Mesures de pertinence: Une première année satisfaisante, mais le plus dur est à venir

La première année de l’Institut de la pertinence des actes médicaux (IPAM) a donné de bons résultats malgré la pandémie, mais le plus dur est à venir, prévient son directeur général, Jean-François Foisy. Il espère par ailleurs que le nouveau président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Vincent Oliva, continuera de convaincre les associations de contribuer au bon fonctionnement de l’IPAM.Créé en mars 2020, l’Institut est chargé d’adopter des mesures visant à restreindre ou à éliminer des actes médicaux inappropriés, réalisés à des fréquences excessives, tels que des examens de radiologie inutiles ou non conformes aux bonnes pratiques, à hauteur de 1,6 milliard $, de 2018 à 2023. Cet argent, dégagé de l’enveloppe de rémunération des spécialistes, sera totalement réinvesti dans l’amélioration de leur pratique et l’accessibilité à la médecine spécialisée.Depuis la création de l’IPAM, les deux disciplines qui ont le plus contribué ont été la chirurgie et l’anesthésiologie qui, à terme, soit en 2022-2023, auront enrichi la caisse de l’IPAM de près de 28 millions $.À lire aussi: IPAM: d'autres actes touchés dans plusieurs spécialités médicalesD’autres spécialités ont aussi été mises à contribution à des degrés divers, telles que la radiologie, la gériatrie, la pédiatrie, la gynécologie-obstétrique, la radio-oncologie, la médecine interne, la gastroentérologie, la psychiatrie et la pneumologie.Les coupes prennent plusieurs formes : abolition des primes d’assiduité ou des forfaits, abrogation des codes de facturation et planification des visites de contrôle.Selon le Protocole d’entente entre le gouvernement et la FMSQ, les mesures ne peuvent en aucun cas entraîner une réduction des tarifs sans le consentement écrit de la FMSQ.Des économies de 240 millions $ à réaliserLes économies provenant des mesures de pertinence des actes médicaux doivent entraîner une diminution récurrente de l’enveloppe budgétaire de 240 millions $.CIBLES ANNUELLES SELON L’ENTENTE 70 millions $du 1er avril 2020 au 31 mars 202170 millions $du 1er avril 2021 au 31 mars 2022100 millions $du 1er avril 2022 au 31 mars 2023Les propositions qui sont soumises à l’IPAM ont principalement deux sources : la FMSQ, qui a demandé à ses 35 associations de définir des mesures d’économies dans leur discipline, mais toutes ne se sont pas encore rendues jusqu’à l’IPAM. Le ministère de la Santé et des Services sociaux émet également ses propres recommandations.« Nous recevons aussi des suggestions confidentielles de la part de médecins, mais toujours pour couper dans la spécialité du voisin, précise toutefois Jean-François Foisy. Elles sont quand même très bonnes et nous allons les analyser. »Les investissements réalisés grâce aux gains obtenus vont commencer à se matérialiser en 2021-2022. Au 24 mars dernier, des projets touchant six spécialités étaient sur la table, notamment en chirurgie, radiologie, obstétrique et soins intensifs, ainsi qu’en télésanté. « Demain, si je coupe votre paie au nom de la pertinence, vous allez dire qu’on ne peut pas être contre la vertu, mais je ne suis pas sûr que vous allez trouver cela bien drôle. » Jean-François Foisy, directeur général de l’IPAM | Photo IPAMUne résistance légitimeLes premières coupes dans la rémunération de certaines spécialités ont déjà suscité de la colère. L’élimination de la majoration des honoraires du matin pour les anesthésiologistes a conduit leur association à poursuivre la FMSQ devant les tribunaux en lui reprochant son manque de consultation dans les choix à faire. Aucun autre groupe à ce jour n’est allé aussi loin dans son opposition à des mesures qui l’affectaient.Le directeur général de l’IPAM juge cette résistance normale et s’y attendait. Il rappelle que certaines coupes pourront se traduire par une diminution des revenus de l’ordre de 40 000 $ pour certains médecins. « Demain, si je coupe votre paie au nom de la pertinence, vous allez dire qu’on ne peut pas être contre la vertu, mais je ne suis pas sûr que vous allez trouver cela bien drôle », dit-il.Des attentes envers le nouveau présidentLe directeur général de l’IPAM doit maintenant composer avec le nouveau président de la FMSQ qui a dit lors de la campagne électorale qu’il voulait davantage travailler de concert avec les associations. « On remet le compteur à zéro, analyse Jean-François Foisy. Si la FMSQ souhaite travailler la pertinence d’une façon différente avec ses membres, ça lui revient. » Il espère néanmoins qu’il n’y aura pas de ralentissement dans la contribution attendue de la part des associations.