Les cibles et pénalités prévues dans la Loi 20 n’ont jamais été adoptées par règlement

Même si le premier ministre François Legault a menacé d’utiliser les pénalités qu’avaient prévues l’ancien ministre Gaétan Barrette avec sa Loi 20 en 2015, pour forcer des médecins de famille à prendre un nombre minimal de patients, il aurait fort à faire pour les mettre en application car ces dispositions n’ont jamais été inscrites dans la loi, ni adoptées, ni activées dans aucun règlement. Le premier ministre a suscité une vive réaction à la FMOQ quand il a déploré lors de son bilan de fin de session que des médecins de famille ne prenaient pas en charge un minimum de patients. «Pourtant, commentait-il, le Québec est la province, toutes proportions gardées, qui a le plus de médecins de famille. Donc, on a un problème». Il y a deux approches possibles pour y remédier, avait-il expliqué. La première est de changer le mode de rémunération pour la capitation. «Puis il y a la deuxième approche, celle de Gaétan Barrette et qui n'est pas nécessairement mauvaise, qui était le projet de loi n° 20 où là, il y a des pénalités si un médecin de famille ne prend pas en charge un minimum de patients», a ajouté François Legault. Le premier ministre irait-il jusque-là? «Ce n'est pas exclu», a-t-il répondu, sans autres précisions. Son attachée de presse n’a pas répondu aux demandes de précisions que lui a fait parvenir Professionsante.ca sur le nombre de patients que les médecins de famille devraient inscrire et les pénalités auxquelles ils s’exposeraient. Une loi qui avait semé la colère Intitulée Loi dictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée, la Loi 20 avait été déposée en 2014. Elle fut adoptée par le gouvernement Couillard le 10 novembre 2015 et elle était entrée en vigueur le même jour. Le nombre de 1500 patients inscrits évoqué dans les médias n’a jamais été inscrit dans le texte final, pas plus que la pénalité maximale pouvant aller jusqu’à un maximum de 30% de leur rémunération. Néanmoins, les intentions du gouvernement avaient semé la colère dans les rangs des omnipraticiens et amené la tenue d’assemblées spéciales à Montréal et Québec. Le Dr Louis Godin avait alors parlé de la plus grande bataille de la médecine familiale depuis de nombreuses années. Les choses ne sont jamais allées jusque-là. Une entente alors qualifiée «d’historique» était intervenue en 2015 entre Gaétan Barrette et la FMOQ qui allait mener à la création des super-cliniques. En vertu de cet accord, aucun quota n’était imposé aux médecins de famille, mais tous les Québécois qui souhaitaient avoir un médecin de famille pourraient en obtenir un avant le 31 décembre 2017. À la même date, cet accord visait un taux d’inscription de 85% de la population et un taux d’assiduité de 80% pour les médecins de famille. Les parties étaient tellement optimistes qu’il était même prévu qu’un patient inscrit dans un guichet d’accès serait pris en charge dans les 30 jours. En contrepartie, l’entente faisait en sorte que les médecins de famille étaient exclus de la Loi 20 lors de son adoption. L’article 34 indiquait spécifiquement: «Le gouvernement s’engage à ne pas mettre en vigueur les dispositions s’appliquant aux médecins de famille contenues dans ledit projet de loi». Aucun omnipraticien n’a donc été pénalisé financièrement faute d’avoir inscrit suffisamment de patients. Forte hausse des patients inscrits au GAMF Loin de décroître comme l’ont souhaité tous les gouvernements qui se sont succédé à Québec, le nombre de patients à la recherche d’un médecin de famille augmente à chaque année. La création du Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF) en 2016 n’a pas eu l’effet souhaité. En 2018, dernière année où le Parti libéral fut au pouvoir, plus de 400 000 personnes étaient inscrites au GAMF. Depuis, leur nombre a bondi de plus de 300 000 et frôle maintenant les 750 000, comme le montrent les données les plus récentes fournies par le MSSS: 31 mars 2018: 428 043 31 mars 2019: 541 035 32 mars 2020: 630 722 31 mars 2021: 744 981 L’attente pour être pris en charge par un médecin de famille n’est pas de 30 jours non plus comme l’avaient projeté le ministre Barrette et la FMOQ lors de la signature de leur accord en 2015. En 2020, la Vérificatrice générale Guylaine Leclerc indiquait dans un rapport que le délai moyen se situait à 477 jours même si le gouvernement avait donné, selon elle, un milliard aux omnipraticiens en trois ans pour favoriser l’inscription de patients. Toujours pas inscrites dans la loi Après la défaite du gouvernement Couillard le 1er octobre 2018, Gaétan Barrette a été remplacé à la Santé par Danielle McCann. Dès sa nomination, cette dernière s’est faite l’artisan d’une bonne entente et d’une coopération avec les fédérations médicales. Elle n’a donc jamais fait adopter par règlement les cibles et pénalités à l’endroit des omnipraticiens qu’avaient évoquées son prédécesseur. Même si François Legault a fait allusion aux pénalités la semaine dernière pour mettre de la pression sur les médecins de famille, elles n’auront été que des menaces verbales puisqu’elles n’ont jamais figuré dans la Loi, ni dans un règlement. À Québec, on indique que si le gouvernement voulait imposer des cibles et des pénalités aux omnipraticiens pour les forcer à inscrire plus de patients en vertu de la Loi 20, il devrait d’abord les adopter soit par règlement, ce que n’avait jamais fait Gaétan Barrette ni la CAQ à ce jour, soit par un autre processus législatif, voire même le faire au moyen d’une autre loi.

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