Les médecins sont inaccessibles et ils le savent

De nombreux Québécois jugent qu’il est difficile d’obtenir une consultation avec un omnipraticien ou un spécialiste, et la plupart des médecins leur donnent raison. Selon un sondage SOM commandé par le Collège des médecins du Québec (CMQ), duquel certains chiffres ont été envoyés aux membres de l’ordre professionnel, 84% des médecins estiment qu’il est ardu d’avoir un rendez-vous avec un médecin. Un taux de participants presque similaire (83%) admet qu’il est compliqué d’obtenir une consultation sans rendez-vous pour les soins non urgents. De plus, selon neuf médecins sur dix (89%), il est encore plus difficile d’obtenir un rendez-vous médical le soir ou la fin de semaine. «Notre mission est de protéger le public en offrant une médecine de qualité, et une médecine de qualité passe par une médecine accessible. Ce sondage est préoccupant», commente le président du CMQ, le Dr Mauril Gaudreault, qui se dit surpris par ces taux élevés. Ce sondage a été réalisé au moment où les départs à la retraite des médecins n’ont jamais été aussi nombreux. En 2021, 780 médecins de 60 ans et plus sont devenus inactifs, par rapport à 615 en 2020 et à 400 en 2019. Chaque année, plusieurs milliers de Québécois perdent ainsi leur médecin sans nécessairement être pris en charge par l'un des collègues du nouveau retraité. Ces patients orphelins s’ajoutent aux quelque 20% de Québécois qui n’ont toujours pas accès à un médecin de famille. D’ailleurs, le sondage révèle que plus la moitié (58%) des médecins estiment que la continuité des soins aux patients n’est pas la bonne. Manque de professionnels Ce sondage démontre l’importance de la collaboration interprofessionnelle pour les médecins, puisque 82% d’entre eux prônent un accès accru aux autres professionnels. «Les médecins disent avoir de la difficulté à référer leurs patients à des professionnels. Par exemple, les psychologues sont peu accessibles dans le réseau public, car ils se tournent vers le privé où leurs conditions de travail sont plus avantageuses. Il faut s’attaquer à ce problème», estime le Dr Gaudreault. D’autre part, 78% des répondants souhaitent un meilleur partage d’information entre professionnels de la santé. La communication entre les omnipraticiens et les spécialistes doit être aussi améliorée, 23% des médecins jugeant que la collaboration entre ces deux professionnels est «mauvaise». Comme autres pistes de solutions, 57% des médecins proposent une meilleure orientation des patients dans les guichets d’accès, alors que 53% favoriseraient un prolongement de la pratique des médecins. Selon le Dr Gaudreault, le guichet d’accès à la première ligne (GAP), dont le déploiement est prévu partout au Québec cette année, est intéressant si les autres professionnels de la santé sont mis à contribution. Plus de 2675 médecins - 48% de médecins de famille et 52% de spécialistes - ont répondu au sondage, réalisé du 25 mars au 4 avril dernier. Au total, un peu plus de 10% des médecins du Québec ont pris le temps de le compléter. Selon le CMQ, jamais une consultation n’a eu un tel taux de participation. «C’est un sondage très "parlant" qui va nous permettre d’améliorer les choses», croit le Dr Gaudreault. Un chantier qui tire à sa fin Ce sondage fait partie du vaste Chantier sur l’accès à un médecin et la cessation d’exercice, amorcé il y a environ un an par le CMQ en collaboration avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Les conclusions de ce chantier figureront dans un rapport déposé au conseil d’administration du Collège à la fin du mois d’avril, mais le Dr Gaudreault a déjà une bonne idée des éléments qui en ressortiront. Selon lui, le document abordera principalement le décloisonnement des champs de pratique, la revalorisation de la médecine familiale, l’élargissement de la télésanté et la modernisation technologique du réseau. «On fait beaucoup de blagues avec les fax, mais il faut que cela s’arrête. Nous devons moderniser le réseau», lance le président du CMQ. Actuellement, son ordre professionnel mène un autre sondage sur l’accès aux soins, mais cette fois auprès du grand public. Les résultats seront dévoilés d’ici la fin du mois et permettront de nourrir les réflexions du Collège.

Les médecins sont inaccessibles et ils le savent

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