MedActuel DPC - Médecine du sport - La prescription d'activité physique pour un couple de retraités

Objectifs pédagogiques Évaluer la présence de facteurs de risque. Connaître les bénéfices de l’activité physique. Apprendre à discuter de l’activité physique avec diverses clientèles. Prescrire adéquatement l’ECG à l’effort et savoir en utiliser les résultats. Être en mesure d’utiliser des outils pour mieux encadrer les patients. Faire le suivi approprié de ces patients. Mots-clés Sédentarité, syndrome cardiométabolique, prescription d’exercice, surpoids, activité physique. De plus en plus de personnes décident de renouer avec l’activité physique pour toutes sortes de raisons, mais, le plus souvent, c’est pour avoir une meilleure santé ou la conserver. Je vous présente ici Claire et Rosario qui pourraient bien être vos patients ! Comment les conseiller ? Rosario et Claire, son épouse, sont au début de la retraite et ils ont décidé de se prendre en main. Vous les connaissez bien, car vous les voyez depuis 10 ans. Cas clinique – Rosario Rosario a 60 ans, il a toujours été un sportif de bon niveau, mais il est sédentaire durant l’automne et l’hiver. Il est un adepte du vélo de route et il fait partie d’un groupe. Il roule environ 3000 kilomètres par saison. Vous le traitez pour une hypertension artérielle(HTA)légère qui est bien maîtrisée par un bloqueur des récepteurs de l’angiotensine(BRA). Cependant, la maîtrise de son HTA laisse à désirer pendant les six mois où il cesse de bouger. Il présente un surpoids concentré à l’abdomen avec un tour de taille de 106 centimètres et un indice de masse corporelle(IMC)de 29. Son bilan lipidique montre un cholestérol total à 5,4 mmol/L avec un C-HDL à 1,1 et un C-LDL à 3,9. Les triglycérides sont à 1,2 mmol/L. Tous ses autres tests sanguins sont normaux. Il ne fume pas ni ne consomme d’alcool. Il a cependant une très bonne fourchette et raffole particulièrement des desserts sucrés ! Cas clinique – Claire Claire est âgée de 64 ans et elle est très sédentaire. Elle n’a jamais fumé, mais consomme un verre de vin rouge par jour, car c’est très bon pour les artères, affirme-t-elle. Vous la traitez pour un syndrome métabolique, car elle est en surpoids avec un IMC à 32 et son tour de taille est de 104 centimètres. Sa glycémie est toujours autour de 8 mmol/L, malgré sa médication de metformine à 850 mg bid. Son HbA1C est à 120 %. Les triglycérides sont à 2,3 mmol/L, le cholestérol total est à 6,0 mmol/L avec un C-HDL à .8 et un C-LDL à 4,4. Elle reçoit un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine(IECA)pour traiter une hypertension artérielle légère. La TSH est revenue normale. Elle n’aime pas faire de l’exercice et elle craint que Rosario se fasse mourir en faisant autant de vélo. Vous lui dites que vous devrez ajouter un médicament pour la maîtrise de son cholestérol, un autre pour le diabète, un pour éclaircir son sang et qu’elle doit perdre du poids. Aussi, vous lui soulignez, une fois de plus, que l’activité physique pourrait grandement l’aider à maîtriser son syndrome cardiométabolique. Elle ne veut pas prendre plus de médicaments pour le moment et se dit prête à faire plus d’exercice si… ce n’est pas trop forçant ! LE CAS DE ROSARIO Les portes d’entrée Une HTA mal maîtrisée pendant les périodes de sédentarité Vous pouvez discuter du rôle de l’activité physique sur la maîtrise de l’HTA. En effet, il est démontré que l’on arrive à une baisse de 8 à 10 mm Hg chez les patients actifs, ce qui s’approche de l’effet d’un médicament antihypertenseur en monothérapie. Votre patient constate que son HTA devient limite lorsqu’il est sédentaire. Lorsque vous voulez ajouter un léger diurétique à son BRA, il vous dit chaque fois qu’il préfère attendre. Voilà une belle occasion pour lui suggérer une activité physique à son goût à faire pendant les six mois qui entrecoupent ses saisons de vélo. On pourra penser à la marche, au vélo sur place chez lui ou dans un centre d’entraînement, au ski de fond ou à la natation, selon ses goûts et ses habiletés. D’ailleurs, l’Association médicale canadienne recommande de telles activités de type aérobie, d’intensité modérée, d’une durée