Les irritants du quotidien

Ainsi, la fin du monde est remise à plus tard. Nous pouvons continuer notre train-train habituel. Tout comme le vôtre, sans doute, le mien se compose non seulement de rencontres avec les personnes en chair et en os (dans ma spécialité, souvent bien en chair et pauvre en os), mais aussi d’autres rencontres inopinées et pourtant prévisibles: voix au téléphone, fax, rapports, messages.Permettez-moi de me défouler un peu pour ensuite affronter la nouvelle année avec sérénité.Faxiite chroniqueJe crains pour les forêts canadiennes! Le télécopieur crache tous les jours un nombre ahurissant de télécopies en provenance des pharmacies (qui s’ajoutent à la montagne des résultats de laboratoire).Peut-être que cette façon de communiquer est préférable aux appels téléphoniques entre médecins et pharmaciens, mais la pullulation de ces fax a pris des proportions inquiétantes.Je fais toujours sortir le dossier du patient concerné et j’apprends, au moins une fois sur deux, que le patient a manqué son rendez-vous de relance. Maintenant, non seulement je n’ai pu réévaluer la pertinence ou la posologie du médicament en question, non seulement j’ai subi une perte de revenu lors du rendez-vous non respecté, mais je dois aussi faire du bénévolat pour re-prescrire le produit. Une fois, deux fois par jour, passe encore, mais il s'agit de dizaine de prescriptions par semaine.Parfois, comme un supplice chinois, les demandes de renouvellement de prescription arrivent goute à goute. D’abord l’insuline, puis l'atorvastatine, puis un autre fax pour l’aspirine.Le summum a été atteint lorsque j’ai tenu entre mes mains une requête concernant uniquement le renouvellement de la prescription des piles pour le lecteur de glycémie...Choix musicaux des pharmaciesMalgré l’avalanche des fax, il arrive que je veuille parler au pharmacien en personne. J’aime ce contact: j’apprends un tas de choses; par exemple, que le patient renouvelle ses prescriptions un mois sur deux…La plupart des pharmacies possèdent heureusement une ligne réservée aux professionnels. Parfois, et c’est normal, le pharmacien ne peut répondre à l’instant. Alors, la torture commence. Une douce musique classique, je tolère sans trop de mal. Mais les annonces des promotions chez Jean-Coutu? La radio qui diffuse des informations sur la circulation? Les «ha ha ha» des amuseurs des ondes? La millionième chanson de Noël? Grrr…Exercice de futilitéSans doute, recevez-vous les rapports de laboratoire où on s’acharne à vous informer que le patient (plus probablement la patiente) prend du Synthroïd, ladite mention se trouvant en dessous du résultat de la TSH.Voulez-vous m’éclairer? À quoi sert cette information sur le rapport? Les personnes du centre de prélèvement n’ont-elles pas assez de travail sans se préoccuper de la médication du patient? Pourquoi ce médicament jouit-il de l’insigne distinction parmi tant d’autres? Demande-t-on aux gens qui se présentent pour un dosage de l’hémoglobine glyquée quels médicaments ils utilisent pour leur diabète? Ou en cas du bilan lipidique, s’ils consomment un hypolipémiant?Si l’information s’avérait exacte, je pourrais hausser les épaules et dire qu'il s'agit d'une perte de temps inoffensive. Mais non! Il arrive régulièrement que la personne prenne du Tapazole et que le médicament indiqué soit le Synthroïd.Je questionne le patient pour savoir ce qui est à l'origine de cette confusion. J’apprends que la question posée était: «Prenez-vous un médicament pour la thyroïde?» Devant le «oui» du patient, on a conclu qu’il agissait du Synthroïd.J’ai le dossier, je connais la médication réelle. Toutefois, si le résultat tombe entre les mains de quelqu’un qui ne possède pas cette information, il se peut qu'en présence d'une TSH augmentée, il veuille hausser le dosage du Syntroïd (dont le comprimé de 50 microgrammes est blanc comme le Tapazole) alors qu’il faudrait plutôt diminuer ledit Tapazole. Le pharmacien veillera normalement à corriger le problème, mais que de temps perdu!Urgences diversesJe connais la réception d’un laboratoire d’hôpital où les personnes se montrent fort gentilles quand on a la chance de leur parler de vive voix. Par contre, le message de la boîte vocale est d’un comique sans doute involontaire: «Si votre appel est urgent, veuillez rappeler plus tard».Pour rester impartiale, je dois regarder dans ma propre cour ou plutôt sur la porte d’entrée de la clinique où j’exerce. Un écriteau m’y sert une leçon de philosophie chaque fois que j’entre: «Vendredi, il n’y a jamais d’urgence».Le message d’un de mes patients révèle un autre aspect de «l’urgence»: il part pour la Floride dans trois jours, il manque de médicaments et ses glycémies jouent aux montagnes russes. Il faut qu’il me voie urgemment. Cela vous rappelle quelque chose?Bon, trêve de chialage! Respirons le bon air après «la tempête du siècle»!Une heureuse année 2013 à vous tous!

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Derrière ce blogue:

Jana Bryan Havrankova

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