Lois 41 et 31: près de 4 millions d’actes posés en 2021 par les pharmaciens

Les données colligées par ProfessionSanté.ca auprès de la RAMQ sont sans équivoque. L’an dernier, les pharmaciens ont facturé à la Régie quelque 3,8 millions d’actes découlant des lois 41 et 31, pour un montant total de 60,6 millions de dollars. Les activités issues de la loi 41 sont particulièrement en hausse, passant de 700 000 en 2020 à 1,7 million en 2021 (+ 140%). Quant à celles provenant de loi 31, elles montrent entre autres que les pharmacies ont significativement contribué à la campagne de vaccination contre la COVID-19, et dans une moindre mesure contre l’influenza et d’autres virus, avec l’administration de 2 millions de doses de vaccin. «Ce sont de très beaux chiffres qui me réjouissent», s’est aussitôt enthousiasmé le président de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ), Bertrand Bolduc. «On peut être fiers: les pharmaciens ont répondu présents!» Sa prédécesseure de 2009 à 2014, Diane Lamarre, voit dans cette compilation «un cadeau pour moi et pour tous les Québécois. Je savais que ce serait exigeant pour les pharmaciens, car on leur donnait un niveau de responsabilité et d’imputabilité très grand, mais que cela produirait de beaux résultats pour améliorer la première ligne», témoigne-t-elle en mesurant le chemin parcouru depuis les débats autour du projet de loi 41, en 2009-2011, durant desquels elle se souvient avoir bataillé pour faire entendre le terme «soins pharmaceutiques» aux fédérations de médecins et d’infirmières. L’envolée de 140% des actes issus de la loi 41, sans précédent depuis 2015, n’a rien de mystérieux. Il y a certes eu un effet pandémie, mais cette croissance s’explique avant tout par l’entrée en vigueur, le 25 janvier 2021, des règlements d’application de la loi 31 qui ont aboli les frais de franchise et de coassurance pour les services cliniques en pharmacie. «Ces changements ont levé un frein majeur, autant pour les patients que pour nos membres qui n’étaient pas à l’aise de les faire payer pour des services gratuits chez le médecin», observe le président de l’Association des pharmaciens propriétaires du Québec (AQPP), Benoît Morin. «Ces chiffres, poursuit-il, démontrent que lorsque les conditions sont réunies et qu’on leur en donne les moyens, les pharmaciens peuvent exploiter leurs compétences cliniques, dans l’interdisciplinarité ou en autonomie. Ça bénéficie à leurs patients et à leurs médecins qui sauvent ainsi du temps.» Dans le détail, le rédacteur en chef adjoint de Québec Pharmacie, Christophe Augé, se dit étonné par l’explosion des actes visant à modifier une thérapie médicamenteuse (code de service AD, dans le tableau ci-dessous). «Ils ont été multipliés par 10 en une année, ce n’est pas rien», observe le pharmacien propriétaire sous la bannière Familiprix à Ascot Corner, en Estrie. Il souligne que ces actes-là «incluent beaucoup de choses qu’on pouvait faire avant en termes d’ajustement, mais pour lesquelles on était limité par les frais de franchise». Benoît Morin signale néanmoins qu’auparavant, ces ajustements ne visaient que la sécurité du patient. Depuis l’entrée en vigueur des règlements de la loi 31, «on se préoccupe aussi de l’efficacité des traitements, ce qui réduit les risques d’effets secondaires et limite le gaspillage», souligne-t-il. De son côté, Diane Lamarre, qui continue de pratiquer la pharmacie en plus d’être la chroniqueuse en santé du réseau TVA, se réjouit de ces 125 000 ajustements thérapeutiques effectués l’an dernier. «Ils indiquent une grande vigilance de la part des pharmaciens qui n’exécutent plus une ordonnance les yeux fermés, mais en revalident tous les paramètres», indique l’ancienne députée péquiste. Les services facturés en vertu de la loi 41 de 2015 à 2021 En faire plus encore Les «évaluations du besoin de la prescription d’un médicament» (code de service V) ont également connu une augmentation notable, que ce soit pour le traitement de conditions mineures (infection urinaire chez la femme, dermatite atopique, herpès labial, etc.) ou pour celles où aucun