Moins prescrire d'antibiotiques pour la pharyngo-amygdalite aiguë de l'adulte grâce à un test diagnostique rapide au cabinet

Dr Michel Labrecque michel.labrecque@mfa.ulaval.ca UMF du CHUQ Saint-François d’Assise Article de référence Worrall G, Hutchison J, Sherman G, Griffiths J. Diagnosing streptococcal sore throat in adults. Randomized controlled trial of in-office aids. Can Fam Physician 2007;53 :666-71. RÉSUMÉ Objectif Déterminer si l’utilisation d’une règle de décision clinique, la disponibilité d’un test diagnostique rapide du streptocoque ou la combinaison des deux peut réduire le nombre d’ordonnances inutiles d’antibiotiques chez les adultes souffrant d’un mal de gorge aigu. Conception Étude clinique randomisée, factorielle(2 x 2), en grappes et sans insu. Contexte Cabinets de médecine familiale en milieu urbain et en banlieue à Terre-Neuve. Participants Parmi 120 omnipraticiens en pratique active choisis au hasard, 40 ont accepté de participer à l’étude. Interventions On a assigné au hasard les participants à l’un des quatre groupes d’étude : pratique habituelle(n = 10), règle de décision adaptée de Centor 1(voir tableau)avec prescription seulement si score de 3 ou de 4 sur 4(n = 10), test diagnostique rapide du streptocoque(Clearview Exact Strep A Dipstick)seulement(n = 10), règle de décision et test rapide combinés(n = 10). Chacun des médecins a recruté entre 0 et 20 patients adultes se présentant successivement avec un mal de gorge aigu comme principal symptôme. Trois médecins n’ont recruté aucun patient. Principales mesures de résultats La fréquence de prescription et le type d’antibiotique prescrit, le cas échéant, tels que consigné par le médecin. Résultats La fréquence de prescription d’antibiotiques après avoir utilisé la règle de décision(55 %)ne différait pas considérablement de celle des médecins qui suivaient leur pratique clinique habituelle(58 %). Les médecins qui utilisaient le test diagnostique rapide, seul ou combiné avec la règle de décision, enregistraient des fréquences beaucoup plus basses de prescription(27 % et 38 % respectivement, dans les deux cas p < 0,001). Conclusion Une règle de décision clinique utilisée seule ne change pas le comportement des médecins de famille en matière de prescription d’antibiotiques pour la pharyngo-amygdalite aiguë de l’adulte. La disponibilité au cabinet d’un test diagnostique rapide des antigènes permet de réduire le nombre de prescriptions inutiles. COMMENTAIRE Pertinence de l’étude Seulement environ 5 % à 15 % des maux de gorge aigus chez l’adulte sont causés par une bactérie(surtout par le streptocoque ß-hémolytique du groupe A), alors qu’environ 75 % des patients qui consultent pour ce problème reçoivent des antibiotiques. 2 La culture de gorge permet de traiter avec des antibiotiques seulement les patients atteint d’une infection à streptocoque ß-hémolytique du groupe A. Toutefois, la culture s’avère une option peu pratique pour les médecins en cabinet. Que pouvons-nous faire pour limiter nos prescriptions aux seuls patients qui en bénéficieront réellement ? Importance des résultats Les résultats sont assez impressionnants. La fréquence de prescription d’un antibiotique était réduite de 17 % à 32 %, en termes absolus, si l’on considère les différences minimales et maximales entre les groupes ayant et ceux n’ayant pas eu accès au test rapide dans leur cabinet. Par ailleurs, demander aux médecins d’utiliser simplement une règle de décision clinique sans tests de laboratoire ne semble avoir aucun effet sur leur comportement quant à la prescription d’antibiotiques par comparaison à la pratique usuelle. Cette intervention, telle que réalisée dans le contexte de l’étude, serait donc inutile pour réduire la prescription d’antibiotiques. Critique de la méthodologie Il s’agit d’un essai clinique randomisé en grappes(clusters)réalisé dans des milieux probablement très similaires à ceux de la pratique en médecine familiale en cabinet au Québec. Plusieurs lacunes méthodologiques méritent d’être soulignées. La méthode de randomisation n’est pas décrite. On ne peut donc se prononcer sur la dissimulation de l’assignation, un point important vu le petit nombre de médecins dans chaque groupe. D’ailleurs, la comparabilité de médecins assignés à chaque groupe n’est pas très convaincante. Quelle était leur approche avant l’étude ? Leur type de clientèle ? De plus, aucune caractéristique des patients n’a été collectée. On ne peut donc présumer de l’absence de biais même s’il s’agit d’un essai randomisé. Peu de détails sont disponibles en ce qui concerne la collecte des données. On se limite à mentionner que les données sur la prescription et les types d’antibiotiques ont été enregistrées par les médecins. On n’a ainsi aucun détail sur l’observance des médecins à leur «intervention». Des données sur la proportion de patients chez qui une règle de décision a été appliquée ainsi que sur celle des patients qui ont eu une culture ou un test rapide avec leur résultat auraient été d’intérêt. Enfin, le recrutement de patients a-t-il réellement été consécutif ? L’étude porte sur un échantillon(de patients)qui paraît suffisamment grand pour détecter les différences anticipées et observées. Toutefois, son calcul ne semble pas avoir pris en compte le plan d’étude, à la fois factoriel et en grappes. L’analyse réalisée en comparant chaque groupe expérimental au groupe «pratique habituelle» avec un test du Chi carré n’est pas appropriée. Tout comme le calcul de la taille de l’échantillon, l’analyse ne tient compte ni du plan factoriel et ni des grappes. Vu l’importance de la différence de prescription d’antibiotiques entre les groupes avec et sans utilisation du test diagnostique rapide, cette différence demeurerait probablement significative quelle que soit la méthode d’analyse statistique. Cependant, cette lacune dans l’analyse souligne une méconnaissance de méthodologies appropriées de recherche clinique et peut cacher d’autres biais dans la conduite de l’étude. Mise en perspective selon l’état des connaissances Malgré les faiblesses méthodologiques importantes, les résultats sont très significatifs sur le plan clinique, et l’intervention(disponibilité d’un test diagnostique rapide en cabinet)comporte peu de risques. La réduction de la prescription d’antibiotique grâce à l’accès aux tests rapides en cabinet a déjà été mise en évidence. 3 Elle semble donc une option intéressante pour une pratique qui vise l’utilisation optimale des antibiotiques. On devra toutefois rester prudent lorsque le résultat du test rapide s’avère négatif chez le patient avec une très forte probabilité clinique d’infection à streptocoque. Une culture est alors pertinente. Les règles de décision clinique ont certaines limites. Selon une étude récente 4, le principal problème lié à leur utilisation est la prescription inappropriée à des patients avec des scores bas ne justifiant même pas de faire une culture. Par ailleurs, rappelons que si la règle de décision de Centor 1 avec traitement pour un score de 3 et de 4 est utilisée sans faire appel à une culture ou à un test rapide, environ la moitié des patients sont traités inutilement. 5 Références

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