vers les hôpitaux: un faux problème

Dans une lettre adressée à Danielle McCann la semaine dernière, l’avocat Jean-Pierre Ménard dénonçait des directives du ministère de la Santé et des Services sociaux qui, selon lui, bafouaient les droits des résidents en CHSLD. Des accusations qui n’ont pas lieu d’être, selon un médecin de famille qui effectue une partie de sa pratique en établissement de longue durée.Me Ménard remettait notamment en question une directive du 25 mars 2020, qui stipulait que les transferts de la clientèle atteinte de la COVID-19 vers les centres hospitaliers devaient être évités et constituer un cas d’exception. «Ces articles et d’autres dispositions légales, dont la Loi canadienne sur la santé, prévoient que les soins d’un patient sont définis par l’urgence et la gravité de son cas et non par son âge ou par le fait qu’il soit hébergé», réaffirmait-il.Or, l’avocat ne tient pas compte du niveau de soins des patients ni de leurs directives de fin de vie, fait valoir le Dr Julien Quinty, qui traite une clientèle vivant en CHLSD et rend visite à des patients chaque semaine au Centre Paul-Gilbert, situé dans le quartier Charny.Certains patients reçoivent des soins de niveau C ou D et plusieurs ont exigé de ne pas faire l’objet d’acharnement thérapeutique, explique-t-il. Certaines personnes ou leurs répondants ne souhaitent pas de transfert à l’hôpital en cas de complications, COVID-19, crise cardiaque ou autre. On ne peut donc prétendre que leurs droits sont bafoués s’ils ne sont pas transférés dans un hôpital pour traiter leur condition lors d’une pandémie, argue le médecin.À lire aussi: COVID-19: La moitié des décès en CHSLDLa directive du 25 mars prévoit aussi une révision systématique de l’ensemble des niveaux de soins pour les patients hébergés atteints de la Covid-19. Me Ménard doutait que les patients puissent être en mesure de prendre une telle décision: «Les patients des CHSLD publics et privés étant maintenus en isolement complet, aucun membre de la famille ou proche aidant n’est en mesure d’être présent auprès d’eux et les communications s’avèrent extrêmement difficiles entre les CHSLD et les représentants et les familles de ces personnes», écrivait-il. Le Dr Quinty pratique et enseigne dans un GMF-U de Lévis et, depuis qu’il a gradué en médecine familiale il y a six ans, il traite une clientèle vivant en CHLSD.«Je ne suis pas d’accord avec le portrait tracé par Me Ménard, a réagi le Dr Quinty. La révision du niveau d’interventions médicales chez les personnes très âgées se fait chaque année. Dans certaines conditions, on n’est pas dans la notion de «J’ai le droit d’avoir des soins». Un niveau de soins, c’est ce qui est souhaitable selon où la personne est rendue. J’enseigne cela aux résidents: qu’est-ce qui fait sens dans la condition d’une personne? On n’enlève pas de droits. C’est comme si certains avaient forcé du personnel à diminuer les niveaux d’interventions médicales. Ce que l’on doit se demander, c’est si l’on pense que ce serait bénéfique pour la personne et qu’on lui rendrait service.»Avec l’interdiction des visites, certains ont affirmé que des aînés étaient laissés à eux-mêmes pour prendre ces décisions cruciales. «Je ne vais pas voir un patient souffrant d’une démence avancée pour lui demander ce qu’il en pense et réévaluer son niveau d’intervention médicale souhaitée. La façon dont on a décrit les choses dans un article de La Presse Plus, c’est comme s’il y avait plein de personnes âgées autonomes dans nos centres d’hébergement à qui on pose la question sur le niveau de soins désirés, qu’ils ne savent pas trop quoi répondre et qu’on ne leur demande pas d’appeler quelqu’un. Je suis désolé, mais le téléphone existe. On en parle avec le répondant 1 ou 2. L’article ne représentait pas ce que moi et mes collègues faisons comme pratique médicale en CHLSD au centre d’hébergement où je pratique.»Dans les médias, un gériatre a également commenté le dossier des aînés en CHSLD, une intervention qui a surpris le Dr Quinty. «Je serais curieux de savoir combien il y a de gériatres qui pratiquaient en CHSLD avant la pandémie, commente-t-il. Je crois que ce sont plus des médecins de famille que des gériatres.»Des CHSLD qui font bonne figureLe Centre Paul-Gilbert, un établissement de soins de longue durée, accueille environ 175 patients, dont la plupart souffrent de problèmes cognitifs. Il se trouve sur le même plancher qu’une aile de soins où l’on fait en temps normal des chirurgies de jour, des prélèvements sanguins et des radiographies. Il abrite aussi une petite urgence qui a été transformée en Centre dédié d’évaluation (CDE) de la Covid-19. Une clinique de dépistage à l’auto est en fonction depuis quelques semaines à Paul-Gilbert. Un simple corridor et des portes séparent le secteur clinique de celui de l’hébergement.Pourtant, en date du 10 avril, le secteur CHLSD n’enregistrait aucun cas de COVID-19 même si du personnel réseau avait été réaffecté à l’établissement. Comme quoi cette proximité et ce mélange ne sont pas forcément synonymes de transmission. En entrevue, le Dr Quinty a vanté la collaboration qui a eu cours à Paul-Gilbert entre des gestionnaires et les médecins pour la mise en place de mesures d’hygiène et de restrictions pour prévenir l’apparition et la transmission de cas de la COVID-19 dans l’institution.Le Dr Pierre Carrier est un autre médecin de famille qui se rend dans les CHSLD de son territoire, celui de Charlevoix. Il effectue aussi des visites à domicile. Charlevoix compte moins de 10 cas de patients infectés à la COVID-19. La population y est âgée et les aînés très nombreux. La région serait donc à risque. Or, il n’y avait aucun cas d’infection en date du 14 avril dans les trois centres de soins de longue durée où il se rend, La Malbaie, Clermont et St-Siméon.

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