Les médecins travaillent moins (en moyenne), mais pas pour la raison que l’on croit

Selon une étude menée par des chercheurs de l’Université McMaster, le nombre total d’heures de travail par semaine des médecins canadiens a diminué régulièrement au cours des trois dernières décennies, les médecins hommes enregistrant des niveaux de réduction plus élevés que leurs consœurs.Les résultats de l’étude, publiés le 25 mars dans le Canadian Medical Association Journal, soulignent la nécessité de mieux soutenir les médecins en les dotant de structures de travail optimales et en leur fournissant des ressources pour alléger leur charge administrative, a indiqué l’auteur principal Boris Kral, professeur adjoint au département d’économie de l’Université McMaster.«Dans nos données, nous avons constaté une baisse de 13% des heures de travail hebdomadaires», a-t-il déclaré en entrevue avec le Medical Post, la publication sœur de ProfessionSanté.ca au Canada anglais. «Cela signifie qu’il faudrait 13% de médecins en plus, donc plus de bras, rien que pour compenser cette baisse. Mais cela ne suffira pas compte tenu de nos ratios démographiques records et du fait qu’il y plus de personnes âgées qu’avant, dont beaucoup sont des patients complexes nécessitant davantage de soins.»L’étude a examiné des données transversales annuelles, sur la période 1987-2021, qui proviennent de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada. Elles montrent qu’au cours de la période 2017-2021, les médecins ont collectivement travaillé près de sept heures de moins par semaine qu’au cours de la période allant de 1987 à 1991 — avec une moyenne hebdomadaire de 45,9 heures entre 2017 et 2021, contre 52,8 heures entre 1987 et 1991.Ce qui a le plus surpris les chercheurs? La baisse du nombre d’heures a été plus prononcée chez les médecins hommes, qui ont réduit leur semaine de travail de 7,5 heures, soit près de 14%, entre 1987-1991 et 2017-2021. En comparaison, le temps de travail des femmes médecins est resté quasiment stable avec une réduction moyenne d’une heure environ, ou 2,3%.La situation matrimoniale ne semble pas avoir beaucoup d’influence sur la réduction des heures de travail. Qu’ils soient mariés ou non, les hommes médecins ont davantage réduit leurs heures de travail que les femmes. Les cliniciens mariés travaillent cependant 2,7 heures de moins par semaine que les non-mariés.Chez les femmes médecins, celles qui étaient mariées ont réduit leur temps de travail de 2,3 heures.«Historiquement, les gens ont avancé que le déclin (des heures de travail des médecins) était dû à la féminisation de la main-d’œuvre médicale», signale le professeur Kralj, notant des résultats similaires dans des études menées aux États-Unis et au Royaume-Uni. «Nous avons donc été surpris de constater que le moteur de la baisse observée était principalement les hommes — plus de 80% de la baisse des heures de travail était de leur fait, en particulier des hommes mariés.»Les médecins hommes travaillent plus en moyenneLe désir d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée pourrait être la principale raison pour laquelle les médecins masculins travaillent moins. Il est particulièrement intéressant de noter que les médecins hommes disposaient d’une base de départ plus élevée, avec 55,2 heures en moyenne par semaine sur la période 1987-1991, contre 44,7 heures pour les femmes.Même s’ils ont réduit leurs heures de travail, les médecins hommes travaillent plus avec un total de 47,7 heures par semaine contre 43,7 heures pour les femmes.«Nos résultats peuvent indiquer un changement à long terme dans les préférences professionnelles des médecins canadiens; les praticiens masculins peuvent rechercher un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ce qui a réduit l’écart entre les heures travaillées par sexe, avec des implications potentielles pour l’équité salariale», écrivent les auteurs de l’étude. «Les décideurs politiques et les planificateurs devraient examiner attentivement les changements dans les heures travaillées, plutôt que le nombre total de médecins, afin de garantir une évaluation précise de l’effectif des médecins.»Lire aussi: Santé mentale des médecins: un diagnostic en demi-teinteLes solutions visant à améliorer et à garantir un accès continu aux soins de santé doivent tenir compte de la lourde charge administrative — et de l’épuisement qui en résulte — à laquelle les médecins doivent aujourd’hui faire face, souligne Boris Kralj. «Tout ce qui peut être fait pour réduire cette charge administrative — afin qu’ils prodiguent davantage de soins cliniques directs aux patients plutôt que de s’occuper de la paperasse — pourrait contribuer à réduire l’épuisement professionnel», ajoute-t-il.Les décideurs politiques et les responsables des ressources humaines dans le secteur de la santé devraient chercher des moyens pour répartir les médecins dans des équipes de santé où ils peuvent bénéficier d’un soutien plus important, et de mettre en place des programmes de remplacement solides afin qu’ils puissent prendre le temps de repos dont ils ont besoin.«Nous avons des programmes de suppléance régionaux axés sur certains secteurs, mais je pense que ce dont nous avons besoin, c’est d’un vaste programme de suppléance à l’échelle des provinces», estime le professeur Kralj. «Un peu comme ce que nous avons pour les enseignants, où si l’un d’eux est malade ou en vacances, un remplaçant est envoyé. Nous devons formaliser ce programme et le mettre à la disposition des médecins afin de réduire le sentiment d’épuisement et d’améliorer l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Nous devons également réduire leur charge administrative afin que le temps qu’ils passent à travailler soit consacré aux soins cliniques et directs aux patients», insiste-t-il.

Les médecins travaillent moins (en moyenne), mais pas pour la raison que l’on croit

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