de 50 à 60 minutes, 3 à 4 fois par semaine pour mieux maîtriser l’HTA. Le surpoids Le tour de taille et l’IMC sont également de bons arguments pour l’amener à combiner un régime alimentaire hypocalorique et l’activité physique. On doit lui expliquer ce qu’est la balance calorique négative. Il faut brûler plus de calories que l’on en ingère, sinon on accumule de la graisse, à l’abdomen le plus souvent. Il pourra se faire conseiller par une diététiste. L’activité physique aide à la régulation du poids corporel. Une perte de poids, même modeste, de 3 % à 9 %, est associée à une réduction significative de la tension artérielle tant systolique que diastolique. Doit-on lui demander un ECG à l’effort ? Comme il est hypertendu et qu’il s’entraîne en groupe, nous pourrions en savoir plus sur sa capacité de travail en Mets(capacité aérobie)et ainsi mieux le conseiller sur le rythme cardiaque à respecter lors de ses entraînements(tableau I). Le vélo se pratique souvent dans des conditions de chaleur et d’humidité. De plus, en groupe, il est facile de dépasser ses limites, ne serait-ce que pour rester avec le peloton de tête. Il faut toujours être plus prudent lorsque le sport est pratiqué avec un ou des partenaires. Il s’installe souvent un climat de compétition et d’excellence et on augmente l’intensité de l’exercice. Les résultats de l’ECG à l’effort montreront s’il y a ischémie et à quel seuil. On verra aussi si le patient présente des douleurs associées à de tels changements ou non(ischémie silencieuse). Le nombre de Mets obtenu nous permettra de mieux encadrer ses entraînements. S’il présente des signes d’ischémie à un rythme cardiaque de 140 battements/minute, on lui recommandera de se limiter à 130 ou 135 battements/minute. Si tout est beau, on lui suggérera de s’entraîner à 80 % ou 85 % de son rythme cardiaque maximal(RCM)(tableau II). Il pourra utiliser un cardiofréquencemètre(figure 1), le test du parler(tableau III)ou l’échelle de perception d’effort de Bjorg(tableau IV)pour éviter de dépasser ses limites. Cardiofréquencemètre De plus, il est important qu’il consulte s’il présente des douleurs thoraciques, dorsales, à la gorge, etc., pendant l’effort. Aussi, un essoufflement anormal, un trouble du rythme cardiaque, une fatigue anormale ou une syncope devraient l’inciter à vous revoir. LE CAS DE CLAIRE Les portes d’entrée Le surpoids et l’HTA Tout ce qui a été signalé à Rosario concernant les effets de l’activité physique sur la tension artérielle et la maîtrise du poids vaut également pour Claire. On doit être très précis et lui expliquer que le traitement du syndrome cardiométabolique combine l’activité physique et la perte de poids. Les médicaments ne sont pas des plus efficaces et on devra sans cesse en ajouter ou augmenter les doses. La décision lui revient d’investir des efforts et de l’énergie pour mieux maîtriser son état de santé et limiter la prise de médicaments. Le diabète de type 2 Comme elle présente aussi une anomalie du métabolisme glucidique, il faut lui souligner que l’activité physique augmente l’utilisation du glucose par le muscle. En effet, elle améliore la tolérance au glucose de 10 % environ, ce qui aidera à maîtriser son diabète et, surtout, pourra prévenir une détérioration trop rapide pouvant l’amener à prendre de deux à trois autres types de médicaments, lesquels favorisent souvent la prise de poids. Le bilan lipidique anormal Il faut lui souligner que l’activité physique abaissera également ses triglycérides, car ils sont brûlés lors de l’exercice. Quant à son bilan lipidique anormal, sa normalisation passe d’abord par une perte de poids et un régime alimentaire faible en cholestérol ou en gras saturés de type méditerranéen plutôt que par des médicaments. En effet, ces deux mesures jouent un plus grand rôle que l’activité physique sur la baisse du cholestérol. L’activité physique augmente la fraction HDL du cholestérol, mais, chez Claire, le seuil d’intensité ne sera sans doute pas atteint pour arriver à ce résultat. La prescription d’exercice de Claire Podomètre Rappelez-vous qu’elle insiste pour que ce ne soit pas forçant ! J’ai utilisé le podomètre(figure 2)avec Claire en