Les maladies rares ont enfin leur politique nationale

C’est une «grande journée» pour le Regroupement québécois des maladies orphelines (RQMO). «Après 12 années de lobbying et de recommencement à chaque nouveau gouvernement, on voit qu’on a enfin été écoutés», se réjouit la présidente fondatrice du RQMO, Gail Ouellette, qui perçoit la politique québécoise pour les maladies rares, dévoilée lundi matin, comme une reconnaissance pour tous les patients vivant avec une affection peu commune. «Ils ont eu jusque-là le sentiment d’être oubliés par les politiques en santé alors que plusieurs pays européens, comme la France, ont des plans d’action depuis des années.» Ce sentiment se vérifie dans les faits. La plupart des malades attendent de 7 à 8 ans avant d’obtenir un diagnostic, «et beaucoup ne le recevront jamais», souligne la généticienne. À l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM), où quatre des cinq unités combinant soins et recherche biomédicale sont spécialisées en maladies rares, le son de cloches est identique. «On franchit une étape en allant dans la bonne direction», estime le vice-président de l’IRCM, l’endocrinologue Rémy Rabasa-Lhoret. Sur le papier, la philosophie de cette politique lui semble «très cohérente» dans le sens où il s’agit de regrouper les patients dans des cliniques spécialisées à la fois pour répondre à leurs besoins et faire progresser la connaissance médicale. «C’est un modèle éprouvé à l’IRCM, qui fonctionne pour la fibrose kystique, avec huit cliniques à travers la province. On peut y soigner, faire de la recherche et former des soignants», indique le Dr Rabasa-Lhoret, en admettant plaider pour sa paroisse. En résumé, la «Politique québécoise pour les maladies rares» se décline en trois axes principaux: la sensibilisation et la formation des professionnels de la santé, notamment des médecins; l’accès facilité et équitable au diagnostic, aux soins et aux services; et la promotion de la recherche, de l’innovation et de la collecte de données. «Plus précisément, la politique vise à optimiser l’organisation des soins et des services ainsi que les trajectoires pour les maladies rares, peu importe le type (maladies génétiques, cancers rares, maladies auto-immunes, toxiques, etc.)», détaille le document du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) qui reconnaît que «l’accès à ces services pour les personnes vivant à distance des grands centres est un défi supplémentaire». Une maladie est qualifiée de «rare» lorsqu’elle affecte moins d’une personne sur 2000. Celles-ci touchent près de 700 000 Québécois, dont environ la moitié seraient des enfants. Outre les maladies génétiques comme la fibrose kystique, plusieurs types de dystrophie musculaire ou l’hémophilie, les maladies auto-immunes, telles la sclérodermie, les malformations, et les maladies d’origine toxique ou infectieuse, font également partie des maladies rares. Généralement graves et invalidantes, elles peuvent comporter des douleurs chroniques, une déficience ou une atteinte de plusieurs organes ou systèmes. Penser «maladie rare» «La méconnaissance que nous avons [de ces maladies] dans la communauté médicale entraîne de nombreux défis en termes d’accessibilité pour les personnes touchées et leur famille», signale par voie de communiqué le ministre Christian Dubé. Son adjointe parlementaire, Marilyne Picard, dont la fille est elle-même atteinte d’une maladie génétique rarissime, ajoute que ces affections «comportent des enjeux importants qui concernent de nombreuses familles québécoises. Je sais à titre personnel ce qu’est cette réalité au quotidien. Je connais les difficultés qu’une telle situation comporte (et) cette politique constitue un grand pas en avant pour l’ensemble de notre collectivité», affirme la députée de Soulanges. Quelque 300 cliniques diverses et variées, chapeautées par des centres universitaires, traitent différentes thématiques en maladies rares, selon un recensement de l’offre de soins et de services effectué en 2018. «Bien que de multiples initiatives soient recensées dans la province, ces cliniques sont organisées différemment et peu de trajectoires de soins sont clairement établies. On note aussi peu de synergie entre les différents paliers de soins et entre les centres universitaires», énonce le document du MSSS. Selon Gail Ouellette, le besoin le plus criant concerne la formation du milieu médical, tout particulièrement des médecins de famille et des urgentologues. «Les patients n’ont pas d’écoute ou n’en ont que très peu. On refuse leurs conditions. Les cliniciens ne pensent pas “maladies rares” et, par facilité, ces malades sont trop souvent psychiatrisés», déplore la présidente du RQMO. «L’idée n’est pas de leur apprendre les 8000 maladies rares recensées, mais qu’ils y soient sensibilisés et qu’ils sachent quoi faire et vers qui se tourner quand un diagnostic est impossible.» Attendre et voir L’autre enjeu pour Mme Ouellette réside dans l’accès équitable aux diagnostics. «Huit maladies rares sur dix sont d’origine génétique. Or on a une pénurie de médecins généticiens», observe-t-elle en approuvant le soutien prévu au réseau québécois de diagnostic moléculaire. «On va pouvoir faire plus de tests génomiques et génétiques, ici au Québec, ce qui permettra de réduire les délais de diagnostic», espère la présidente du RQMO qui mentionne la consultation menée par le MSSS. «Cette fois-ci, il y a eu de l’écoute. On a enfin pu exprimer nos besoins et nos priorités.» Ceci dit, la généticienne fait preuve de prudence. «Ça reste un énoncé de beaux objectifs. On attend le plan d’action et les budgets qui y seront alloués pour savoir comment ces intentions vont se concrétiser.» Idem pour le Dr Rabasa-Lhoret: «L’énoncé de principe est excellent. Maintenant, il faut que les bottines suivent les babines. [Si c’est le cas,] on peut améliorer la santé et le bien-être des patients.» Du côté de Québec, on indique que le plan d’action et les financements associés sont attendus d’ici la fin de cette année.

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