Les Impatients - Un pied dans l’art, un autre dans la santé

Lorraine Palardy, galeriste de métier, est fondatrice et directrice générale du centre Les Impatients. L’organisme, qui célèbre ses 20 ans, offre des services clef en main de création artistique aux personnes souffrant de divers troubles de santé mentale. Il leur vient en aide par l’intermédiaire d’ateliers animés par des artistes professionnels, dont beaucoup ont des notions en santé mentale.L’initiative a commencé à petite échelle, dans un sous-sol de Montréal-Est, à la suite d’une exposition organisée à l’Hôpital Louis-H. Lafontaine, avec la Fondation des maladies mentales du Québec. Dès le départ, affirme Lorraine Palardy, plusieurs médecins sensibles à l’art ont apporté aux Impatients, à titre individuel, une contribution qui ne s’est jamais démentie.Les Impatients disposent aujourd’hui de cinq ateliers à Montréal (deux au centre-ville, un à Montréal-Est, un autre à l’Hôpital Douglas et un dernier à l’Hôpital Louis-H. Lafontaine). Le sixième s’est ouvert à Drummondville et un septième vient tout juste de démarrer à Granby, avec le CSSS de la Haute-Yamaska. Divers établissements, dont l’Institut Pinel et l’Hôpital Rivière-des-Prairies, y collaborent également. Des médecins de ces divers établissements envoient certains de leurs patients au centre Les Impatients.Dans l’ensemble, la clientèle est plutôt âgée, surtout au centre-ville de Montréal. « Notre défi est de rejoindre les plus jeunes patients », dit Lorraine Palardy. Des tentatives ont lieu en ce sens, notamment en adaptant les formes artistiques proposées aux nouvelles réalités des jeunes (BD, vidéos, musique, etc.).Bagage artistique« Nous rêvons du jour où l’on mènera des études sur l’efficacité thérapeutique de l’art sur les patients en santé mentale », affirme Mme Palardy. Ça a sauvé bien des personnes, d’après ce que j’ai pu constater ces 20 dernières années. » Au fil des ans, l’organisme a rassemblé une collection de plus de 100 000 œuvres.« Nous avons, ainsi étalées sur 20 ans, les productions de 360 personnes. Ne serait-il pas temps de ”faire parler” tout ce bagage artistique ? »Quand le volet thérapeutique a atteint ses limites, dit-elle, demeure pour certains patients le monde de la créativité, qui peut leur ouvrir de nouveaux horizons. L’expression artistique contribue sans doute à structurer leur vie psychique, poursuit-elle. Lors des ateliers, des liens sociaux se tissent, ou se retissent. « Nous ne sommes cependant pas dans l’approche clinique avec plan de soins, et la personne n’est pas tenue de parler de sa maladie. Souvent même, on ne connaît pas son diagnostic, sauf dans certains cas, pour des questions de sécurité. »Santé, cultureLe centre Les Impatients évolue quelque part entre les univers de la santé et de la culture. « Un pied dans l’art, un pied dans la santé, cela nous laisse certes une grande indépendance, mais nous nuit aussi : quand on demande de l’aide financière, les décideurs de la culture nous adressent au ministère de la Santé. Quand on se tourne vers le milieu de la santé, il nous renvoie à la culture. »D’où un financement toujours précaire; 80 % du budget annuel de 900 000 $ provient de fonds privés. « En 20 ans d’existence, je crois que Les Impatients ont dépassé l’étape de la petite tape d’encouragement dans le dos. Nous cherchons à assurer une pérennité à une expérience qui commence à faire école, notamment en région. » Lorraine Palardy reconnaît qu’une claire orientation vers la réinsertion sociale faciliterait l’obtention de fonds, « mais l’art, c’est aussi la liberté, et il faut rester le plus proche possible de cet état d’esprit ».Loin des modesL’expérience des Impatients a permis de sortir bien des malades des sous-sols, au propre comme au figuré, résume Mme Palardy. Et selon elle, l’art des Impatients comporte de multiples facettes. « Parce qu’il est loin des modes et des courants artistiques, on le range souvent près de l’art brut. Il est aussi, j’oserais dire, expressionniste, quand il traduit des sentiments, des cris du cœur. Il est presque toujours sans mimétisme, ce qui m’impressionne encore. Il est tantôt sérieux, tantôt naïf, jamais prétentieux, mais toujours émouvant ! »Lire la suite du dossier «L’art et la santé mentale»Les Impatients hors de MontréalLes Impatients essaiment peu à peu hors de Montréal. Nous avons demandé à Lorraine Palardy les conditions du succès pour démarrer une expérience des Impatients. Voici sa réponse :« Chaque ouverture d’une “antenne” des Impatients est en soi une aventure, qui comporte bien des inconnues. En utilisant les mêmes ingrédients et une même recette, parfois, ça prend et parfois, ça ne prend pas. Le succès dépend beaucoup des personnes en place, de l’ouverture du milieu, du timing aussi. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut faire ça simple, une simplicité qui tourne autour de deux notions : d’abord, celle d’un environnement, d’un milieu qui décide de faire une place à la beauté et à l’harmonie; ensuite celle d’une confiance accordée au pouvoir de créativité des êtres, en l’occurrence des Impatients. »Infos : Les Impatients 100, rue Sherbrooke Est, bureau 4000, Montréal, Québec, H2X 1C3. www.impatients.caLe centre: Les Impatientsune collection de 100 000 œuvres;360 Impatients dont on dispose des œuvres, étalées sur 20 ans;80 % du budget annuel de 900 000 $ provient de fonds privés.

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