Marché des médicaments au Québec: des tendances qui s’amplifient

La tendance se confirme rapport après rapport depuis quelques années: les coûts des médicaments dits de spécialité continuent de croître. Entre 2010 et 2020, ils ont augmenté de 12% alors que ceux des médicaments traditionnels n’ont progressé que de 3%. Par ricochet, les dépenses des assureurs pour ces traitements enflent et pèsent de plus en plus lourd dans leurs budgets, souligne Caroline Le Pottier, pharmacienne-conseil chez Telus Santé, en s’appuyant sur des données issues des réclamations de plus de 10 millions de Canadiens assurés durant l’année 2021. «Malgré un tout petit pourcentage de réclamants (0,7%), les maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde ou la sclérose en plaques, qui sont essentiellement traitées par des médicaments de spécialité, représentent 14% des coûts admissibles au Québec», indique la professionnelle. Médicament leader dans cette catégorie, le Remicade coûte par exemple 45 067 $ par réclamant, alors que ses équivalents biosimilaires oscillent entre 14 000 et 21 000 $. Dans le détail, les médicaments spécialisés pour soigner des problèmes dermatologiques affichent la plus forte croissance en termes de coûts, de l’ordre de 20% sur une année. «Ils s’adressent à une plus large population et leur accès s’est étendu aux patients en pédiatrie pour leurs problèmes de peau, mais également à certaines maladies auto-immunes, comme le psoriasis», signale Caroline Le Pottier qui estime que la tendance observée sur les molécules de spécialité va se maintenir. «L’industrie pharmaceutique investit beaucoup en recherche et développement sur ce créneau-là, et beaucoup de traitements approuvés par Santé Canada sont des médicaments spécialisés.» Telus Santé observe cependant une relative décroissance des médicaments biologiques, corrélée à une augmentation des biosimilaires en raison de l’arrivée de nouvelles molécules sur le marché. Cette propension devrait se confirmer à court terme sous l’impulsion du virage pris en avril dernier par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) dont les bénéficiaires doivent passer du médicament original au biosimilaire, sauf exception. «Cette transition va produire un effet de halo sur les régimes privés», anticipe la pharmacienne-conseil qui observe ce phénomène en Colombie-Britannique, la province ayant mis en place un programme de transition vers les biosimilaires depuis 2019. À lire aussi: Transition vers les biosimilaires: sera-t-on au rendez-vous à Pâques? D’une part, «les médecins se sont habitués aux biosimilaires», et d’autre part, «les régimes privés ont développé des plans semblables au programme provincial», indique Caroline Le Pottier. Selon elle, les assureurs ont trois options: ils peuvent se caler sur ce que font les régimes de substitution provinciaux, mettre en place des clauses de droits acquis ou laisser le choix au patient sous réserve qu’il paye la différence entre le médicament biologique et son équivalent biosimilaire. «Ce sera sans doute une combinaison des trois et la décision appartiendra finalement aux employeurs», note la pharmacienne-conseil. Les effets secondaires — négatifs et positifs — de la pandémie Sur fond de pandémie de COVID-19, les prescriptions pour les troubles de santé mentale ont poursuivi leur croissance. «Cela témoigne que ces deux dernières années ont été très difficiles d’un point de vue sociétal avec une hausse généralisée de l’anxiété», mentionne-t-elle. Les prescriptions pour dépression ont ainsi augmenté de presque 6% en 2021, cette hausse étant particulièrement significative auprès des jeunes adultes. S’agissant des enfants, l’école à la maison a possiblement entraîné une multiplication des diagnostics du trouble du déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité. Ceux-ci occupent le premier rang parmi les conditions de santé les plus coûteuses en 2021 chez les moins de 18 ans (21,3% des réclamations pour 28,6% des coûts). «Avant, c’étaient les antibiotiques qui figuraient en tête, mais le port du masque et le lavage des mains ainsi que les mesures de distanciation ont changé la donne», souligne Caroline Le Pottier qui constate que les prescriptions pour le TDAH sont également en hausse chez les moins de 30 ans. «Ils ont sans doute vu qu’ils reproduisent les mêmes symptômes que leurs enfants.» À lire aussi: Les dépenses en médicaments auraient plus que doublé en 20 ans au pays Point positif relevé cette année dans les données de Telus Santé, «l’observance des traitements est revenue à des niveaux pré-pandémiques», signale la pharmacienne-conseil. «La peur d’aller dans un établissement de santé et la difficulté de voir un médecin ont vraisemblablement encouragé les comportements vertueux.» De nouveaux traitements en oncologie et pour la maladie d’Alzheimer Du côté des médicaments en développement, «près de 40% des produits en phases cliniques II et III sont en oncologie. On voit une tendance vers le développement de médicaments contre le cancer de plus en plus ciblés. C’est une bonne nouvelle pour les patients, car ils seront mieux traités, mais ces nouveaux médicaments sont très dispendieux et comme ils sont disponibles en pharmacie, ils auront un impact sur les régimes d’assurances privées», entrevoit Mme Le Pottier. Dans le même ordre d’idées, plusieurs médicaments sont également en cours de développement pour l’Alzheimer. « On se dirige vers de nouveaux produits pour traiter l’origine de la maladie et non plus seulement ses conséquences chez les personnes âgées. Cette prise en charge précoce est positive, mais pour les assureurs, elle va présenter des coûts élevés, d’autant plus qu’on touche une population beaucoup plus jeune », prévient la pharmacienne-conseil.

Marché des médicaments au Québec: des tendances qui s’amplifient

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes