Les stéroïdes topiques favorisent-ils l'ostéoporose et les fractures?

Les stéroïdes topiques sont largement utilisés pour traiter l'eczéma, le psoriasis et d'autres maladies inflammatoires de la peau. Or, ils pourraient exposer les patients à un risque accru d'ostéoporose et de fractures s'ils sont utilisés à long terme, montre une récente étude publiée dans le Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology.L'étude, réalisée à partir d'une base de données taïwanaise sur les soins de santé, a révélé qu'une dose cumulative plus élevée de corticostéroïdes topiques (CST) était associée à un risque accru d'ostéoporose et de fracture ostéoporotique majeure (FOM).«Nous avons trouvé des liens dose-réponse clairs entre l'exposition à long terme aux CST et l'ostéoporose et la FOM», indiquent les chercheurs.S'il a déjà été établi que les corticostéroïdes systémiques peuvent interférer avec le remodelage osseux et augmenter le risque d'ostéoporose et de fractures, les preuves concernant les stéroïdes topiques n'ont pas été concluantes.L'objectif de l'étude était donc de déterminer le type d'association possible entre la dose cumulative de CST et le risque d'ostéoporose et de FOM à Taïwan.Les chercheurs ont évalué des CST de différentes concentrations et cherché à clarifier leurs effets sur les os dans différents groupes selon l'âge et le sexe.À lire aussi: Assouplir les follicules pileux pourrait favoriser la pousse des cheveux et prévenir la calvitieUne étude cas-témoins a été réalisée à partir des données du registre national de la Taiwan National Health Insurance Research Database de 2002 à 2020. Ces données comprenaient des détails démographiques, les dates des visites à la clinique, les hospitalisations, les codes de diagnostic, l'historique des médicaments prescrits et les traitements reçus.Les personnes ayant reçu un nouveau diagnostic d'ostéoporose entre 2017 et 2020 ont été incluses dans l'étude, tandis que celles diagnostiquées avant cette période ont été exclues.Chaque cas d'ostéoporose a été apparié selon l'âge et le sexe à quatre témoins sélectionnés au hasard qui ne souffraient pas d'ostéoporose. Les cas atteints de FOM et leurs témoins ont été sélectionnés selon un processus similaire. Les dates des diagnostics ont été prises en compte.«Toutes les prescriptions de CST ont été converties en équivalents de prednisolone (mg) en fonction de leur puissance anti-inflammatoire», indique l’étude.Les doses cumulées de TCS sur six mois, un, trois et cinq ans avant la date du diagnostic ont été examinées. Les doses cumulées de TCS reçues par les patients ont été réparties en quatre groupes: aucune, faible, moyenne et forte, en tenant compte des dates de début et de la durée du traitement. En outre, les patients ont été classés comme utilisateurs actuels, récents ou passés.Les comorbidités et les médicaments susceptibles de favoriser l'ostéoporose et les fractures ont également été pris en compte.À lire aussi: Quelles options pour les adultes souffrant de dermatite atopique réfractaire aux traitements topiques?L'étude a porté sur 129 682 cas d'ostéoporose (518 728 témoins) et 34 999 cas de FOM (139 996 témoins). La cohorte FOM avait un âge moyen plus élevé que le groupe ostéoporose (67,74 ans contre 60,12 ans) et comprenait plus de femmes. «Tant les groupes atteints d'ostéoporose que ceux ayant subi des FOM présentaient davantage de comorbidités et utilisaient plus de corticostéroïdes et de médicaments susceptibles d'affecter la santé osseuse que les groupes témoins», montre l'étude. Cela incluait aussi bien les formes orales, inhalées et injectables.Dans l'ensemble, les groupes de cas d'ostéoporose et de FOM présentaient une proportion plus élevée d'utilisateurs de CST que les groupes témoins correspondants pour chacune des périodes ou chacun des quartiles étudiés. La dose cumulative moyenne de CST par utilisateur était également plus élevée.RésultatsPar rapport aux personnes n'ayant pas utilisé de CST, les doses cumulatives faibles, moyennes et élevées de corticostéroïdes topiques sur cinq ans ont été associées à un risque 1,22, 1,26 et 1,34 fois plus élevé de développer une ostéoporose.Les doses cumulées faibles, moyennes et élevées étaient aussi associées à un risque 1,12, 1,19 et 1,29 fois plus élevé de fracture ostéoporotique majeure, selon l'étude. Les femmes étaient également plus à risque que les hommes.Les dosages clairs dans le temps n'ont pas été discutés.«Les valeurs limites de la dose cumulative élevée semblaient peu élevées dans notre analyse (par exemple, >15 g de pommade ou de crème à la mométasone pour l'analyse de l'ostéoporose sur 5 ans). C'est parce que nous avons utilisé les troisièmes quartiles pour les définir», précisent les chercheurs.Ils ont également noté que l'étude incluait des personnes de la population générale et que la plupart d'entre elles n'utilisaient pas de grandes quantités de CST, «de sorte que les troisièmes quartiles calculés étaient peu élevés».«Il faut être prudent avec l’utilisation à long terme des CST, en particulier chez les populations à risque comme les femmes et les jeunes», peut-on lire dans l’étude.«Conclusions exagérées»L'idée que les stéroïdes topiques puissent contribuer à augmenter le risque n'est pas nouvelle. Le Dr Aaron Drucker, dermatologue et professeur agrégé de médecine à l'université de Toronto, qui n'a pas participé à l'étude, croit néanmoins que «les conclusions sont exagérées». «Les stéroïdes oraux comme la prednisone étant connus pour être associés à des fractures, il est naturel de se demander si les stéroïdes topiques pourraient avoir la même association», a-t-il déclaré.Toutefois, «je ne pense pas que cette étude doive modifier la pratique clinique en ce qui concerne les stéroïdes topiques. Elle comporte un certain nombre de limites qui, à mon avis, rendent les résultats difficiles à interpréter. De plus, la force des associations entre les différentes mesures de l'utilisation de stéroïdes topiques et l'ostéoporose et les fractures est faible», a-t-il déclaré au Medical Post, une publication soeur de Profession Santé.

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