Les défis des cadres intermédiaires face à la gestion du changement

Les gestionnaires intermédiaires seraient la plupart du temps en mode réactif face aux nombreux changements au sein de leur organisation.Le manque de marge de manoeuvre pour gérer cette double gestion – celle du changement et des activités quotidiennes – les obligerait à remédier au plus urgent jour après jour, comme on le ferait en situation de crise.C’est pourquoi leur principale préoccupation ne serait pas tant la légitimité du changement, mais bien les moyens pour y arriver, indique Benoît Riel, auteur d’un récent rapport sur les préoccupations des gestionnaires intermédiaires face à leur rôle d’agent de changement (1).L’Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (AGESSS) a d’ailleurs collaboré à la préparation de cette étude pour mieux connaître les besoins et la réalité de ses membres dans la gestion du changement.Un vecteur de convergence« En période de changement, le cadre intermédiaire constitue un acteur important dans une organisation parce qu’il est le pivot entre tous les acteurs. Par exemple dans le milieu de la santé, le gestionnaire intermédiaire sera en contact à la fois avec les familles, les patients, les employés, les autres collègues et la haute direction. Toute l’information et les demandes convergent vers lui », mentionne Benoît Riel, conseiller en gestion du changement chez CGI et étudiant à la maîtrise en gestion du changement au HEC Montréal.Monique Dumais, conseillère en développement des ressources humaines et en gestion de la carrière à l’AGESSS, abonde dans le même sens.« Les gestionnaires intermédiaires mettent en oeuvre les changements qui ont été planifiés et décidés par la haute direction. Ils sont bien placés parce qu’il faut qu’ils s’approprient le changement pour ensuite le traduire à leurs employés et les motiver à aller de l’avant », précise Monique Dumais.D’après les observations de Benoît Riel, les changements organisationnels sont de plus en plus constants et de plus en plus fréquents dans les organisations du secteur public et privé.En effet, 61 % des projets touchent l’ensemble de l’organisation et 55 % des gestionnaires interrogés dans ce rapport estiment vivre plus de deux changements à la fois.Les rôles spécifiques du gestionnaire intermédiaireBenoît Riel a d’abord validé les 12 rôles du gestionnaire qui sont sollicités en période de changement organisationnel auprès de 18 cadres intermédiaires, dont 5 du réseau de la santé. Ces rôles sont regroupés sous trois niveaux : stratégique, fonctionnel et opérationnel.Puis, il leur a demandé de faire ressortir les principales difficultés qu’ils éprouvaient dans chacun de ces rôles. Un exercice qui s’est terminé avec l’identification de 165 préoccupations.Ces dernières ont servi à bâtir le questionnaire qui a été envoyé aux gestionnaires provenant de sept petites, moyennes et grandes organisations et associations de cadres, privées, publiques, parapubliques et organismes à but non lucratif.Intensités des préoccupations Les préoccupations stratégiques chez les cadres intermédiaires montrent qu’il y aurait une déconnexion entre le gestionnaire et son supérieur, surtout en période de changement.« Le gestionnaire est pris dans cette double gestion d'opérer à la fois le changement et les activités quotidiennes. Il n’arrive pas à prendre le temps de s’asseoir pour réfléchir à la façon dont il va présenter l’information et les arguments à son supérieur pour aller chercher des ressources supplémentaires tant matérielles qu’humaines. Comme c’est une tâche difficile de préparer ce dossier, il ne va jamais voir son supérieur. Il en résulte que le gestionnaire est incapable d’obtenir les ressources ou la marge de manoeuvre nécessaire pour réaliser le changement », explique l’auteur de l’étude.Du côté des préoccupations fonctionnelles, les cadres participants ont souligné entre autres les difficultés de l’isolement, du travail en silo, du niveau d’information disponible pour évaluer et interpréter le changement et de l’impact du changement sur la qualité du travail de leurs employés.Benoît Riel mentionne que les préoccupations des gestionnaires du réseau de la santé seraient plus intenses et plus fortes que les autres organisations.« Depuis 2005, les membres de l’AGESSS revendiquent de meilleures conditions d’exercice et une révision des charges de travail, dit Monique Dumais. Ce premier éclairage sur les préoccupations des gestionnaires intermédiaires va dans le même sens. S’il manque de personnel et de ressources, ils ne peuvent pas jouer pleinement leur rôle de gestionnaire. Ils vont à l’essentiel. »RecommandationsBenoît Riel convient qu’on ne peut pas travailler sur les 165 préoccupations en même temps, mais il suggère de miser sur deux rôles clés, soit celui de l’évaluateur et de l’interprète.« C’est un peu s’approprier le changement et le comprendre dans ses mots. Lorsque la direction veut avoir une vision plus stratégique, il faut que le cadre soit capable d’évaluer les impacts du changement sur son groupe d’employés et de définir ses besoins et les prérequis pour réaliser le changement. Pour arriver à mieux comprendre ce changement, la meilleure stratégie est d’en parler avec ses collègues », estime Benoît Riel.Ensuite, ajoute ce dernier, le gestionnaire intermédiaire pourra développer un plan pour la mise en oeuvre opérationnelle du changement et ainsi transmettre un message de ce changement qui est adapté à son équipe.Travailler avec les leaders positifsBenoît Riel conseille également d’identifier les leaders positifs parmi ses employés et de prendre le temps de les rencontrer pour discuter avec eux et les encourager à promouvoir le changement.Un cadre passe 80 % de son temps auprès des 20 % des employés qui sont cyniques et négatifs face au changement, indique Benoît Riel. Celui-ci suggère plutôt d'aller vers les employés qui sont positifs pour leur demander s’ils ont des préoccupations et s’ils ont besoin d’aide ou encore besoin d’outils pour entreprendre ce changement.« Il est important de savoir qu’il est impossible d’avoir l’adhésion de 100 % des gens pour le changement, rappelle Benoît Riel. Si le gestionnaire intermédiaire réussit à rallier la majorité de ses employés, les gens plus négatifs n’auront pas le choix de suivre. Le changement est toujours difficile du côté humain. »Enfin, Monique Dumais souligne que plusieurs recommandations ont été faites à la suite du rapport d’étude, notamment la création d’un réseau de collaborateurs intéressés par les meilleures pratiques en gestion du changement et le partage et la promotion de ces pratiques, comme les groupes de codéveloppement offerts à l’AGESSS.Référence 1. Riel, Benoît, Rapport diagnostic : Les préoccupations des gestionnaires intermédiaires face à leurs rôles en contexte de changement organisationnel, HEC Montréal, octobre 2010.

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