L’examen de l’état mental: utile pour évaluer la représentation mentale d’un patient

Le succès dans la vie, comme aux cartes, dépend souvent de la capacité d’afficher un air neutre, sans laisser transparaître ses émotions. On apprend aux enfants à ne pas pleurer et on reproche aux adultes qui se mettent en colère de ne pas savoir contrôler leurs émotions. Pourtant, les larmes et les accès de colère ne sont pas des émotions en tant que telles, mais plutôt des manifestions extérieures, observables de ces émotions. Pour rester impassible, il s’agit de contrôler ses affects plutôt que ses émotions.L’évaluation de l’affect est un élément essentiel de l’examen de l’état mental (Mental State Examination – MSE). On désigne souvent le MSE comme « l’examen physique de l’esprit ». Mais puisqu’il est impossible d’examiner directement l’esprit, on ne peut en observer que le fonctionnement tel qu’il se manifeste au cours de l’entrevue clinique.On confond souvent le MSE avec le « Mini Mental Status Examination (MMSE) », un test standard d’évaluation cognitive noté sur 30 et couramment utilisé pour dépister la démence. La connaissance de base du MSE permet aux médecins de repérer et de caractériser les aspects inhabituels de la représentation mentale d’un patient.Les êtres humains savent reconnaître les subtiles variations de l’affect, pourtant nous ne sommes pas toujours en mesure de décrire ce que nous voyons. Les anthropologues ont démontré que dans toutes les cultures, certaines expressions du visage sont associées à des émotions primaires, telles que la colère, la peur, la joie et le dégoût. Cependant, de nombreuses variables peuvent influer sur les expressions de colère ou de joie dans le visage d’un patient. Les troubles neuropsychiatriques, par exemple, peuvent causer des anomalies dans la représentation de l’affect, notamment sur le plan de l’intensité, du registre, de la stabilité et de la cohérence.Quand l’affect est intense, il nous interpelle. On dit souvent qu’un patient dont l’affect est intense ressent de fortes émotions, mais il s’agit en fait d’une déduction : un acteur de cinéma qui affiche un affect de colère intense n’est pas nécessairement troublé.La plupart des médecins sont en mesure de distinguer un affect très intense (la rage d’un patient qui fait du tapage dans la salle d’urgence) d’un affect moins intense (le léger agacement du patient qu’on garde dans la salle d’attente pendant plus de 20 minutes). L’intensité de l’affect est liée à son registre, soit la gamme des expressions dont le patient dispose. On parle aussi de réactivité ou de réceptivité affective d’un patient.Quand l’affect diminue, on utilise souvent les qualificatifs « restreint », « émoussé » ou « plat » pour le décrire. La dépression, la schizophrénie et la maladie de Parkison sont quelques exemples des maladies qui peuvent entraîner une restriction de l’affect.Une autre des caractéristiques de l’affect est la rapidité à laquelle il peut changer. Il peut être relativement stable ou volatile. L’humeur changeante est souvent qualifiée de « labile ». Les patients dont l’affect est labile peuvent tour à tour rire et pleurer, et passer rapidement de la joie à la colère. Le délire, l’intoxication et la manie figurent parmi les causes de l’instabilité affective.On peut aussi évaluer si l’affect semble correspondre à la situation. Dans le cas contraire, on parle d’un affect incohérent ou inapproprié. Les critères de définition d’un affect approprié sont très subjectifs et fortement déterminés par la culture, mais l’incohérence est parfois extrême, par exemple lorsqu’une personne éclate de rire face au malheur d’une autre. Les patients atteints de maladies touchant le lobe frontal du cerveau, telles que l’AVC et les démences traumatiques ou frontales, peuvent présenter un affect à la fois labile et inapproprié.Lara Hazelton est psychiatre et exerce à Halifax.

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