Méthotrexate à faible dose et alcool: un peu, beaucoup, pas du tout?

Le méthotrexate est largement utilisé comme un antirhumatismal modificateur de la maladie en première intention dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR). (1) Même avec les schémas posologiques hebdomadaires à faible dose pour la PR et d'autres maladies auto-immunes, le méthotrexate peut provoquer une hépatotoxicité allant d'une élévation bénigne des aminotransférases à une stéatose hépatique, une fibrose et, rarement, une cirrhose. (1,2)La consommation d'alcool est un facteur de risque connu d'hépatotoxicité. Il est donc habituellement recommandé aux patients prenant du méthotrexate de limiter ou d'éviter complètement l'alcool pour ne pas augmenter le risque davantage. (2)De nombreux patients trouvent qu'il est difficile de s'abstenir de consommer de l'alcool et peuvent craindre d'éventuelles répercussions d'une prise même minime d'alcool avec le méthotrexate.(3)La réponse à l'alcool varie considérablement d'une personne à l'autre et il n'y a pas de consensus sur la quantité d'alcool sécuritaire – si tant est qu'il en existe une – pour les patients atteints de PR prenant du méthotrexate. Il est donc nécessaire de prendre des décisions au cas par cas en ce qui a trait à la consommation.Données probantes disponibles : méthotrexate et alcoolUne étude observationnelle récente menée par Humphreys et al. visait à quantifier le risque hépatotoxique lié à la consommation d'alcool chez les patients atteints de PR sous méthotrexate.(4)Cette étude rétrospective menée au Royaume-Uni a utilisé les dossiers de soins de première ligne de 1987 à 2016 pour identifier les patients atteints de PR qui prenaient du méthotrexate et pour lesquels on disposait d'au moins six tests d'enzymes hépatiques documentés par an.(4) Les chercheurs voulaient savoir si les patients avaient souffert de transaminite, soit des taux d'alanine transaminase et d’aspartate transaminase au moins trois fois plus élevés que la limite normale supérieure. (4)La consommation d'alcool était enregistrée en unités (et non en boissons), une unité étant égale à 10 ml ou 8 g d'alcool pur (équivalent à 2,5 onces [~75 ml] de vin, 8 onces [~240 ml] de bière ou 0,8 once [~25 ml] d'alcool fort). (4)L'âge médian des patients était de 61 ans, 71 % étaient des femmes et 78 % consommaient 7 unités d'alcool ou moins par semaine. (4) Seuls 8 % des patients de la cohorte buvaient au-delà du seuil national recommandé de 14 unités d'alcool par semaine.(4) Sur 11 839 patients évalués au cours de 47 090 années-personnes de suivi, 530 ont été atteints d'une transaminite.(4)L'étude n'a pas montré de risque accru de l'occurrence de transaminite chez les buveurs par rapport aux non-buveurs (hazard ratio [HR] 1,06, intervalle de confiance à 95 % [CI] 0,86-1,30). Toutefois, les taux bruts de transaminite semblent augmenter avec l'augmentation du niveau d'alcool consommé. (4)La probabilité de souffrir d'une transaminite pour ceux qui consommaient moins de 14 unités d'alcool par semaine, 15-21 unités par semaine et plus de 21 unités par semaine était de 0,93%, 33% et 81%, respectivement. (4)Les auteurs ont conclu que si le risque de transaminite chez les patients atteints de PR prenant du méthotrexate augmentait en fonction du niveau de consommation d'alcool, le risque chez les patients consommant 14 unités d'alcool ou moins par semaine n'était toutefois pas plus élevé que celui observé chez les non-buveurs. (4)À lire aussi: Possible interaction entre IPP et méthotrexateParmi les limites importantes de cette étude, citons la forme observationnelle de l’étude qui empêche l'évaluation des facteurs de confusion pouvant avoir un impact sur le risque, tels que les comorbidités et l'utilisation concomitante d'autres médicaments hépatotoxiques. Bien que l'étude ait utilisé 14 unités d'alcool par semaine comme seuil, la majorité des participants