lui expliquant qu’elle devait le porter à sa ceinture pendant une à deux semaines pour bien évaluer le nombre de pas qu’elle marchait en moyenne par jour. Il est facile de s’en procurer dans des magasins de sport ou dans des magasins à grande surface. Ils coûtent entre 15 $ et 20 $ et ils sont faciles à utiliser. Elle marchait 3500 pas par jour. Dans son cas, on oublie les notions d’intensité, de durée et de calories brûlées. On se concentre sur le nombre de pas visé à court et à moyen terme. On doit rendre Claire consciente qu’elle peut augmenter le nombre de ses pas lors d’activités quotidiennes de déplacement et de travaux ménagers. Le podomètre est très stimulant, car on réalise tout au long de la journée le nombre de pas accumulés et on se sent obligé de s’ajuster à la hausse. Voyant que le but n’est pas atteint, on provoque les occasions pour bouger plus. Je lui ai suggéré d’augmenter de 20 % le nombre de pas à chaque 3 à 4 semaines. Pas forçant, disait-elle, rappelez-vous. Ces objectifs sont des plus réalistes pour Claire. À plus long terme, on visera au moins 8000 pas par jour de façon régulière. Je lui ai mentionné que nos champions du podomètre atteignent 10 000 pas par jour. Comme Claire est en surpoids notable, il est important d’insister pour qu’elle se procure de bons souliers de marche. On évitera ainsi des douleurs aux genoux ou aux pieds qui lui feraient abandonner son programme-traitement. Sans aborder des notions souvent difficiles à comprendre par les patients sédentaires, on revient aux dernières recommandations des experts sur la quantité d’exercice nécessaire pour améliorer la santé métabolique, soit : 30 à 40 minutes de marche, 5 à 7 jours par semaine. Il s’agit de cumuler une perte calorique de 1000 à 1500 calories par semaine. C’est un argument de vente de taille. Ce ne sont pas les calories brûlées en une séance qui comptent, mais bien le total de la semaine, et ce, semaine après semaine, tout au long de l’année, quels que soient les saisons, la météo, les voyages, etc. La régularité est la clé et il faut insister pour bien transmettre ce message. Dans le cas de Claire, on aborde une seule notion : le nombre de pas marchés au quotidien. Je revois Claire chaque mois et avec elle je fais le bilan de ses résultats comme pour le glucomètre, le tensiomètre et son poids mesuré chez elle. De plus, à ce moment, je vérifie ses tests sanguins qui deviennent un motivateur pour l’inciter à poursuivre son programme-traitement. Doit-on demander un ECG à l’effort pour Claire ? Comme il s’agit d’une activité d’intensité légère à modérée, l’ECG à l’effort ne nous apportera pas d’éléments aidant à préciser notre prescription d’exercice. Elle doit nous aviser si elle développe des symptômes anormaux lors de sa marche tels de la douleur thoracique, un essoufflement anormal, des étourdissements, de l’arythmie, etc. Elle est très sédentaire et ne s’est jamais plainte de douleurs thoraciques. Elle est cependant une candidate à l’ECG à l’effort compte tenu de ses antécédents médicaux, car elle est à risque de développer ou de souffrir déjà d’une maladie cardiovasculaire. Il faut toutefois éviter d’en faire une condition avant de prescrire l’activité physique, car c’est une barrière qui pourrait l’inciter à ne pas adopter le programme-traitement proposé. De plus, il y a le risque d’un faux positif qui compliquerait la situation et la rendrait plus craintive. Conclusion Nous avons vu ici que la prescription d’exercice doit être adaptée à chaque cas, selon sa condition physique et surtout selon ses goûts et ses désirs. Plus l’intensité sera élevée, plus on devra être prudent et recommander un ECG à l’effort au préalable chez l’homme de 45 ans, la femme de 55 ans ou en présence de 2 ou plusieurs facteurs de risque de maladie cardiovasculaire. Cependant, il faut éviter de trop médicaliser l’activité physique pratiquée à une intensité légère à modérée, car on décourage les patients et on les prive d’un médicament « naturel » puissant qui peut s’attaquer à presque tous les facteurs de risque de maladie cardiovasculaire que l’on connaît à ce jour. Références

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