Médecins, apprenez de vos aînés!

Adolescent, je rêvais d'une carrière médicale et je pensais guérir le monde entier. J'étais loin de me douter que les meilleurs moments de ma formation médicale me seraient offerts par des patients quinquagénaires, voire plus âgés. Les stages facultatifs en chirurgie orthopédique et en médecine interne m'ont permis de rencontrer des patients plus âgés qui souriaient lorsque j'entrais dans la pièce, même s'ils portaient des plâtres ou résidaient dans une chambre d'hôpital sombre. Comment pouvez-vous sourire, ai-je demandé à une dame de plus de soixante-dix ans. Elle a toussé et m'a répondu d'une voix rauque mais cohérente que «ressentir ma douleur le matin me rappelle que je suis en vie».Après cette rencontre, j'ai réalisé que de nombreuses personnes âgées vivent dans la douleur ou avec une autre maladie chronique. Comment y parviennent-elles? Comment peut-on continuer à sourire avec toutes sortes de douleurs et d'inquiétudes? Je devais approfondir cette question.Au cours de l'été 1989, j'ai passé 12 semaines en rotation au Baycrest Centre for Geriatric Care à North York, en Ontario. Mes mentors étaient les docteurs Michael Gordon et Mark Cheung, tous deux internistes.Pendant une soirée où j'étais de garde, on m'a demandé de traiter une dame qui saignait modérément du nez. J'ai dû utiliser des bâtonnets de nitrate d'argent qui faisaient mal. Au début, j'ai hésité à appuyer fermement et à plusieurs reprises le bâtonnet sur sa fine muqueuse nasale. Mais le saignement persistait. J'ai donc doublé la quantité de bâtonnets et le saignement s'est arrêté peu de temps après. Du sang avait éclaboussé mes lunettes et les revers de ma blouse blanche, mais mon badge était resté propre.Une heure plus tard, on m'a appelé pour que j'aille voir une dame de 85 ans qui vomissait du sang. Avec une longue liste de problèmes de santé documentés, nous avons respecté son ordre de ne pas réanimer; son état s'est rapidement détérioré. Je suis resté à son chevet et j'ai regardé une personne âgée mourir tranquillement.Trois ans plus tard, alors que j'étais interne en médecine familiale, une situation similaire s'est reproduite quand une octogénaire est décédée d'une septicémie après une chimiothérapie. Mon mentor, une femme interniste chevronnée, est restée calme pendant les 24 heures qu'a duré le déclin de ma patiente. Sept ans plus tard, je travaillais à l'Oakville Trafalgar Memorial Hospital (O-T en abrégé) et je m'occupais d'une dame de 80 ans qui avait subi un accident vasculaire cérébral et souffrait d'une hémiplégie dense. J'ai admis cette dame et j'ai consulté un neurologue qui lui a prescrit de l'AAS. Cette dame avait une mauvaise dentition, mais elle n'avait pas peur de montrer sa gratitude envers mes soins calmes et attentifs en souriant de son sourire édenté. Sa fille cadette a souri et m'a serré la main. Une semaine plus tard, cette dame est décédée d'une hémorragie digestive haute, malgré l'administration d'antiacides par voie intraveineuse. Un an plus tard, mon patient âgé, George, est arrivé souriant et essoufflé. Je lui ai demandé: «George, comment faites-vous pour sourire alors que vous avez du mal à respirer?»Il m'a répondu: «Il ne sert à rien de se renfrogner, cela ne fait qu'énerver ma femme.»J'avais rencontré George et Marcia après m'être rendu au domicile de leur fille qui se mourait d'une leucémie myélogène aiguë. Il n'a fallu que six mois à George pour mourir de son mésothéliome. Quelques mois seulement après sa mort, Marcia s'est présentée à mon bureau en se plaignant d'un cri dans l'oreille. Ma première réaction a été de penser qu'elle souffrait d'une réaction de deuil à retardement – d'abord sa fille était morte, puis son mari. Mais en raison de la formation que j'ai reçue à Baycrest et tout au long de mon internat en médecine familiale, je l'ai examinée physiquement, à la recherche de la source de son «cri». Quelques instants plus tard, j'ai entendu le «cri» provenant de sa valve aortique. Deux semaines plus tard, je lui rendais visite à l'hôpital après son remplacement de la valve aortique.Elle m'a souri malgré la douleur et le fait qu'elle soit allongée dans une chambre d'hôpital sombre.

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