Médecins: comment faire face aux situations conflictuelles avec les patients?

Les relations avec les patients sont au cœur de la pratique médicale et très souvent la raison pour laquelle les médecins ont choisi d’exercer. Mais elles peuvent parfois tourner au vinaigre et avoir de lourdes conséquences sur la santé des professionnels et sur la qualité des soins apportés au patient. Selon les réponses du dernier «Questionnaire santé» de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), plus d'un médecin interrogé sur trois déclarait ressentir un niveau de stress élevé au travail, et 26% souffraient de troubles anxieux. Si les causes sont évidemment multiples, le stress et l'anxiété peuvent aussi résulter de tensions lors des consultations. Professionsanté.ca s'est entretenu avec la Dre Claude Johnson, médecin-conseil et coordinatrice de l’intervention au Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ), qui a épaulé plus de 2400 médecins en 2023.Tous les médecins sont-ils exposés de la même manière aux risques de conflits avec leurs patients?Si certains domaines de la santé sont plus à risque, comme la psychiatrie, la gériatrie ou l’urgence, tous les médecins peuvent en effet être confrontés à des situations problématiques avec leurs patients, car les sources de frustrations sont multiples. Les patients sont confrontés aux problèmes d’accès aux soins, à de l’attente et parfois à des retards de la part de leurs soignants, à des rendez-vous ou des chirurgies annulés, ou éprouver de la confusion quant au rôle de leurs différents interlocuteurs. À lire aussi: De plus en plus d'épuisement professionnel chez les urgentologuesDe leur côté, les médecins, et plus généralement les équipes médicales et paramédicales, subissent une pression constante de la part du système et de la population, ainsi qu'un manque de ressources et de temps, sans parler des agressions quotidiennes qui finissent par user leur patience. Tous ces facteurs favorisent les crispations, les incompréhensions et, au final, des conflits qui peuvent parfois aller jusqu’à la violence verbale et physique. Quand on discute entre médecins conseils, on observe une dégradation du contexte sociétal, une augmentation des difficultés liées au système de santé dont on tient les médecins pour responsables. Quand les patients n’ont pas de bons services, ils pointent le médecin du doigt. Les médecins, eux, sont inconfortables car ils sont en première ligne et ressentent un manque de respect envers leur profession.Quelles sont les conséquences de ces crispations, voire de ces conflits, sur les médecins?Les médecins qui nous contactent sont en situation de grand stress, soit parce qu’ils ont été ou se sont sentis agressés, que ce soit verbalement ou physiquement, ou qu’ils font l’objet d’une plainte. Les implications déontologiques, la menace sur leur intégrité ou la remise en cause de leur professionnalisme sont des sources de stress et d’inquiétude très importantes. En tant que médecin-conseil, j’essaie de savoir si ce stress peut cacher autre chose, comme un problème de santé sous-jacent ou un épuisement professionnel, qui peuvent rendre le médecin plus irritable ou empêcher la communication. À lire aussi: Burnout des médecins: quelqu'un écoute?Ces conflits peuvent aussi avoir un impact non négligeable sur la qualité des soins, puisqu’il peut-être difficile de prendre une décision objective avec un patient quand on ne se sent pas en sécurité.Enfin, les médecins peuvent aussi s’épuiser à essayer de forcer la relation, car ils se sentent responsables de la qualité de celle-ci, même si le patient n’est objectivement pas facile – car en proie à des problèmes de santé mentale, par exemple. Malgré leur bonne volonté, ce n’est pas toujours facile, voire impossible dans certains cas. La communication se fait à deux.Comment les médecins peuvent-ils s’en protéger?Le rôle des médecins-conseil du PAMQ n'est pas de donner des conseils ou des stratégies pour gérer la relation médecin-patient. Nous nous assurons toutefois que les médecins qui nous appellent aient accès aux ressources appropriées, pour gérer leur problème de santé ou apprendre à bien communiquer via des ateliers portant sur les bases de la communication non violente par exemple. Il est aussi important de savoir prendre soin de soi, de cultiver son bien-être – bien dormir, bien manger, avoir une vie personnelle équilibrée, régler ses problèmes de santé au préalable… À lire aussi: Gérer les patients exigeantsÊtre davantage en contact avec soi-même et avec ses émotions leur permettra d’être conscients de leurs propres réactions, mais aussi d’être plus attentifs à leurs patients pour pouvoir détecter un malaise, une incompréhension, une tension. Pour éviter une escalade, il est primordial d’être capable de s’arrêter et de réfléchir pour sortir de l’impasse le plus rapidement possible. Sinon, il va y avoir un bris de confiance, or elle est essentielle à la relation thérapeutique. Mais il ne s’agit pas de tolérer des relations qui ne seraient pas optimales dans un contexte médecin/patient. Lorsqu’une relation ne fonctionne pas, il est sage d’adresser le patient à quelqu’un d’autre. Malheureusement, le contexte actuel du manque d’accès aux soins empêche souvent d’avoir recours à cette solution.Les propos de la Dre Claude Johnson ont été édités pour en assurer la clarté et la concision.Si vous ou votre équipe avez besoin d'aide, communiquez avec le PAMQ au 1 800 387-4166 ou à info@pamq.org

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