Les modes de rémunération ne sont pas un problème, le manque de régulation, si

En 2013, le Commissaire à la santé et au bien-être et les Fonds de recherche du Québec lançaient deux projets de recherche sur le mode de rémunération des médecins, qu’il considérait comme «un frein systémique à l’amélioration de la performance du système». À l’époque, le Commissaire avait besoin «d’une base de connaissances solides et de données probantes» pour ses rapports, a rappelé Anne Robitaille, Commissaire par intérim. Entre-temps, l'abolition du poste de Commissaire, décidée par Gaétan Barrette, a été annoncée par le gouvernement. C'est donc l’Association médicale du Québec (AMQ), qui faisait partie du Comité de suivi de ce projet, qui a organisé une séance d’information pour faire le suivi sur les travaux.Le premier projet, de deux ans, avait une portée internationale. Il avait pour but l'analyse comparative des modes de rémunération et leurs effets sur la qualité et la continuité des soins. Il est maintenant terminé (lire Rémunération des médecins: changer l’équation).Le second, sur trois ans, ciblait plutôt le Québec et devait permettre d'analyser les impacts des modes actuels de rémunération sur l’efficacité et la performance du système de santé et des services sociaux. Il devrait être finalisé au printemps 2018.Même si le deuxième groupe de chercheurs n’avait pas encore reçu toutes les données des indicateurs de la RAMQ, plusieurs points semblent déjà ressortir de leurs recherches.«La rémunération à l’acte n’est pas le monstre que l’on pensait, et le salariat, pas la panacée», comme l’a souligné la Dre Yun Jen, présidente de l’AMQ. En fait, il semble que les problèmes ne viennent pas tant des modes de rémunération – puisqu’aucun n’est parfait – que du manque de régulation des modes de rémunération choisis. Il faut aussi que le gouvernement reprenne un certain contrôle dans la mise en œuvre de la rémunération des médecins qui est pour l’instant complètement entre les mains des Fédérations.Acheter le changement Damien ContandriopoulosSi dans les dernières années il y a eu une volonté politique d’augmenter la rémunération des médecins au Québec dans le but d'obtenir certains effets, force est de constater que du fait «du jeu des négociations» les effets escomptés ne sont pas au rendez-vous. Pas étonnant, selon Jean-Louis Denis, un des deux coauteurs de la première étude, puisque le gouvernement n’a pas une connaissance ni une compréhension «assez fine» des modèles de rémunération. En bref, c’est comme si, actuellement, il laissait cette responsabilité aux fédérations. Or, selon ses recherches, il faut changer la façon de «raisonner la rémunération médicale»; pour l’instant elle se résume à négocier des ajustements pour essayer de résoudre toutes sortes de problèmes.Cela ne fonctionne pas, comme a pu le démontrer la deuxième étude, présentée par Damien Contandriopoulos, professeur à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal, et Astrid Brousselle, professeure au Centre de recherche de l'hôpital Charles-LeMoyne.Bien que «l’écrasante majorité des médecins au Québec a comme objectifs professionnels la qualité des soins qu’ils offrent et de se sentir capable de faire le meilleur travail, des considérations de rentabilité polluent leur jugement professionnel, même si cela ne va pas jusqu’à entrer en jeu avec leur éthique professionnelle», précise Damien Contandriopoulos.Ainsi, lors des entretiens que les chercheurs ont menés avec 18 médecins spécialistes, 12 omnipraticiens et 4 experts et firmes, ils se sont aperçus que la facturation n’est pas forcément le reflet de la pratique des médecins. Quand il la juge inadéquate, des médecins compensent leur rémunération en adaptant leurs soins à une facturation opportuniste. «Examiner trois organes permet par exemple de facturer une visite complète au lieu d’une visite ordinaire», explique Damien Contandriopoulos. Ainsi, quand un patient vient voir un médecin de famille pour un problème quelconque, ce dernier peut en arriver à examiner un organe cliniquement inutile afin de pouvoir facturer une visite complète. En spécialité, des médecins jouent sur les suivis. Si un patient redevient un nouveau patient au bout de quatre mois, ils fixent ses visites de suivi quatre mois et un jour plus tard de façon à pouvoir toucher un peu plus d’argent. En recoupant certaines données avec des témoignages, le chercheur a aussi pu mettre en évidence que des techniques plus rentables que d’autres seraient favorisées dans certaines spécialités, «mais on ne peut pas dire s’il s’agit de pratique marginale ou si c’est préoccupant», reconnaît-il.L’inverse existe aussi, et certains médecins sont plus intéressés à améliorer leur milieu de pratique ou les soins qu’ils peuvent offrir que leurs revenus. Des médecins théoriquement payés à l’acte se donnent par exemple des pools de pratique extrêmement redistributifs, et renoncent ainsi à des montants qui peuvent monter jusqu’à 200 000 $. «On voit là la puissance d’un groupe d’individus professionnels qui se fixent des valeurs et des objectifs communs et ont une capacité de gouvernance clinique ou des chefs de départements forts. L’incitation financière dans ce cas-là a très peu d’effet sur leur pratique», souligne Damien Contandriopoulos. C’est d’ailleurs l’une des recommandations des résultats préliminaires de sa recherche. L’incitation financière devrait être utilisée comme levier pour pousser les médecins à s’auto-organiser en groupe ou département, auquel on pourrait fournir des objectifs d’accessibilité de qualité ou d’efficience, pour peu que l’imputabilité de ces cibles soit collective. Une autre façon de réguler dans la mesure du possible la composante de rémunération à l’acte serait de la lier au temps et à l’effort demandé. Enfin, les données sur les modalités de rémunération, les dépenses et la production de soins devraient être publiques et soumises à des analyses rigoureuses et transparentes.

Les modes de rémunération ne sont pas un problème, le manque de régulation, si

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