Mon dossier

La crise engendrée par la fuite des renseignements personnels chez Desjardins montre à quel point nous ne nous possédons pas. Notre existence aux yeux de la société tient à des données et à des informations dont, malheureusement, toute emprise nous échappe.Il y a, entre notre soi réel et notre identité décernée, un dépositaire détenant la clé pour ouvrir cette malle où tout ce que nous sommes se trouve.Si c’est un état de fait dans le monde financier, ce l’est tout autant en santé. Lors du lancement surprise du Carnet Santé Québec, en 2018, plusieurs médecins, pharmaciens et un certain nombre d’organisations du milieu ont levé le sourcil de la suspicion, une manière d’exprimer une indignation quelque peu masquée, bienséance oblige.En facilitant l’accès au dossier médical, le ministre de la Santé et des Services sociaux de l’époque, Gaétan Barrette, se rendait coupable d’une sorte de lèse-majesté en retirant aux médecins et pharmaciens le monopole de la clé d’accès aux données médicales des Québécois.Or, un dossier médical, c’est encore plus soi qu’un numéro d’assurance sociale. C’est tout ce qu’on est. La santé et la maladie, et les multiples marqueurs qui les accompagnent, forment un puissant déterminant.Mon dossier médical, c’est cela après tout : mon dossier, mes informations, mes affaires. Pas celles du laboratoire, ni celles du médecin, de la clinique, de l’assureur ou du gouvernement. Qu’en 2019 je doive quémander des autorisations, cela frise l’insulte, à l’intelligence notamment.L’accès et la propriété des données de santé auraient dû être accordés aux patients il y a longtemps, faisait valoir l’entrepreneure en technologies de la santé Huda Idrees, lors de la Conférence nationale sur le leadership en santé, tenue à Toronto en juin dernier. « Donner aux gens l’accès à leurs données est une idée qui fait un peu début des années 2000 », a-t-elle dit dérisoirement. À cet égard, le Québec avec son Carnet Santé fait office de pionnier au Canada.Il ne s’agit pas d’écarter le professionnel. Cela doit plutôt être le prélude à une conversation entre lui et moi.Les patients, en général, réalisent qu’ils ne comprennent pas tout. Ils savent ce qu’ils lisent demande de la mise en contexte, et qu’ils ont besoin de se faire expliquer certains résultats et définir de la terminologie.Aux médecins qui lèveraient l’index à ce moment-ci de la lecture, je les interromprais en leur rappelant qu’avec l’élargissement du champ d’exercice des infirmières praticiennes spécialisées, du temps, il y en aura pour cet accompagnement à comprendre le dossier médical. Et il y a une « app » pour cela, même plusieurs.Comme l’a dit si bien le pharmacien Michaël Cardinal dans nos pages à notre journaliste Justine Montminy (« L’expérience Therappx »), les applications en santé encouragent fortement l’adhésion thérapeutique. Mieux encore : elles contribuent à la formation du patient. « Les outils numériques, c’est un moyen de redonner au patient le pouvoir de comprendre sa santé », affirme-t-il, avec justesse, d’ailleurs.Certains patients saisissent mal la gravité de leur état, faute d’accéder à cette information. Mme Idrees a créé Dot Health, une application qui permet de stocker l’ensemble de ces informations médicales éparpillées dans une seule et même interface. L’entreprise elle-même fait la cueillette des dossiers pour le patient partout où il peut avoir laissé une trace de dossier médical. Elle croit que cet accès permet en effet aux patients de s’investir dans leur propre santé.Bref, l’accès aux données par leurs propriétaires actuels, outre une affaire de gros bon sens, est aussi une occasion extraordinaire d’autonomisation des patients.À une époque où les ressources en santé sont comptées à l’unité près, l’adhésion du patient à son traitement est un incontournable. Les patients qui adhèrent à leurs schémas thérapeutiques mènent une vie meilleure avec de meilleurs résultats, tout en réduisant les coûts des soins de santé systémiques.

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Derrière ce blogue:

Éric Grenier

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