Ne soyons pas des victimes

Premièrement, merci pour tous ces messages en réponse à mon dernier blogue. À travers ceux-ci, j’ai pu voir que ma perception était tristement très proche de la réalité. Ok, mais maintenant on fait quoi? J’ai eu l’occasion, entretemps, de lire l’excellent The Subtle Art of Not Giving a F*uck1. J’y ai trouvé une perspective intéressante sur les valeurs, l’importance que nous donnons aux autres et surtout une façon différente d’aborder notre situation. Selon l’auteur, une partie des malaises courants dans notre société, dont l’anxiété généralisée, s’explique par un système de valeurs qui nuit à notre bien-être. Notamment, les valeurs liées au jugement de l’autre. Que va-t-il penser? Va-t-il m’aimer? Vouloir faire plaisir à tout le monde, tout le temps, mine l’existence. La comparaison avec l’autre est tout aussi délétère. Bombardés d’images sur les réseaux sociaux, nous voyons chaque jour de nouveaux voyages, de nouvelles voitures, de nouveaux moments idylliques passés en famille. Assurément, notre vie aura l’air tragique à côté de ça. La solution proposée par l’auteur? Cesser de s’en faire2. Du moins, cesser de s’en faire pour tout et surtout ce qui échappe à notre contrôle. Or les pharmaciens sont notoirement empathiques. Nous voulons tout faire pour aider notre patient, nous craignons de lui déplaire. Il va falloir changer notre approche. Notre valeur première ne devrait plus être de faire «ce que le client3 veut», mais plutôt de mettre en place «la pratique que nous souhaitons». Notez bien que cette nouvelle valeur ne s’associe pas à une moins bonne pratique de la pharmacie, bien au contraire. Elle est plutôt alignée sur une pratique qui respecte autant le droit du pharmacien à disposer d’un cadre raisonnable que le droit du patient à recevoir un service de qualité. Comment faire pour ménager ainsi la chèvre et le chou? Il faut imposer à notre client un rythme de service qui compose avec les réalités suivantes: Pratique plus complexe Services accrus Manque de personnel Et ce rythme, il s’impose d’abord en demandant du temps. Il faut cesser de s’en faire si le client n’est pas d’accord avec: Le service en 24 heures pour les renouvellements Les piluliers qui peuvent être livrés/ramassés maximum 48 heures avant la date de début Les conseils sur place donnés en 15-30 minutes et ceux au téléphone au cours de la journée Le téléphone du laboratoire avec une file d’attente virtuelle Les heures d’ouverture réduites pour permettre du travail hors ouverture Une fois le rythme mis en place, il faut choisir nos batailles. On ne pourra pas tout faire. Le client devra accepter: Qu’on ne peut pas faire des modifications de pilulier urgentes qui ne sont pas cliniquement justifiées. Qu’on ne peut pas prodiguer des conseils de 15 minutes pour des MVL. Qu’une fois une certaine limite atteinte dans notre pratique clinique, il devra s’efforcer de consulter un autre professionnel de la santé. Que nous ne pourrons pas servir de canal de communication entre lui et les autres professionnels de la santé. Ne pas être une victime, c’est choisir une façon de travailler qui corresponde à nos valeurs sans craindre le jugement de l’autre. C’est accepter qu’il y ait des mécontents, accepter que nous ne puissions pas répondre à tout et qu’en bout ligne, même si nous brûlons nos équipes il restera toujours des insatisfaits. Ne pas être une victime, c’est prendre le taureau par les cornes et mettre aujourd’hui en place les mesures qui vont préserver la santé physique et mentale de nos équipes. Ne pas être une victime, c’est dire «non» aujourd’hui pour être encore là demain. 1. The Subtle Art of Not Giving a F*ck: A Counterintuitive Approach to Living a Good Life – Mark Manson - 2016 2. Ses propos sont « Stop giving a fu*k » 3. Le terme « client » est dans le texte volontairement utilisé plutôt que « patient ».

Stratégies et tactiques

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Derrière ce blogue:

Philip Morgan

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