Les mérites de l’asticothérapie

J’étais étudiant en médecine et je terminais ma formation en Gambie, en Afrique de l’Ouest. Un jour, j’écrirai sur les choses étonnantes que j’ai vues là-bas. L’une d’entre elles est illustrée ici. Un agriculteur, dont le pied était infecté, a marché 100 km avec un pansement sur sa plaie. À un moment donné, une mouche a pondu ses œufs dans la blessure et, lorsqu’il est arrivé au Medical Research Council (MRC) de Fajara, son pied était envahi d’asticots. Avant que je puisse prendre une bonne photo, le personnel infirmier avait purgé la plupart d’entre eux, mais un ou deux sont encore visibles. La bonne nouvelle? L’homme a quitté l’hôpital VIVANT, bien qu’amputé au-dessous du genou. Les asticots avaient fait leur travail, nettoyant la plaie avant que des agents pathogènes invasifs n’emportent la vie de cet homme. Avance rapide jusqu’en 2023. Un article du Guardian attire mon attention. Amelia Tait écrit sur les mérites d’un recours aux options thérapeutiques historiques à une époque où la résistance aux antibiotiques est un réel sujet de préoccupation à l’échelle mondiale. Dans son livre The Body, a Guide for Occupants, Bill Bryson évoque la sérendipité qui a guidé Alexander Fleming en 1928. Alors qu’il était chercheur en médecine au St Mary’s Hospital de Londres, il avait laissé des plaques de gélose sur son bureau, permettant aux spores de penicillium notatum de débarquer par une chaude journée d’été. La moisissure à croissance lente exsude une substance qui inhibe la croissance bactérienne, et Fleming en avait pris note (sans prendre aucune mesure immédiate). L’Australien Howard Florey, puis l’Allemand Ernst Chain, ont cherché à fabriquer des quantités significatives de cette matière merveilleuse et, en 1941, ils en ont eu suffisamment pour traiter la septicémie faciale avancée d’Albert Alexander. Une amélioration remarquable s’est produite en deux jours, mais lorsque les réserves ont été épuisées, leur patient a fait une rechute et est décédé. Alors que la guerre battait son plein, les centres de recherche de Peoria (Illinois) ont étudié des champignons potentiellement utiles. Le melon de Mary Hunt était recouvert d’une «jolie moisissure dorée», qui s’est avérée être une source très puissante d’antibiotiques. Les pénicillines modernes doivent leur origine à ce melon. En l’espace d’un an, les entreprises pharmaceutiques produisaient 100 milliards d’unités de pénicilline par mois. À lire aussi: Les défis de l'observance Je veux d'ailleurs souligner qu'autrefois, il fallait 40 000 unités de pénicilline pour traiter une pneumonie à pneumocoques. Aujourd’hui, il faut parfois 20 millions d’unités par jour et, bien sûr, certaines souches sont totalement résistantes. Certes, nous avons trouvé la méthicilline pour combattre le staphylocoque doré, mais le staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (ou SARM) est en train de devenir monnaie courante. Le staphylococcus aureus résistant à la vancomycine (SARV) et l’entérobactérie résistante aux carbapénèmes sont les nouveaux tueurs du moment, et les taux de mortalité sont en hausse. L’industrie pharmaceutique ne génèrera pas de bénéfices en élaborant le prochain antibiotique. Il faut beaucoup de temps et d’énormes investissements pour trouver le prochain médicament, qui ne sera peut-être utilisé qu’une semaine ou deux chez un petit nombre de patients. Pratique millénaire Les brevets ne durent pas longtemps. C’est pourquoi ils investissent dans les statines, les antidépresseurs ou les agents d’immunothérapie qui ont un meilleur retour sur investissement. Oui, nous devrions mieux gérer les antibiotiques, notamment en interdisant leur utilisation indiscriminée pour l’engraissement du bétail, qui est interdite dans l’Union européenne depuis 1997, mais toujours répandue aux États-Unis. Peut-être avons-nous besoin de médicaments qui ne s’activeront qu’à partir d’un certain seuil d’infection. Les bactériophages, agents viraux qui ciblent les bactéries, doivent faire l’objet d’études plus approfondies. Et nous devons inciter les entreprises à relever ce défi pour l’existence de l’humanité, si nous voulons coexister avec succès avec des agents pathogènes potentiellement mortels. À lire aussi: Ces cas que vous n’oublierez jamais Peut-être devrions-nous également nous pencher sur les traitements qui étaient efficaces, mais qui sont devenus moins «attrayants» lorsque les pilules et les perfusions ont pris le dessus. Le Dr Ronald Sherman a étudié et promu la thérapie par les asticots, un traitement qui a aidé les soldats des guerres napoléoniennes, de la guerre de Sécession et de la Première Guerre mondiale — en fait, une pratique qui remonte à des millénaires. La plupart des gens se rendent-ils compte de l’efficacité des asticots pour débrider les tissus dévitalisés? Il existe des entreprises qui fabriquent des asticots de qualité médicale, comme BioMonde. Le NHS [National Health Service, système de la santé publique du Royaume-Uni], qui a accepté l’utilisation de la thérapie par les asticots en 2004, a constaté une croissance constante de cette forme de traitement. Quelque 9000 BioBags sont envoyés chaque année aux prestataires de soins de santé britanniques, chacun contenant des larves désinfectées en nombre correspondant à l’ampleur de leurs tâches spécifiques. Un jour, le «facteur beurk» pourrait disparaître, car la résistance aux antibiotiques ne nous laisse pas d’autre choix. Les podologues ont constaté que l’asticothérapie était «le moyen le plus rapide de nettoyer une plaie». Il se pourrait bien que l’avenir ne nous laisse que peu d’options. Le revers de la médaille? Que se passerait-il si le représentant en médicaments laissait des échantillons d’asticots dans votre bureau un vendredi et que vous reveniez le lundi, après un week-end chaud? Inutile d’y penser. Le Dr Hector Baillie est un médecin interniste généraliste qui pratique en Colombie-Britannique. Vous souhaitez vous aussi faire valoir votre point de vue sur un enjeu du système de santé? Apporter une réflexion vis-à-vis de votre profession? Envoyez-nous un texte d'opinion à titre de professionnel de la santé ou d'association en santé, afin qu'il soit relayé sur le site. Plus d'infos >

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