Les pancréas artificiels faits maison sont sécuritaires et efficaces

Les pompes à insuline automatiques mises au point par des patients atteints de diabète de type 1 (DT1) ont longtemps fait débat dans la communauté des endocrinologues. Un consensus scientifique international s’est finalement dégagé en leur faveur au début de l’année 2022, sous la forme d’une publication dans The Lancet Diabetes & Endocrinology. Puis la Food and Drug Administration (FDA) a approuvé en janvier le premier logiciel en accès libre de gestion de ces pancréas artificiels, Tidepool Loop. Dimanche dernier, une équipe de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) a apporté une nouvelle preuve de l’efficience des systèmes d’administration automatisée d’insuline (AID) faits maison en présentant les conclusions d’une étude observationnelle lors du congrès annuel de l’American Diabetes Association (ADA), qui se déroulait à San Diego. Sous la supervision du Dr Rémi Rabasa-Lhoret, les Drs Maha Lebbar et Zekai Wu, tous deux résidents en endocrinologie, ont comparé un pancréas artificiel piloté par Tidepool Loop à un modèle commercialisé par l’entreprise Medtronics. Résultat: «Nous avons montré que les AID en accès libre sont sûrs et que leur efficacité est comparable aux AID commerciaux pour la gestion du glucose», affirme le Dr Wu. Pour ce faire, les chercheurs ont recruté 77 adultes atteints du DT1 à travers le Canada qui utilisaient un AID depuis plus de trois mois; 25 se servaient de l’AID en accès libre Tidepool Loop (le plus répandu actuellement) et 52 de l’AID de Medtronics. Près de 60% des sujets étaient des femmes, leur âge moyen était de 44 ans et ils vivaient avec le DT1 depuis 29 ans en moyenne. Ils ont collecté pendant 30 jours des données sur leur glycémie à l’aide d’un glucomètre en aveugle, additionnel à ceux des AID testés, afin de mesurer le temps dans la cible (TIR, pour Time In Range en anglais) de leur glycémie. «Les patients qui utilisaient l’AID en accès libre ont eu de meilleurs TIR, de l’ordre de 8 à 9%. Leur pourcentage de temps en hypoglycémie était certes plus élevé (3,9%) que ceux utilisant l’AID commercial (1,8%), mais il restait toujours en-dessous du seuil recommandé», détaille la Dre Lebbar, en signalant que les différences entre les deux systèmes étaient plus prononcées pendant la journée. Selon les trois médecins chercheurs, ces résultats ont été très bien accueillis lors de leur présentation à l’ADA, tant par leurs pairs endocrinologues que par les fabricants de systèmes d’administration automatisée d’insuline. Des patients qui utilisent des AID en accès libre ont également retweeté nos conclusions, souligne le Dr Wu en indiquant que ces derniers avaient «un grand besoin de ces preuves». Signal d’espoir «La comparaison que nous avons établie est assez inusitée», poursuit le Dr Rabasa-Lhoret. S’il reconnaît que leur étude n’est pas parfaite scientifiquement parlant — «nous n’avons testé que deux modèles d’AID et la cohorte était peu diversifiée sur le plan socio-économique» —, le directeur de l’unité de recherche en maladies métaboliques de l’IRCM estime néanmoins que leurs travaux constituent un signal d’espoir pour les diabétiques de type 1 à travers le monde. Les AID constituent une option thérapeutique de choix pour les patients DT1. Sauf que les dispositifs commerciaux sont coûteux (7500$ pour la pompe et 2500$ de consommables par an environ) et ne sont disponibles que dans 20% des pays. Et quand ils le sont, ils ne sont pas toujours couverts par les systèmes d’assurance publique et privée. Au Québec par exemple, les AID commerciaux ne sont pris en charge par la RAMQ que pour les patients qui commencent à les utiliser avant l’âge de 18 ans. Lire aussi: Un nouveau laboratoire montréalais veut paver la voie à une cure au diabète de type 1 «Dans la plupart des pays, les AID en accès libre sont la seule option. Souvent, les professionnels de la santé ne sont pas à l’aise d’accompagner les patients qui s’en servent. Mais (ces derniers) peuvent compter sur le soutien pair-à-pair de la communauté open source qui est hyper active. Les gens s’entraident, échangent et s’investissent pour améliorer les logiciels», signale la Dre Lebbar. À travers leur étude, les trois médecins de l’IRCM ne cherchent pas nécessairement à faire la promotion des AID en accès libre. «Les patients doivent avoir le choix. Certains vont préférer les systèmes prêts à l’emploi de l’industrie, et c’est bien correct. D’autres vont choisir l’option open source en fonction de leurs besoins ou par conviction personnelle», observe le Dr Rabasa-Lhoret. «Ce n’est pas l’un contre l’autre, mais l’un et l’autre», poursuit-il, convaincu que les fabricants gardent un œil attentif sur les forums de la communauté open source. «C’est une situation gagnant-gagnant, car les développeurs des logiciels en accès libre sont plus orientés sur les besoins des patients et sont plus rapides à déployer de nouvelles fonctionnalités.»

Les pancréas artificiels faits maison sont sécuritaires et efficaces

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes