Médicaments de spécialité: «l'éléphant dans la pièce»

Je suis pharmacienne propriétaire depuis 15 ans.Au cours des dernières semaines, j’ai vu passer toutes sortes de messages au sujet de la prise en charge des médicaments de spécialité qui m’ont grandement choquée et aujourd’hui, je ne peux plus me taire. Le nouveau regroupement des pharmacies de médicaments de spécialité du Québec (RPMSQ), et certains de ses membres, s’emploient à vanter les mérites du modèle de «pharmacies de médicaments de spécialité». Il y a un énorme éléphant dans la pièce: ces pharmacies de médicaments de spécialité font partie d’un système opaque qui brime le droit des patients de choisir leur pharmacien. Elles s’approprient des patients via un tiers (certains programmes de soutien aux patients), une approche pourtant interdite d’obtention de clientèle qui est contraire au Code de déontologie des pharmaciens. Ces pharmaciens ont d’ailleurs été sanctionnés par le syndic de l’Ordre des pharmaciens.Mais là où j’ai été complètement sidérée et insultée, c’est lorsque j’ai vu qu’ils se félicitaient de leur «contribution à l’accès aux médicaments de spécialité pour les Québécois», alors que, quotidiennement, ils mettent des bâtons dans les roues des quelque 2000 pharmaciens propriétaires, en les empêchant d’accéder à ces produits et de servir les patients qu’ils connaissent et qu’ils suivent pour l’ensemble de leurs conditions de santé. À cet effet, le fractionnement des soins des patients est complètement incohérent. Par exemple, pourquoi un patient souffrant d’une maladie chronique devrait recevoir un médicament de spécialité par une pharmacie désignée, alors que c’est son pharmacien habituel qui le conseillera lorsqu’il aura besoin d’antibiotique en raison d’une immunosuppression, si sa tension artérielle est trop élevée ou si d’autres effets indésirables doivent être traités?Soyons clairs: je ne remets pas en cause les compétences de ces pharmaciens, mais les méthodes qu’ils emploient pour garder leur part de marché sont déloyales et, rappelons-le, interdites (notons que moins de 0,5% des pharmacies du Québec se partagent 40% du marché des médicaments de spécialité).De plus, les 7000 pharmaciens au Québec et leurs équipes ont, eux aussi, la capacité et les habiletés pour bien servir leurs patients. Ils sont largement présents dans toutes les régions et sont facilement accessibles, en toute proximité. Nous répondons aux patients, quotidiennement, et c’est nous qui sommes là pour tous les besoins, petits et grands.Pendant que ces quelques pharmaciens véhiculent toutes sortes de propos erronés sur les réseaux sociaux, les équipes des 1900 pharmacies communautaires du Québec, présentes au cœur de toutes les communautés, se dévouent pour prendre en charge la thérapie complète de tous leurs patients.

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