Les omnipraticiens canadiens sonnent l’alarme à travers un sondage international

Le verdict de l’enquête annuelle du Fonds du Commonwealth (FCMW), menée auprès des médecins de famille de 10 pays développés, est sans appel. Les omnipraticiens canadiens sont au bout du rouleau. Près de la moitié sont épuisés ou sur le point de l’être. Depuis le début la COVID-19, 77% d’entre eux affirment que leur charge de travail a augmenté. Pourtant, ils voient moins de patients par semaine par rapport à la période prépandémique. Plus inquiétant, trois sur quatre estiment que la qualité des soins médicaux s’est détériorée ces trois dernières années. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), qui a analysé les données colligées par le Fonds du Commonwealth, ces résultats «mettent en lumière la pression que ressentent les praticiens d’ici à cause de la pandémie». Ils illustrent aussi «les défis que doivent surmonter les médecins de première ligne» alors qu’ils «jouent un rôle essentiel dans les systèmes de santé du Canada (dont ils) représentent généralement la porte d’entrée». Le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) a quant à lui des mots plus forts. Il affirme que l’enquête 2022 du FCMW «a de quoi secouer les consciences quant aux menaces qui pèsent sur la médecine de famille et sur l’ensemble du système de santé au Canada». D’après lui, ces données «sont au mieux, inquiétantes, au pire, désastreuses. (…) Il est inconcevable qu’à la suite d’une pandémie mondiale qui a érigé les prestataires de soins en héros, les médecins de famille se retrouvent dans une telle situation», déplore le CMFC. Avant la COVID-19, les omnis canadiens travaillaient en moyenne autant que leurs collègues des neuf autres pays scrutés par le FCMW (Allemagne, Australie, États-Unis, France, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse), soit 45 heures par semaine en 2019. Trois ans plus tard, les cliniciens d’ici travaillent cinq heures de plus hebdomadairement, tandis que leurs confrères passent une heure de moins au bureau. Cette charge de travail additionnelle, les cliniciens canadiens s’en disent insatisfaits à 57,4% et quasiment autant sont mécontents de leur conciliation travail-vie personnelle (54,5%). D’autant plus que leur pratique n’est pas de tout repos sur le plan mental: 93,6% se déclarent stressés, 21,1% l’étant «extrêmement» et 37,6% s’estimant «très» stressés. Un sentiment partagé dans les mêmes proportions par les cliniciens des neuf autres pays. S’ils travaillent plus qu’auparavant, les médecins des différents territoires et provinces voient néanmoins moins de patients en première ligne. Ils en prenaient en charge 100 par semaine en 2019, contre 90 l’an dernier. Comparativement, leurs pairs étrangers ont globalement maintenu la cadence. Ils en recevaient 99 en consultation avant la pandémie, contre 97 en 2022. Trop de paperasse Dans l’ensemble, les 1459 omnipraticiens canadiens sondés (dont 373 Québécois, la plus grande cohorte au pays) sont «assez satisfaits» (42,8%) ou très «satisfaits» (19%) du temps passé avec chacun de leurs patients. En la matière, ce sont les médecins français qui sont le plus contentés (72%), tandis que les Anglais sont les plus aigris (72,5%). Dans les 10 pays, les omnipraticiens pointent unanimement les tâches administratives, celles-ci réduisant leur disponibilité pour les patients. Au Canada, 25,1% se déclarent «assez insatisfaits» et 56,5% «complètement insatisfaits» du nombre d’heures qu’ils passent à remplir de la paperasse. La palme revenant aux docteurs allemands: 9 sur 10 se disent frustrés par leur temps clérical. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, les médecins consacrent en tout et pour tout 48,8 millions d’heures aux tâches administratives excédentaires chaque année. Dans ce contexte, la moitié des médecins de famille canadiens (51,2%) estiment que la qualité des soins qu’ils prodiguent à leurs patients «est restée la même», tandis que le tiers (32%) considère qu’elle s’est «quelque peu détériorée», seul un sur dix déclarant qu’elle s’est améliorée. En revanche, à plus haut niveau, les trois-quarts jugent que la qualité des soins médicaux que leurs patients reçoivent par l’entremise des systèmes de santé s’est détériorée depuis la COVID-19. Une impression partagée par la plupart de leurs pairs étrangers, hormis en Suisse où seuls 30% des cliniciens sont du même avis, et dans une moindre mesure aux États-Unis (48,9%). Le CMFC en conclut que «les médecins de famille accomplissent chaque jour un travail exceptionnel en prenant soin de leurs patients qui valorisent leurs efforts. Cependant, à l’impossible nul n’est tenu. Les médecins de famille ne peuvent pas continuer à prêter main-forte à un système défaillant qui les laisse livrés à eux-mêmes», lance le Collège, qui compte 42 000 membres d’un bout à l’autre du pays. Il exhorte ainsi les gouvernements du Canada à «s’atteler sans plus tarder à la résolution de la crise que traverse la médecine de famille. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre demain. Il faut absolument agir maintenant».

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