Les spécialistes masculins privilégiés par les médecins référents, hommes ou femmes

En général, les médecins de famille préfèrent référer leurs patients à des collègues hommes – un penchant qui conduit les chirurgiens et autres spécialistes de sexe masculin à se tailler la part du lion des recommandations et aussi à être mieux payés grâce à celles-ci. Pour les femmes spécialistes, le fait de ne pas être la référence de choix pourrait créer un cercle vicieux d'occasions perdues de se perfectionner dans leur spécialité grâce à une pratique répétée, ce qui les amènerait par ricochet à se tourner davantage vers des collègues plus expérimentés – et probablement masculins. Telles sont les principales conclusions d'une étude de l'Association médicale de l'Ontario (AMO) qui a examiné les données de facturation provinciale de l’année 2018-2019 pour 7,6 millions de nouvelles références établies par 32 824 médecins de première ligne à 13 582 chirurgiens et autres spécialistes en Ontario. «Nous avons constaté que les médecins des deux sexes renvoyaient de manière disproportionnée vers des spécialistes masculins, ce qui affectait le nombre total de consultations de chaque praticien et, par conséquent, la rémunération totale de chaque spécialiste», écrivent les auteurs de l'étude. Leur analyse de données a également révélé une différence de revenus par référence de 4,7% entre hommes et femmes spécialistes, un résultat qui, selon les scientifiques, est cohérent avec des recherches antérieures suggérant qu'une partie de l'écart de rémunération dans les références peut être attribuée au fait que les spécialistes masculins ont plus de références lucratives et plus de références pour des interventions chirurgicales. «Les différences de revenus par référence peuvent être dues à plusieurs facteurs, y compris des différences systématiques dans la complexité des patients référés ou des différences basées sur le sexe dans la facturation ou le style de pratique», écrivent les auteurs. «Il n'est pas clair si les revenus plus élevés des spécialistes masculins par rapport aux spécialistes féminins au cours de la période étudiée étaient justifiés et appropriés ou s'ils reflétaient une surutilisation. Bien que l'ampleur de l'effet soit faible, les conséquences cumulatives au fil du temps sur les revenus de toute une vie pourraient être plus importantes, étant donné que des références moins nombreuses ou moins complexes aux femmes spécialistes pourraient créer un cercle néfaste, avec une moindre accumulation de compétences et moins d'occasions d'effectuer des chirurgies.» Selon l'étude, près de 83% de l'écart entre hommes et femmes dans les revenus annuels totaux issus des nouvelles références peuvent être attribués aux différences dans le nombre de références reçues, tandis qu'un peu plus de 17% sont dus à une différence dans les montants perçus par référence. La facturation totale des nouvelles références initiales dans l'étude a été estimée à 1,4 milliard de dollars, ce qui représente un peu plus d'un quart du total des 5,3 milliards de dollars d'honoraires à l'acte payés pour l'exercice 2018-2019 aux spécialistes inclus dans la cohorte de l’étude. «La proportion de l'écart expliquée par une différence dans le revenu par référence était plus importante pour les spécialités chirurgicales (24%) par rapport aux spécialités médicales (17,3%)», signalent les auteurs. «En distinguant les références en consultation initiale par rapport à toutes les consultations ultérieures, nous n'avons trouvé pratiquement aucune différence entre les spécialités médicales et chirurgicales concernant la part de l'écart s’expliquant par le revenu par référence pour les consultations initiales (19% contre 17,8%, respectivement). Cependant, la part du revenu par référence attribuable aux consultations ultérieures était plus importante pour les spécialités chirurgicales (26,6%) que pour les spécialités médicales (8,6%).» À lire aussi: L’écart salarial entre médecins hommes et femmes bien réel au Canada Citant une autre étude menée en Ontario, qui a révélé que les spécialités chirurgicales ayant la plus grande proportion de femmes présentaient les plus grandes inégalités en matière de référence - avec des disparités persistantes dans le temps - les auteurs ont également conclu qu'une représentation égale des femmes dans la profession médicale «pourrait être insuffisante pour éliminer les biais de référence fondés sur le sexe». Appel à la prise de conscience Le président de l'AMO, Andrew Park, a indiqué au Medical Post que cette étude devrait inciter les médecins à «examiner leurs préjugés, à voir s'ils ont des idées préconçues sur des individus, des sexes ou des minorités et à veiller à ce que notre profession soit équitable». Selon un communiqué de presse de l'association, les résultats de l'étude plaident également en faveur d'un système d'orientation centralisé pour s'assurer que les médecins de première ligne renvoient leurs patients vers les spécialistes ayant les temps d'attente les plus courts. «La transparence quant aux délais d'attente des différents spécialistes peut aider les femmes médecins dont on estime que les listes d'attente sont plus courtes que celles des hommes en raison des préjugés en matière d'orientation», peut-on lire dans le communiqué. «Dans le cadre de ses propositions visant à améliorer le système de santé, l'AMO a déjà recommandé la création d'une liste d'attente centralisée et d'un système d'orientation dans chacune des six régions sanitaires de l'Ontario pour certaines chirurgies et procédures.» Sur le nombre total de spécialistes inclus dans les données de l'étude, 36% étaient des femmes avec un âge moyen d'environ 46 ans, tandis que 64% étaient des hommes (âge moyen d'environ 52 ans). Le groupe des médecins généralistes, quant à lui, était composé à 41% de femmes (âge moyen de 46 ans) et à 59% d'hommes (âge moyen de 53 ans). À lire aussi: Êtes-vous satisfaits de votre rémunération? «Par rapport aux femmes spécialistes, les hommes spécialistes étaient plus âgés, avaient plus d'années d'expérience et travaillaient plus de jours», notent les chercheurs. «Un pourcentage plus élevé de femmes spécialistes avaient un poste universitaire, travaillaient à temps partiel, avaient des cabinets dans de grandes zones urbaines et travaillaient dans des hôpitaux ou des cabinets (par opposition à un cadre mixte) par rapport aux hommes spécialistes.» L'analyse initiale a révélé que les médecins référants avaient plus de chances de s'adresser à des spécialistes du même sexe. Mais l'analyse ajustée a également révélé des probabilités plus élevées d'orientation vers des spécialistes masculins, des médecins ayant le même nombre d'années d'expérience et des cliniciens exerçant dans le même hôpital.

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