« Pour moi, l’important, c’est que l’on nous soumette des mesures de pertinence que nous pourrons juger et analyser, poursuit-il. S’ils ne le font pas, dans l’entente, il y a une date butoir, soit le 31 mars 2023. Si tout le monde voulait boycotter les mesures et que les objectifs de 1,6 milliard $ n’étaient pas atteints, tant pis, il y aura des coupes quand même. »Le gros enjeu : l’échéancierLe gros enjeu actuel, ajoute-t-il, porte sur les 240 millions $ qui doivent passer sous la guillotine d’ici le 31 mars 2023. Dans une entrevue accordée à Profession Santé, M. Foisy s’est dit très satisfait des efforts réalisés lors de cette année de démarrage. Toutefois, la cible de 70 millions $ prévue pour la première année n’a pas été atteinte. Les montants épargnés grâce aux mesures adoptées en 2020 sont estimés à 58 millions $ annuellement. N’eût été les effets de la pandémie, il croit que l’objectif de 70 millions $ a été atteint.Ce montant de 58 millions $ d’économies devra être corroboré par l’actuaire de l’IPAM pour s’assurer qu’il génère bel et bien les gains attendus. Cet exercice sera répété pour chaque mesure soumise à l’IPAM. Si certains résultats s’avèrent inférieurs aux attentes, la différence devra être récupérée grâce à d’autres réductions. En outre, la cible de 12 millions $ qui n’a pas été atteinte en 2020-2021 viendra s’ajouter aux 70 millions $ attendus la deuxième année, pour un total de 82 millions $, auxquels s’ajouteront les 100 millions $ de la troisième année. Au total, cela représentera 182 millions $ à couper lors des deux dernières années de l’entente, comparativement à plus ou moins 58 millions $ obtenus lors de l’an 1.Le plus dur est à venirLa commande sera de taille et Jean-François Foisy ne cherche pas à sous-estimer l’ampleur du défi. Les coupes réalisées la première année auront peut-être été les plus faciles à faire, car on aura élagué les éléments les plus évidents. L’exercice sera sans doute plus ardu lors des deuxième et troisième années pour aller chercher 182 millions $, et il faudra aller encore plus en profondeur.« Ça ne me surprendrait pas si ça se complexifiait avec le temps, commente le directeur général de l’IPAM. Je pense que plus on avance, plus c’est difficile, mais ça n’enlève en rien les cibles à atteindre. Je ne peux pas croire que l’on ne va pas trouver 240 millions $ sur les milliards que l’on investit en médecine spécialisée. »La première année, aucun dossier soumis n’a dû être porté devant le Conseil du règlement chargé d’arbitrer les différends. Certains litiges vont-ils le forcer à intervenir à l’avenir ? Les prochains mois le diront.Contributions variables selon les spécialitésJean-François Foisy se veut optimiste en disant qu’on est en marche pour atteindre l’objectif de 240 millions $ en trois ans. La FMSQ a demandé à toutes ses associations de mettre l’épaule à la roue. Elles ne contribueront pas à la même hauteur aux mesures de pertinence parce que leur taille diffère, mais le directeur général de l’IPAM s’attend à ce que l’ensemble des spécialités aient fait leur part la deuxième année.Somme toute, exception faite des anesthésiologistes, les mesures de pertinence exigées par l’IPAM n’auront pas provoqué beaucoup de soubresauts lors de la première année de son implantation, du moins sur la place publique. Mais avec 182 millions $ à couper en deux ans, la pilule sera peut-être plus difficile à faire passer dans les mois à venir.

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