Médicaments potentiellement inappropriés chez les aînés: mise à jour 2023 des critères de Beers

L’American Geriatrics Society (AGS) a publié la version 2023 de ses critères de Beers, une liste de médicaments potentiellement inappropriés qu’il vaut mieux éviter chez les personnes âgées en règle générale ou dans des situations spécifiques (en présence de certaines maladies ou conditions, par exemple). La version précédente remonte à 2019. Les critères de Beers sont destinés aux cliniciens en exercice qui prennent en charge des patients de 65 ans ou plus dans tous les contextes de soins ambulatoires, aigus et institutionnalisés, à l’exception des soins palliatifs. L’objectif ultime est d’améliorer les soins aux aînés en réduisant leur exposition à des médicaments potentiellement inappropriés qui présentent plus de risques que de bénéfices comparés à d’autres options thérapeutiques. La mise à jour 2023 est divisée suivant les cinq mêmes sections que l’édition 2019: Médicaments considérés comme potentiellement inappropriés. Médicaments potentiellement inappropriés chez les patients atteints de certaines maladies ou de certains syndromes. Médicaments à utiliser avec prudence Interactions médicamenteuses potentiellement inopportunes Médicaments dont la posologie doit être adaptée en fonction de la fonction rénale. -> À lire aussi: Une faible masse musculaire associée à un déclin cognitif chez les aînés Principaux changements dans les critères de Beers 2023 Un encadré spécial a été ajouté pour résumer les critères de Beers relatifs aux anticoagulants (warfarine, rivaroxaban, dabigatran). Un tableau séparé répertorie les médicaments ayant de fortes propriétés anticholinergiques. Les raisons d’éviter ces médicaments ont été élargies afin de reconnaître les risques associés à leur utilisation simultanée (c’est-à-dire la charge anticholinergique cumulée). Le critère d’utilisation de l’aspirine (acide acétylsalicylique) pour la prévention primaire des maladies cardiovasculaires a été révisé, avec la nouvelle recommandation d’éviter d’initier l’aspirine pour la prévention primaire des maladies cardiovasculaires chez les adultes plus âgés. Pour ceux qui prennent déjà de l’aspirine en prévention primaire, il convient d’envisager une déprescription, dans l’attente de nouvelles données sur ce sujet. La recommandation pour le rivaroxaban est passée de «utiliser avec prudence» à «éviter» en ce qui concerne le traitement à long terme de la fibrillation auriculaire non valvulaire et de la thromboembolie veineuse (TEV). Des études d’observation et des méta-analyses en réseau ont en effet montré que ce médicament confère un risque plus élevé d’hémorragie majeure et d’hémorragie gastro-intestinale chez les adultes plus âgés que d’autres anticoagulants oraux à action directe (DOAC), en particulier l’apixaban, mais aussi le dabigatran. Cependant, dans certaines circonstances, le rivaroxaban peut être un choix raisonnable, notamment pour d’autres conditions cliniques et dans des circonstances particulières, par exemple lorsqu’un DOAC à prise unique quotidienne est nécessaire pour faciliter l’observance du traitement. Tous les DOAC présentent un risque d’hémorragie intracrânienne inférieur à celui de la warfarine. La warfarine a été ajoutée comme médicament à éviter dans le cadre du traitement initial de la TEV ou de la fibrillation auriculaire non valvulaire, à moins que les alternatives (par exemple, les DOAC) ne soient contre-indiquées ou qu’il existe des obstacles importants à l’utilisation d’une alternative. L’initiation d’œstrogènes oraux et transdermiques doit être évitée chez les femmes âgées; les œstrogènes vaginaux topiques restent appropriés pour leurs indications principales d’atrophie vaginale symptomatique ou de prophylaxie des infections des voies urinaires. Une déprescription doit être envisagée pour les femmes âgées qui utilisent déjà des œstrogènes de substitution non vaginaux. Toutes les sulfonylurées (et pas seulement les sulfonylurées à longue durée d’action) doivent être évitées en tant que monothérapie de première ou de deuxième intention ou en tant que traitement d’appoint, car elles sont associées à un risque plus élevé d’événements cardiovasculaires, de mortalité toutes causes confondues et d’hypoglycémie, par rapport à d’autres solutions. Si une sulfonylurée doit être utilisée (par exemple, pour des raisons financières), il est préférable d’utiliser un agent à courte durée d’action en raison du risque plus élevé d’hypoglycémie prolongée avec les sulfonylurées à longue durée d’action (comme le glimépiride, le chlorpropamide, le glyburide). L’association dextrométhorphane/quinidine a été ajoutée à la liste des médicaments à éviter chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Les opioïdes ont été ajoutés à la liste des médicaments susceptibles d’exacerber le délire. Un nouveau critère a été ajouté concernant les inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose-2 (SGLT2) qui doivent être utilisés avec prudence en raison du risque accru d’infection urogénitale et d’acidocétose diabétique euglycémique. Les patients qui prennent ces médicaments doivent être surveillés pour détecter d’éventuels effets indésirables. Le tableau des médicaments à éviter ou à utiliser à des doses réduites avec différents niveaux de fonction rénale a été mis à jour. L’apixaban est considéré comme sûr chez les patients atteints d’insuffisance rénale terminale. La posologie du rivaroxaban en cas de fonction rénale réduite est variable en fonction des indications; il convient de consulter l’étiquetage du produit. Le baclofène doit être évité lorsque le DFGe est inférieur à 60 mL/min en raison du risque accru d’encéphalopathie chez les personnes âgées. -> À lire aussi: Quel est le médicament le plus efficace pour traiter la migraine aiguë? L’American Geriatrics Society souligne que le terme «éviter» dans les critères de Beers n’est pas une contre-indication absolue, à moins que cela ne soit spécifié dans l’étiquetage du médicament. Il signifie plutôt que le médicament doit être évité, sauf dans des circonstances particulières, par exemple lorsqu’une alternative plus sûre n’a pas permis d’obtenir le résultat thérapeutique escompté. Par ailleurs, il est essentiel de prêter une attention particulière aux recommandations des critères de Beers afin d’éviter toute erreur d’interprétation; de nombreux critères font état d’exceptions et d’autres considérations et ne doivent pas être simplifiés à l’extrême en disant «à éviter chez toutes les personnes âgées de 65 ans et plus». L’objectif des critères de Beers n’est pas simplement «d'offrir un meilleur médicament à la place d'un moins bon». Dans de nombreux cas, des traitements non pharmacologiques (ou pas de traitement du tout) peuvent être préférables. Les critères de Beers de l’AGS devraient être le point de départ d’un processus global d’identification et d’amélioration concernant la pertinence et l'innocuité des médicaments chez les personnes âgées.

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