Les racines et les fruits des problèmes du système de santé canadien reliés à la pandémie de COVID-19

IntroductionLa pandémie mondiale de COVID-19 a surpris nombre d’entre nous. Cela n'aurait pas dû être le cas, car nous savions que cela allait arriver, mais ce fut le cas tout de même.En tant que médecin travaillant en milieu rural dans l'ouest du Québec, j'avais regardé avec appréhension les réseaux d'information mondiaux durant les mois de janvier et février de cette année, et je parlais de plus en plus avec des collègues tout aussi anxieux de la façon dont nous allions soigner les patients atteints de cette nouvelle maladie. Nous avons été témoins de la mort de notre collègue ophtalmologiste et dénonciateur, Li Wenliang, et notre appréhension est devenue encore plus profonde. Pour être honnête, c'était comme si nous étions sur une plage vide, l'eau étant aspirée vers la mer, avant d'être frappés par le plus grand tsunami que nous ayons jamais vu.Il s’est avéré que les systèmes de santé dans de nombreuses régions du monde n’étaient pas plus préparés que leurs gouvernements respectifs. Et ce fut la première de nombreuses mauvaises surprises pour les citoyens du monde entier, qui croyaient non seulement que leur gouvernements était en mesure de les protéger mais qu’ils le feraient sans faute. Et ce, non seulement du virus lui-même, mais aussi sur le plan de l'économie et de l'infrastructure sociale. Après tout, la protection des citoyens relève du devoir fondamental de ceux qui gouvernent.Le constat que ceux qui gouvernent n'étaient pas préparés à nous protéger a signifié que le contrat social entre les gouvernements et leur peuple a été rompu dans de nombreux endroits du monde. Il existe à l’heure actuelle une confusion plutôt généralisée, alors que les gens cherchent à faire confiance à diverses théories et approches concernant le coronavirus.La racine de nos problèmes pandémiquesAu Canada, nous avons commis l'erreur d'élever le système de santé au-dessus de sa juste place parmi les déterminants de la santé. Dans l'esprit de plusieurs, le système de santé devrait occuper plus de place et plus d'argent dans nos budgets, surtout pour réduire les temps d'attente. Cependant, au moins sept autres facteurs sont plus importants.Voici les déterminants de la santé par ordre d'importance, tels que déterminés par notre service national de santé publique1:Le revenu et le statut social;L'emploi et les conditions de travail;L'éducation et la littératie;Les expériences vécues pendant l'enfance;L'environnement physique;Le soutien social et la capacité d'adaptation;Les comportements sains;L'accès aux services de santé;La biologie et le patrimoine génétique;Le genre;La culture;La race et le racisme.Ces déterminants ont guidé nos politiques et nos budgets. Face à la pandémie actuelle, la conclusion presque inévitable pour beaucoup était de pousser l'accès aux soins de santé du 8e au 1er niveau. Cela était compréhensible alors que la première vague d'infections et de peur déferlait à travers la planète, et cela a été tolérable pendant un certain moment, alors que les gouvernements s’efforçaient de prendre des décisions urgentes avec les informations et les structures qu’ils avaient. Cependant, les sept premiers facteurs montrent de plus en plus à quel point ils sont importants; en réalité, peut-être plus que jamais.Actuellement, des groupes de citoyens, des organismes sociaux et des entreprises revendiquent leur importance au sein des déterminants de la santé. Au début, ils n’avaient pas nécessairement besoin du système de santé – du moins tant qu'ils n’avaient pas le virus –, mais ils avaient certainement besoin des sept premiers facteurs. Et comme ils souffrent de plus en plus du manque d'importance attribué à ces facteurs plus importants, ils finissent ironiquement – et malheureusement – par avoir besoin d'accès au système de santé.Avant l'arrivée de la COVID-19, et si les sept premiers facteurs fonctionnaient correctement, il serait juste de dire que de moins en moins de personnes auraient besoin du système de santé. Nous les appelons généralement des facteurs de « prévention ». Autrement dit, si les gens ont un emploi, une éducation, un bon soutien social, de saines habitudes de vie, etc., ils sont moins susceptibles d'avoir besoin d'accéder au système de santé.Il y a un tel manque d'informations et de compréhension que pendant cette crise de santé publique, les systèmes de santé ont conseillé aux gouvernements de compromettre nombre des sept premiers facteurs, de peur que leur système ne soit dépassé. Comme les données de notre système de santé sont souvent incomplètes et inexactes, sinon obsolètes, elles ont mal fonctionné lorsque la pandémie a frappé. En fait, les systèmes de santé – y compris leurs divisions de santé publique –, se limitait en grande partie à envisager les pires scénarios et à donner des conseils approximatifs sur des décisions difficiles, comme fermer tous les services sauf les services essentiels. L'arrêt consécutif d'un grand nombre de soins non COVID a entraîné une augmentation du nombre de personnes ayant besoin du système de santé. La réponse initiale à la