diagnostic n’est requis (cessation tabagique, contraception orale d’urgence, diarrhée du voyageur, etc.). Là encore, la suppression des frais de franchise et de coassurance a joué en faveur des pharmaciens, considère Benoît Morin. «On devrait pouvoir en faire plus, notamment pour les conditions mineures», estime le président de l’AQPP. «Ce sont des actes que les pharmaciens ou les infirmières praticiennes spécialisées peuvent poser de manière autonome et qui soulagent d’autant les médecins de famille», insiste-t-il. En hausse de 150%, les prolongations d’ordonnance (code de service Z) participent à cette logique de décharger les omnipraticiens. Sauf que ces derniers se plaignent de recevoir encore beaucoup trop de fax à ce sujet de la part des pharmaciens. «Il ne faut pas banaliser cette activité-là, affirme Diane Lamarre. Quand un pharmacien prolonge une prescription, il endosse la même responsabilité qu’un médecin, et s’il s’y réfère, c’est que c’est justifié. Quand un patient prend huit traitements, c’est même plutôt sain de consulter le prescripteur. C’est une pratique de collaboration avancée», souligne la pharmacienne. «Parfois, c’est le patient qui demande à ce qu’on renvoie un fax à son médecin», signale Bertrand Bolduc qui note également que les pharmaciens ne peuvent renouveler une prescription que deux fois par année, pour une durée limitée. «C’est sûr qu’on va devoir continuer de communiquer avec les médecins», ajoute le président de l’OPQ. S’agissant des services d’«ajustement de la dose de médicaments pour l’atteinte de cibles thérapeutiques» (code de service W), qui ont été multipliés par cinq entre 2020 et 2021 pour des conditions telles que l’hypertension artérielle, le diabète, la dyslipidémie ou la migraine, Christophe Augé considère que la pratique pharmaceutique s’oriente vers une prise en charge plus autonome. «Avant, on devait obtenir les cibles thérapeutiques auprès du médecin. Sans ces cibles, on ne pouvait rien faire. Aujourd’hui, on n’a plus besoin du go du médecin, on peut nous-mêmes établir les cibles et s’occuper ensuite du suivi», se réjouit le pharmacien. Cette évolution, le président de l’APPQ souhaite l’élargir à d’autres conditions, comme les troubles de santé mentale, le traitement de la douleur chronique ou celui du déficit d’attention. «On pourrait être plus impliqués, sans remplacer les médecins. Car une fois le diagnostic posé, ces conditions nécessitent des ajustements récurrents qui peuvent être accomplis par les pharmaciens», mentionne Benoît Morin. L’année de la vaccination Du côté des nouveaux actes provenant de la loi 31, 2021 restera sans conteste l’année de la vaccination pour les pharmaciens. Avec l’aide de leurs infirmières, ils ont administré plus de deux millions de doses de vaccin, essentiellement contre la COVID-19 et l’influenza. Alors que certains pouvaient avoir des réticences, «les pharmaciens ont vacciné pour vrai», souligne Christophe Augé qui constate que plus de la moitié de ses confrères (3485 pour être précis) ont embarqué et sont devenus des vaccinateurs. «Pandémie ou pas, les pharmacies vont demeurer des lieux de vaccination», croit d’ailleurs Bertrand Bolduc. Nombre de services facturés en 2021 en vertu de la loi 31 Autre satisfecit pour la profession, les médecins n’ont pas hésité à demander l’avis des pharmaciens, comme en témoignent les 15 000 consultations facturées à la RAMQ par ces derniers (code de service DC). «Ça se faisait déjà de manière informelle, mais ça vient formellement reconnaître notre expertise», observe Christophe Augé en ajoutant que «cela va dans le sens de l’interdisciplinarité». Selon Diane Lamarre, la pandémie a favorisé ce travail interdisciplinaire, par la force des choses. «Il faut se saisir de ces opportunités pour accélérer les choses», affirme l’analyste à l’émission La joute, sur LCN. «Si on veut améliorer l’accès aux soins, il faut multiplier les portes d’entrée dans le réseau. De par leur proximité avec les patients et leur disponibilité, les pharmaciens en sont une incontournable.»

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