Les médecins rejettent l’avertissement de la FDA sur les ß2-agonistes à action prolongée

D’importants experts américains dans le domaine de l’asthme disent craindre que les nouvelles directives de la FDA (Food and Drug Administration), qui stipulent d’arrêter d’utiliser les ß2-agonistes à action prolongée (BAAP) une fois que la maladie est bien maîtrisée, nuisent aux patients.Un avis publié par la FDA en février, peu de temps avant le congrès de l’AAAAI, conseille de ne pas utiliser les BAAP en monothérapie, et de les arrêter dès que possible après qu’on est parvenu à maîtriser l’asthme lorsqu’on les utilise en association avec un corticostéroïde à inhaler (CSI), à cause d’un risque accru de mortalité.Lors d’une conférence de presse tenue pendant le congrès, trois médecins qui ont participé en 2007 à la préparation des plus récentes lignes directrices sur le traitement, contenues dans le Programme national américain d’éducation et de prévention de l’asthme, vont à l’encontre de l’avis de la FDA.Aucune nouvelle donnée« Tout le monde convient qu’il ne faut pas utiliser les BAAP seuls, mais la FDA n’a présenté aucune nouvelle donnée qui indiquerait un risque de mortalité accru associé à leur utilisation combinée avec un CSI », a dit le Dr William Busse, professeur de médecine, division d’allergie et d’immunologie de l’Université du Wisconsin, à Madison. Le Dr Busse a aussi présidé le troisième groupe d’experts (EPR3) qui a élaboré les recommandations pour le diagnostic et la prise en charge de l’asthme.« Les données qu’on nous présente maintenant ne sont pas nouvelles et la FDA écrit tout de même des recommandations qui nous disent de modifier les recommandations de nos propres lignes directrices, à l’élaboration desquelles la FDA a pris part », a-t-il précisé.« Les données probantes accumulées depuis l’élaboration de nos recommandations à l’EPR3 n’apportent fondamentalement rien de neuf », a ajouté le Dr Robert Lemanske, Jr., professeur de pédiatrie et de médecine à l’Université du Wisconsin.« Les États-Unis sont le seul pays au monde à avoir ces doutes sur les BAAP », a souligné le Dr Busse, en relevant que les recommandations produites par la GINA (Global Initiative for Asthma, une collaboration entre le U.S. National Heart, Lung and Blood Institute et l’Organisation mondiale de la santé) ainsi que les recommandations européennes et canadiennes conseillent d’ajouter un BAAP au CSI lorsque l’asthme n’est pas maîtrisé de façon adéquate avec un CSI en monothérapie.« Il y a dans le monde des pays qui pratiquent vraiment des soins très efficaces », a mentionné le Dr Busse.« Le reste du monde (en dehors des États-Unis) croit que la réponse est claire et que l’utilisation des BAAP chez les patients dont l’asthme n’est pas bien maîtrisé avec des doses modérées de CSI se justifie et qu’elle est sécuritaire et efficace », a ajouté le Dr Malcolm Sears lors d’une entrevue.« Nous disposons de Lignes directrices canadiennes et en général les médecins canadiens les comprennent et ont beaucoup d’expérience sur l’utilisation appropriée et sécuritaire des BAAP », a dit le Dr Sears, professeur de médecine à la division de respirologie de l’Université McMaster, à Hamilton, et directeur de recherche du Firestone Institute of Respiratory Health.« Cependant, a-t-il relevé, lorsque la FDA éternue, le reste du monde dresse l’oreille. »Une réaction rétrograde« Le présent avis de la FDA n’est que le dernier d’une saga de 15 ans, il s’agit d’une réaction “ultra-prudente” mais “rétrograde”, due à la mortalité observée lorsqu’on a d’abord utilisé en monothérapie le formotérol, le premier BAAP à avoir été approuvé », a suggéré le Dr Sears.« Le message que je leur envoie est : “Apprenez du passé. N’utilisez pas les BAAP sans un stéroïde, et traitez vos patients de façon appropriée”. »La FDA a convoqué une autre réunion à la mi-mars afin de réfléchir à la conception d’une étude qui répondrait définitivement à la question du risque de mortalité, mais, selon le Dr Sears, une telle étude est impossible du point de vue logistique, car il faudrait recruter de 5 à 10 millions de patients.« Nous connaissons déjà la réponse pour tout ce qui concerne autre chose que les décès, c’est-à-dire les hospitalisations et les exacerbations et cette réponse, c’est que les BAAP exerçaient des effets bénéfiques lorsqu’on les utilisait de façon appropriée. On pourrait s’attendre à ce que les décès suivent la même direction que les hospitalisations et les exacerbations. Mais s’ils ne le font pas, nous ne savons pas vraiment pourquoi », a expliqué le Dr Sears.« Ma vraie préoccupation concerne les patients américains qui sont privés d’un bon traitement », a-t-il ajouté.« Le fait que les médecins risquent de penser à retirer sans délai le BAAP dès qu’ils auront réussi à maîtriser l’asthme de leurs patients nous inquiète, a révélé le Dr Stanley Szefler, directeur de la pharmacologie clinique pédiatrique et professeur au National Jewish Health, à Denver, pendant la conférence de presse. C’est comme d’arrêter les antihypertenseurs une fois que la bonne tension artérielle est atteinte. »Les stratégies d’augmentation posologique des traitements sont raisonnablement bien calculées, mais « essayer de comprendre qui risque de subir une exacerbation quand on retire un médicament constitue un domaine que nous n’avons pas eu l’occasion d’étudier vraiment, puisque nous avons essayé d’améliorer la maîtrise de la maladie », a mentionné le Dr Szefler.« Nous avons fait beaucoup de progrès et l’idée de perdre du terrain nous rend nerveux. »

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