Les enjeux 2022 dans le milieu médical vus par nos blogueurs

S'affairer à restructurer le réseau post-pandémie «Selon moi, l’enjeu majeur en médecine pour 2022, c’est la restructuration du réseau post-pandémie. Je sais bien que la COVID-19 est encore présente parmi nous, mais justement. Peu importe quand se terminera réellement la pandémie, il est grand temps de retomber sur nos pieds et de redéfinir nos priorités. La COVID-19 aura permis de mettre en évidence les failles du système. Il est maintenant temps de les corriger. L’informatisation, le partage de l’information et la solidité de la première ligne constituent pour moi ce qui fragilise notre réseau de soins. C’est aussi là que la COVID-19 a fait craquer le système. Lorsque je parle de première ligne, j’en parle de façon élargie; soins aux aînés, santé mentale et prévention clinique sont tous des secteurs de première ligne. Bien sûr, les listes d’attente en chirurgie, radiologie et endoscopie sont des enjeux aussi, mais tant qu’on n'investira pas massivement pour favoriser la qualité de l’informatisation, de la communication et la solidité de la première ligne, on tournera en rond. Les systèmes de santé ailleurs dans le monde qui ont choisi de prioriser ces enjeux en sont toujours sortis gagnants. Les listes d’attente dans les plateaux techniques sont souvent le reflet de failles dans la prise en charge de première ligne. Le plus grand piège post-pandémie serait de tout miser sur les listes d’attente en deuxième ligne, oubliant ainsi de corriger les problèmes de base.» – Dr Mathieu Pelletier Rattraper le temps perdu «L’enjeu principal en 2022 dans le monde médical sera sans contredit de retrouver un fonctionnement qui tend vers la normalité, malgré la pandémie. Mais dès que celle-ci sera mieux contrôlée, nous pouvons prévoir d’ores et déjà que nous assisterons de nouveau à des commentaires politicomédiatiques qui dénigreront la médecine familiale, qui affirmeront que les médecins de famille n’en font pas assez et qu’ils ne prennent pas suffisamment de patients en charge. Et cela, même si les médecins de famille se seront mobilisés encore une fois partout dans l’effort collectif pour juguler la dernière vague de COVID-19. Nous notons au passage que ces commentaires sont inversement proportionnels à l’activité de la pandémie depuis deux ans. L’année 2022 sera donc une année de rattrapage du temps perdu. Pour y arriver, la communauté médicale devra continuer de marteler les mêmes messages. Il faut rendre le système plus efficient, avec des outils informatiques fiables et simples d’utilisation, intégrés aux dossiers médicaux électroniques, qui permettent l’accès à l’information médicale et qui optimisent notre travail. Il faut améliorer la pertinence des visites aux médecins par une meilleure collaboration interprofessionnelle où les professionnels non médecins pourront poser des actes sans d’abord obtenir une ordonnance médicale. Il faut enfin une communication interprofessionnelle numérique qui mènera à la mort du fax. Souhaitons-le-nous fortement comme vœu de fin d’année.» – Dr Vincent Demers Abandonner la vision hospitalocentrée des soins L’enjeu principal pour moi en 2022 sera de changer notre vision «hospitalocentrée» des soins médicaux donnés aux personnes âgées dans leur dernière année de vie. Nous allons devoir changer et prioriser les soins médicaux à domicile, le désir de la majorité de ces grands malades, médicalement instables et souvent souffrants. Partout ailleurs en Occident depuis 25 ans des équipes médicales intensives prennent charge des clientèles palliatives dans les milieux de vie (domicile, ressources intermédiaires, résidences pour aînés). Ils le font de façon personnalisée et longitudinale, jusqu’au décès. Ils offrent une garde médicale 24 heures de façon à traiter les crises aiguës et les décompensations fréquentes chez ces patients. C’est ce que les «SIAD» devaient faire au Québec. Mais depuis trois ans, nos décideurs imposent des blocages technocratiques qui découragent l’implantation de ces équipes dans les CLSC. Ceci explique la proportion importante de patients en fin de vie dans nos urgences majeures et nos lits d’hôpitaux, alors qu’ils pourraient être soignés en milieu de vie. La trajectoire de la dernière année de vie est 50% moins coûteuse lorsqu’une équipe médicale intensive «SIAD» est présente dans un CLSC aux côtés des autres professionnels à domicile. Le Québec ne pourra plus ignorer en 2022 les coûts élevés de notre vision hospitalière. Il ne pourra plus ignorer les besoins des grands malades et de leurs proches alors que la population québécoise vieillit très rapidement.» – Dre Geneviève Dechêne Entre peur et doute «J'écris ces lignes alors même que le virus revient en force. Tout me préoccupe. J'ai peur des conséquences. J'ai peur que tout le réseau s'effondre. J'ai peur des visions apocalyptiques. Des urgences débordées. Des soins intensifs saturés. Des choix de patients: qui sera sauvé et qui sera abandonné? J'ai peur de revivre ce que nous avons déjà vécu. Je revois les premières pages de «Suite française». J'ai peur des révoltes, des gens qui ne veulent rien comprendre, qui pensent tout savoir. J'ai peur des affrontements et des crises sociales... Et en même temps, je me demande si j'en fais suffisamment. Peut-être devrais-je aller vacciner dans les centres de vaccination? Peut-être devrais-je donner mon nom à la Santé publique? Eux-autres aussi doivent en avoir plein les bras. Peut-être que ma «povre» petite maîtrise en santé communautaire pourrait être utile? Peut-être que je devrais aller me cacher au fin fond de GodManchester, le temps que ça passe... ou que j'y passe. Ce n'est quand même pas cela que vous vous attendez de moi?» – Dr Roger Ladouceur

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