crise doit avoir semblé logique à l'époque, en plus de répondre aux besoins perçus des décideurs. Cependant, quand on regarde ceux qui ont aussi désespérément besoin de soins de santé mais qui ne peuvent plus y accéder, il semble que certaines de ces décisions n'ont pas pris en compte les besoins de la population dans son ensemble et n’ont pas fait en sorte que celle-ci soit protégée. En d'autres termes, dans notre hâte à répondre à une situation de crise pour laquelle nous n'étions pas préparés, nous avons créé une situation où de moins en moins de personnes ayant besoin de soins de santé peuvent désormais y accéder.Les fruits de nos problèmes pandémiquesCette pandémie nous a montré que:Nous devons concentrer tous nos efforts sur le renforcement des sept premiers déterminants de la santé afin de bien servir notre population. Cela contribuera également à préserver le système de santé.Nous devons resituer notre système de santé pour qu’il prenne sa juste place parmi les déterminants de la santé. Il ne doit pas être responsable d'un débat sociétal sur la santé; il doit plutôt se limiter à fournir d'excellents soins et conseils dans le cadre du budget et des priorités qui lui sont attribués par les gouvernements et leurs citoyens.Nous devons charger nos systèmes de santé de collecter, d'utiliser et de fournir des informations intégrées en temps réel aux gouvernements et à nos citoyens, afin que les sept premiers déterminants puissent jouer pleinement leur rôle.Nous devons charger nos systèmes de santé de fournir à nos citoyens des soins non COVID d’excellente qualité, tout en fournissant les soins nécessaires aux patients COVID qui en ont besoin.Nous devons ouvrir au grand jour la question de la maladie et de la mort afin que la bienveillance et l'humanité se manifestent parmi tous les efforts visant à gérer cette crise mondiale. La peur de ces sujets très humains ne doit pas pousser les systèmes de santé et les gouvernements à confondre l'importance des différents déterminants de la santé.En fait, la collecte et l'utilisation des bonnes informations permettront aux systèmes de santé de prendre soin des personnes en fonction de leurs besoins de santé, sans augmenter leur séjour dans le système pour toutes sortes de retards non cliniques. Une telle approche soigneusement conçue aidera naturellement à empêcher les systèmes de santé de consacrer du temps et de l’argent à des efforts qui n’aident pas à prendre soin des personnes, tout en les aidant à se concentrer sur la fourniture d’excellents soins. En effet, la réorganisation et la réingénierie de nos systèmes de santé aideront à rétablir la confiance entre les citoyens et leurs gouvernements, ainsi qu'au sein des gouvernements eux-mêmes.Bien que les personnes qui composent les systèmes de santé puissent être bien intentionnées, nos décisions ont été largement compromises par l'importance excessive que nous accordons à « l’accès au système de santé » parmi les déterminants de la santé. Nos systèmes manquent d'organisation en raison d’un manque d'informations dynamiques et en temps réel. Si nos systèmes étaient gérés de la manière professionnelle que nos citoyens et nos gouvernements croyaient que nous utilisions, nous serions en mesure de prendre en charge les patients COVID tout en préservant une grande partie des soins non COVID.ConclusionNous avons laissé des choses importantes devenir urgentes. Nous avons laissé les budgets de la santé grimper parmi d'autres priorités. Nous n'étions pas préparés à une pandémie. Nous avons été bercés par les promesses de la science médicale en pensant que l'accès au système de santé était plus important que les sept premiers déterminants de la santé. Nous avons également été bercés par l'idée que nos systèmes de santé étaient bien informés, bien organisés et bien gérés. Nous avons évité les débats difficiles autour des priorités sociétales. Nous ne réfléchissions pas constamment à la meilleure façon de préparer et de protéger notre peuple contre les menaces.Au moins maintenant, cela devient clair: nous devons remettre le 8e déterminant de la santé - c'est-à-dire l'accès au système de santé - à sa juste place parmi les autres déterminants de la santé. Nous devons le charger de se concentrer constamment sur les besoins des patients, de minimiser les délais non cliniques et d'informer les autres déterminants de telle manière qu'il n'outrepasse pas le rang qui lui est réservé.En fin de compte, si les gouvernements parviennent à équilibrer les problèmes de société autour des déterminants de la santé et à imposer aux soins de santé les niveaux de haute performance dont nos citoyens ont besoin et auxquels ils s’attendent, ils reconstruiront les liens de confiance nécessaires avec leur population. Les citoyens auront de moins en moins besoin de leur système de santé, l’utilisant seulement comme un des outils nécessaires dans leur effort collectif de prospérer et s’épanouir.1. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/promotion-sante/sante-population/est-determine-sante.html

Pensées systémiques

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Derrière ce blogue:

Ruth E Vander Stelt