Les antipsychotiques associés à un large éventail d'effets indésirables dans la démence

Les symptômes comportementaux et psychologiques (apathie, dépression, agression, anxiété, irritabilité, délire, psychose) sont des caractéristiques communes de la démence et peuvent avoir un impact négatif sur la qualité de vie des patients et des soignants. Les antipsychotiques sont couramment prescrits pour gérer ces symptômes, malgré les inquiétudes concernant leur sécurité. Toutefois, ils ne devraient être prescrits que lorsque les mesures non médicamenteuses sont inefficaces, que les patients risquent de se faire du mal ou d'en faire à d'autres, ou qu'ils souffrent d'agitation, d'hallucinations ou d'idées délirantes qui leur causent une grande détresse. Si des antipsychotiques sont utilisés, ils doivent être prescrits à la dose efficace la plus faible et pour la durée la plus courte possible1.Les monographies canadiennes des antipsychotiques atypiques mettent en garde contre une augmentation de la mortalité chez les patients âgés atteints de démence. Cette mise en garde se fonde sur l'analyse de 13 essais contrôlés par placebo portant sur divers antipsychotiques atypiques et montrant une multiplication par 1,6 du taux de mortalité. La plupart des décès étaient d'origine cardiovasculaire (insuffisance cardiaque, mort subite) ou infectieuse (pneumonie)2.Afin d'approfondir l'étude de l'éventail des effets indésirables associés aux antipsychotiques chez les adultes atteints de démence, les chercheurs ont utilisé des données associées aux soins primaires et secondaires en Angleterre pour évaluer les effets indésirables potentiellement associés à l'utilisation d'antipsychotiques typiques et atypiques1.L'étude a porté sur des adultes (≥ 50 ans) ayant reçu un diagnostic de démence entre 1998 et 2018 (n=173 910 ; 63,0% de femmes). Chaque nouvel utilisateur d'antipsychotiques (n=35 339, 62,5% de femmes) a été apparié à un maximum de 15 non-utilisateurs en utilisant un échantillonnage par densité d'incidence1.À lire aussi: Le Neuro procède à une intervention génétique contre la démence frontotemporaleLes principaux résultats étaient la survenue d'un accident vasculaire cérébral, d'une thromboembolie veineuse, d'un infarctus du myocarde, d'une insuffisance cardiaque, d'une arythmie ventriculaire, d'une fracture, d'une pneumonie et d'une lésion rénale aiguë. Les résultats ont été stratifiés en fonction des périodes d'utilisation d'antipsychotiques, les risques absolus étant calculés à partir de l'incidence cumulée chez les utilisateurs d'antipsychotiques par rapport à des comparateurs appariés. L'appendicite et la cholécystite (combinées) ont été utilisées comme contrôle négatif pour détecter d'éventuels facteurs de confusion non mesurés1.Les résultats ont montré ce qui suit:Par rapport à la non-utilisation, toute utilisation d'antipsychotiques typiques/atypiques était associée à un risque accru de tous les résultats, à l'exception de l'arythmie ventriculaire. L'utilisation actuelle d'antipsychotiques typiques/atypiques (dans les 90 jours suivant la prescription) était associée à des risques élevés de pneumonie (rapport de risque (RR) 2,19, intervalle de confiance à 95% (IC) 2,10-2,28), de lésions rénales aiguës (RR 1,72, IC 1. 61-1,84), de thromboembolie veineuse (RR 1,62, IC 1,46-1,80), d'accident vasculaire cérébral (RR 1,61, IC 1,52-1,71), de fracture (RR 1,43, IC 1,35-1,52), d'infarctus du myocarde (RR 1,28, IC 1,15-1,42) et d'insuffisance cardiaque (RR 1,27, IC 1,18-1,37). Aucune augmentation du risque n'a été observée pour l'arythmie ventriculaire ou les résultats négatifs du contrôle (appendicite et cholécystite). Dans les 90 jours suivant le début de la prise d'antipsychotiques typiques/atypiques, l'incidence cumulée des pneumonies chez les utilisateurs d'antipsychotiques était de 4,48% contre 1,49% dans la cohorte appariée de non-utilisateurs (différence 2,99%, IC 2,77%-3,22%).Le nombre nécessaire pour nuire (NNN) allait de neuf pour la pneumonie à 167 pour l'infarctus du myocarde au cours des 180 jours suivant le début de la prise d'antipsychotiques. Cela signifie qu'au cours des 180 jours suivant l'instauration du traitement, l'utilisation d'antipsychotiques pourrait être associée à un cas supplémentaire de pneumonie pour neuf patients traités et à un cas supplémentaire d'infarctus du myocarde pour 167 patients traités.Des risques accrus ont été observés chez les utilisateurs actuels et récents et étaient les plus élevés au cours de la première semaine suivant l'instauration du traitement antipsychotique.Dans les 90 jours suivant la prescription, les risques d'accident vasculaire cérébral, d'insuffisance cardiaque, de fracture, de pneumonie et de lésion rénale aiguë étaient plus élevés pour les antipsychotiques typiques que pour les antipsychotiques atypiques.L'halopéridol était associé à des risques plus élevés de fracture, de pneumonie et de lésion rénale aiguë que la rispéridone.Les risques de presque tous les effets indésirables étaient plus élevés pour l'halopéridol que pour la quétiapine. Aucune différence significative n'a été constatée entre la rispéridone et la quétiapine en ce qui concerne les risques d'infarctus du myocarde, d'insuffisance cardiaque ou de fracture, mais les risques d'accident vasculaire cérébral, de thromboembolie veineuse, de pneumonie et de lésion rénale aiguë étaient plus faibles pour la quétiapine que pour la rispéridone1. Les auteurs ont conclu que l'utilisation d'antipsychotiques typiques et atypiques (par rapport à la non-utilisation) chez les adultes atteints de démence est associée à un risque accru d'accident vasculaire cérébral, de thromboembolie veineuse, d'infarctus du myocarde, d'insuffisance cardiaque, de fracture, de pneumonie et de lésion rénale aiguë, mais pas d'arythmie ventriculaire.Cet éventail d'effets indésirables est plus large que ce qui a été précédemment mis en évidence dans les alertes réglementaires, le risque le plus élevé se produisant peu de temps (au cours de la première semaine) après l'instauration du traitement1.Le bénéfice modeste (dans le meilleur des cas) des antipsychotiques sur les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence doit être mis en balance avec le risque des nombreux effets indésirables graves identifiés dans cette étude. Si des antipsychotiques sont prescrits à des patients atteints de démence, ils doivent être utilisés pour la durée la plus courte possible et les plans de traitement doivent être revus régulièrement avec les patients et leurs soignants afin de réévaluer la nécessité de poursuivre le traitement1.

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