L’IA n’est pas LA solution à la crise des soins de première ligne, mais en fait partie

L’intelligence artificielle (IA) jouera un certain rôle dans la gestion de la crise des soins de première ligne au Canada. La médecine de famille pourrait même devenir une des spécialités où l’IA serait le plus en vogue, selon une table ronde récemment organisée à l’Université Queen’s.La nécessité d’un environnement réglementaire spécifique pour contrôler les outils basés sur l’IA et protéger la vie privée des patients a également été abordée lors de la discussion, tout comme la question centrale de savoir qui paierait pour l’utilisation de ces outils dans le cadre des soins de première ligne.Organisée par la Faculté de droit de l’Université Queen (UQ) avant la tenue d’un atelier d’une journée sur le sujet, cette table ronde d’une heure s’est demandé si l’IA pouvait être le «remède» à la crise des soins de première ligne. Bien qu’aucun des intervenants n’ait affirmé que l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle permettrait à elle seule de résoudre la crise actuelle, dans laquelle des millions de personnes n’ont pas de médecin de famille, tous ont estimé que l’IA pourrait jouer un certain rôle.La table ronde a été lancée par le Dr Michael Green, omnipraticien, professeur de clinique à la Faculté de médecine de l’UQ et actuel président du Collège des médecins de famille du Canada. Il a déclaré que les récentes initiatives gouvernementales visant à augmenter le nombre d’inscriptions en médecine familiale étaient les bienvenues, mais qu’elles n’étaient pas suffisantes pour résoudre la crise actuelle et que «l’IA a le potentiel de faire une différence».Il a expliqué que le fardeau administratif qui pèse sur les médecins de famille est un facteur important d’épuisement professionnel et que de nombreux praticiens prennent leur retraite ou cessent la prise en charge. L’enquête nationale sur la santé des médecins de 2021, menée pour l’Association médicale canadienne (AMC), a montré que la charge administrative, mesurée par la gestion des dossiers médicaux électroniques à domicile, était significativement plus élevée pour les omnipraticiens que pour les autres médecins.Les scribes qui documentent et résument les visites des patients peuvent contribuer à alléger ce fardeau, mais ils ajoutent des dépenses supplémentaires que de nombreux cabinets ne peuvent se permettre, a indiqué le Dr Green. Cependant, il a précisé que les scribes virtuels sont considérés comme une option sérieuse et qu’ils sont actuellement évalués dans le cadre d’un projet pilote auquel participent 150 médecins de la région de Kingston, en Ontario.«L’IA ne va pas résoudre tous nos problèmes», a souligné le Dr Green, ajoutant qu’une augmentation de 10% de la productivité susceptible de découler de l’utilisation de ces outils pourrait alléger le fardeau des médecins de famille et leur permettre de retrouver l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée qu’ils recherchent. Outre les scribes virtuels, le Dr Green a également fait référence à d’autres outils d’IA qui fournissent une assistance clinique.«L’IA offre des solutions potentielles que nous pourrions, devrions et devons explorer», a déclaré la doyenne de la Faculté de droit de l’UQ, Colleen Flood, qui a pris la parole après le Dr Green. Elle a mentionné plus tard qu’elle pensait que les outils basés sur l’intelligence artificielle pourraient être particulièrement utiles pour aider les médecins de première ligne travaillant dans les zones rurales et éloignées.La doyenne Flood a évoqué les difficultés liées à l’utilisation de l’IA générative et les préjugés associés à l’utilisation d’algorithmes basés sur des données provenant d’Internet. Un autre intervenant, le professeur de droit Samuel Dahan, a parlé de l’incidence élevée des «hallucinations» ou des erreurs associées à l’utilisation de l’IA générative pour traiter des questions complexes en droit comme en médecine.Lire aussi: Ce que nous pouvons apprendre des rares cas où les soins virtuels aboutissent à un décès ou à un préjudice graveDes outils conçus par les médecinsLes médecins de famille n’ayant ni la capacité ni le temps d’évaluer rigoureusement le travail des outils d’IA générative, «une réglementation appropriée est nécessaire pour s’assurer que les outils existants sont fiables», a affirmé Colleen Flood, en faisant spécifiquement référence au rôle important de Santé Canada.Médecin urgentiste et promoteur de l’IA à l’Hôpital SickKids de Toronto, le Dr Devin Singh a évoqué la possibilité de faire de la médecine familiale «la plus hot (la plus attrayante)» des spécialités médicales en intégrant l’IA dans un certain nombre de rôles que les médecins de famille assument dans la prise en charge d’un large éventail de patients.Il a soulevé la question du coût et s’est demandé si les omnipraticiens devraient payer pour des outils d’IA susceptibles d’améliorer la qualité des soins et les résultats pour les patients plutôt que d’améliorer leur propre charge de travail. Comme l’a fait remarquer un membre de l’auditoire: «Si l’aspect économique n’est pas justifié, il n’y aura pas d'adoption».Le Dr Singh a également observé que des lignes directrices étaient nécessaires pour aider les médecins de famille à utiliser l'IA de manière appropriée.S'appuyant sur son expérience des applications juridiques de l'IA, Samuel Dahan a estimé que les associations médicales devaient constituer des consortiums pour concevoir leurs propres outils spécifiques à un domaine, afin de s'assurer qu’ils soient adaptés aux besoins de la profession.La discussion organisée à l’Université Queen n'est qu’un des nombreux forums organisés récemment afin de débattre du rôle potentiel de l'IA dans la pratique médicale canadienne. Quelques jours plus tôt, lors d'une conférence organisée à l'Université de Toronto par l'Institute of Health Policy, Management and Evaluation, de nombreux orateurs ont évoqué les technologies de santé numériques, y compris l'IA, comme des solutions potentielles à la crise des soins de première ligne.Le sujet est également abordé sur LinkedIn par le Dr Darren Larsen, médecin de famille et ancien médecin-chef d'OntarioMD, dans une série d’articles assez populaires sur l'utilisation potentielle de l'intelligence artificielle dans la pratique médicale. Dans son billet le plus récent, le Dr Larsen note que «plus la technologie de l'IA continue à mûrir et à démontrer sa valeur dans l'amélioration des résultats des soins de santé, plus son intégration dans les soins de première ligne et les soins spécialisés au sein de la communauté sera évidente».

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