en consommaient beaucoup moins, ce qui pourrait induire un faux sentiment de sécurité. De plus, le développement d'une maladie hépatique cliniquement pertinente n'a pas été évalué et, par conséquent, la possibilité d'une fibrose hépatique sous-jacente malgré un taux de transaminases normal ne peut être exclue. Enfin, les doses de méthotrexate n'étaient pas connues, de sorte que le risque lié à la dose ne peut être déduit.Le rôle du médecin et du pharmacienPour atténuer l'hépatotoxicité provoquée par le méthotrexate, l'approche la plus prudente reste l'abstinence d'alcool. Cependant, de façon réaliste, de nombreux patients souhaitent continuer à boire lors d'occasions sociales. Les médecins et pharmaciens doivent s'assurer que les patients traités pour la PR avec le méthotrexate soient informés des risques d'hépatotoxicité en lien avec l'alcool et de la nécessité de prendre en compte le risque individuel de chaque patient.Il convient de conseiller aux patients présentant des facteurs de risque supplémentaires d'hépatotoxicité induite par le méthotrexate d'éviter l'alcool. Par exemple, ceux présentant des anomalies persistantes des enzymes hépatiques, des antécédents de maladie hépatique (y compris la stéatose hépatique non alcoolique et l'hépatite B et C chronique), des antécédents familiaux de maladie hépatique héréditaire, du diabète, de l'obésité, une exposition à des médicaments ou à des produits chimiques hépatotoxiques (par exemple, azathioprine, léflunomide, sulfasalazine) ou une dyslipidémie. (2)Les patients atteints de psoriasis et d'arthrite psoriasique semblent également être plus à risque de présenter une hépatotoxicité liée au méthotrexate que ceux atteints de PR, et devraient probablement éviter l'alcool si possible. (2)D’après l'étude d'Humphreys, dans lequel le participant moyen consommait relativement peu d'alcool, une consommation intermittente ne dépassant pas deux à trois verres standard par semaine peut être autorisée chez les patients ne présentant aucun autre facteur de risque d'une hépatotoxicité induite par le méthotrexate, après discussion avec leur rhumatologue. (4,5)Il convient de surveiller régulièrement les enzymes hépatiques et d'arrêter complètement la consommation d'alcool si les taux d'enzymes sont élevés de façon persistante et significative. (2,4) Les pharmaciens peuvent également s'assurer que les patients respectent la supplémentation en acide folique à la dose recommandée de 1 mg/jour ou de 5 mg une fois par semaine afin de prévenir les lésions hépatiques et les toxicités hématologiques et gastro-intestinales induites par le méthotrexate. (1)Jillian Reardon, ACPR, PharmD, RPh, est pharmacienne clinicienne et chargée de cours à la Pharmacists Clinic, Faculté des Sciences pharmaceutiques, Université de la Colombie-Britannique.RéférencesSmolen JS, Landewé RBM, Bijlsma JWJ, et al. EULAR recommendations for the management of rheumatoid arthritis with synthetic and biological disease-modifying antirheumatic drugs: 2019 update. Ann Rheum Dis 2020;79:685-99.Bath RK, Brar NK, Forouhar FA, et al. A review of methotrexate-associated hepatotoxicity. J Dig Dis 2014;15:517-24. doi:10.1111/1751-2980.12184.Larsson I, Andersson MLE. Reasons to stop drinking alcohol among patients with rheumatoid arthritis in Sweden: a mixed-methods study. BMJ Open 2018;8:e024367. doi: 10.1136/bmjopen-2018-024367.Humphreys JH, Warner A, Costello R, et al. Quantifying the hepatotoxic risk of alcohol consumption in patients with rheumatoid arthritis taking methotrexate. Ann Rheum Dis 2017;76:1509-14. doi:10.1136/annrheumdis-2016-210629.Canadian Centre on Substance Use and Addiction: Canada’s Low-Risk Alcohol Drinking Guidelines. 2018. https://www.ccsa.ca/sites/default/files/2020-07/2012-Canada-Low-Risk-Alcohol-Drinking-Guidelines-Brochure-en_0.pdf (consulté le 15 novembre 2020).

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