Naissance d’enfants avec anomalies congénitales: la prévention de la grossesse chez les utilisatrices d’isotrétinoïne fait défaut

Selon les résultats d’une étude publiée en ligne sur le site du CMAJ en date du 25 avril 2016*, l’adhésion au programme canadien de prévention de la grossesse chez les utilisatrices d’isotrétinoïne (traitement contre l’acné sévère, connu sous le nom original d’Accutane) a été « mauvaise » dans les quatre provinces canadiennes analysées (Colombie-Britannique, Saskatchewan, Manitoba et Ontario), du moins entre 1996 et 2011, période de 15 ans que les chercheurs ont scrutée.Ils précisent que le programme de prévention de la grossesse au Canada comprend le consentement écrit et éclairé de la patiente, deux tests de grossesse avec des résultats négatifs, avant d’amorcer un traitement par l’isotrétinoïne et deux formes fiables de contraception pendant le traitement.Pour en arriver à ce constat, ils ont analysé les données administratives concernant les nouvelles utilisatrices d’isotrétinoïne âgées de 12 à 48 ans pour détecter l’utilisation de contraceptifs oraux et d’autres médicaments contre l’acné, avant et pendant la prise d’isotrétinoïne, et la présence d’une grossesse durant les deux périodes suivantes : pendant le traitement seulement et jusqu’à 42 semaines après la fin du traitement. « Les bébés vivants ont été suivis durant un an [après leur naissance] pour identifier les malformations congénitales », précisent-ils également.Ils ont utilisé deux ensembles de codes diagnostiques pour estimer la présence d’une grossesse pendant un traitement par l’isotrétinoïne : codes diagnostiques seulement sur les données de grossesse (définis comme haute spécificité) et codes diagnostiques sur les données concernant également les soins prénataux (définis comme haute sensitivité).Ils ont identifié 59 271 patientes qui ont reçu 102 308 traitements d’isotrétinoïne. Ils précisent que 89,5 % des participantes qui provenaient de l’Ontario étaient des bénéficiaires de l’assistance sociale, puisque, dans cette province, ce traitement est couvert uniquement pour cette clientèle.Onze bébés nés avec des malformations congénitalesLeur étude de cohorte rétrospective a mis en lumière qu’un nombre peu élevé d’utilisatrices d’isotrétinoïne prenait des contraceptifs oraux durant la prise de ce médicament qui est pourtant un « tératogène puissant ». De plus, davantage de femmes prenaient des contraceptifs oraux dans l’année précédant l’amorce d’un traitement par de l’isotrétinoïne que pendant leur traitement.« Entre 24,3 % [Saskatchewan] et 32,9 % [Manitoba] des participantes ont reçu des ordonnances pour des contraceptifs oraux pendant qu’elles prenaient de l’isotrétinoïne, contre 28,3 % [Ontario] et 35,9 % [Colombie-Britannique] au cours des 12 mois avant que l’isotrétinoïne soit amorcée », indiquent les auteurs dans le résumé de leur étude.Ils ont aussi observé qu’entre 45,4 % (Ontario) et 72,0 % (Colombie-Britannique) des utilisatrices d’isotrétinoïne avaient utilisé un traitement plus sécuritaire contre l’acné dans l’année précédant l’amorce de leur traitement par l’isotrétinoïne.Conséquence, le nombre de grossesses durant un traitement par l’isotrétinoïne pour les quatre provinces en 15 ans a été de 186 (3,1/1000 utilisatrices), selon la définition de haute spécificité, et de 367 (6,2/1000 utilisatrices), selon la définition de haute sensitivité. C’est en Ontario que le taux de grossesses est le plus élevé, soit 18,6/1000 utilisatrices, selon la définition de haute sensitivité.Les mesures contraceptives au Canada durant un traitement par de l’isotrétinoïne atteignent une efficacité d’environ 50 % à 70 %, ce qui est loin d’être l’idéal lorsqu’un tératogène puissant est ingéré.Pour la période allant jusqu’à 42 semaines après la fin du traitement, le nombre total de grossesses est passé à 1 473 (24,9/1000 utilisatrices), selon la définition de haute spécificité. De ce nombre, 1 331 (90,4 %) grossesses se sont interrompues spontanément (290 ou 19,7 %) ou se sont terminées par une intervention médicale (1041 avortements induits ou 70,7 %). Sur les 118 bébés nés, 11 (9,3 %) vivent avec des malformations congénitales.Les chercheurs précisent que « le taux de grossesses durant le traitement par l’isotrétinoïne est demeuré constant entre 1996 et 2011 [5 par 1000 utilisatrices pour les périodes 1996-1999 et 2004-2007 et 4 par 1000 utilisatrices pour les périodes 2000-2003 et 2008-2011] ».Rappel de l’importance de mesures efficaces de contraceptionLes chercheurs évaluent qu’au Canada, entre quatre et six femmes conçoivent lorsqu’elles utilisent de l’isotrétinoïne durant trois mois.« À partir des taux de grossesses documentés durant l’utilisation d’isotrétinoïne, nous pouvons estimer que le taux de grossesses annuel durant le traitement est de 16 à 24 par 1000 utilisatrices, ajoutent-ils. À partir des données de Statistique Canada pour le groupe d’âge visé, nous estimons que le taux annuel de grossesses non planifiées est d’environ 50 par 1000 femmes. Ces estimations impliquent que les mesures contraceptives au Canada durant un traitement par de l’isotrétinoïne atteignent une efficacité d’environ 50 % à 70 %, ce qui est loin d’être idéal lorsqu’un tératogène puissant est ingéré. »Dans l’interprétation des résultats, ils soulignent aussi le fait que la plupart des grossesses ont été interrompues, ce qui indique que « l’isotrétinoïne a des effets majeurs directs et indirects sur le déroulement de ces grossesses ».Ils estiment également qu’au Canada, un ou deux enfants sont nés par année avec des anomalies congénitales après que leur mère eut pris de l’isotrétinoïne.« Les médecins et les patientes devraient constamment se rappeler les risques de l’isotrétinoïne pour le fœtus et devraient adhérer à la politique qui impose des mesures efficaces de contraception », concluent-ils.* Henry D, Dormuth C, Winquist B, Carney G, et al. Occurrence of pregnancy and pregnancy outcomes during isotretinoin therapy. CMAJ, 25 avril 2016.[En ligne à http://www.cmaj.ca/content/early/2016/04/25/cmaj.151243]

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