Le président de l’APES, François Paradis: «La création des CISSS et des CIUSSS nous offre l’occasion de favoriser un meilleur usage des médicaments»

Comme tous les employés des établissements de santé, les pharmaciens hospitaliers participent à la mise sur pied des Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et des Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). Bien que de nombreux défis restent à surmonter, l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) y voit l’occasion d’harmoniser le fonctionnement des départements de pharmacie et ainsi d’optimiser la qualité des services pharmaceutiques.Le printemps dernier, l’APES a été le premier syndicat du réseau de la santé et des services sociaux à s’entendre avec le gouvernement de Philippe Couillard. L’entente de principe, ratifiée quelques mois plus tard, vise notamment à assurer aux pharmaciens hospitaliers une transition harmonieuse dans le cadre de la réforme de la structure du réseau qu’a lancée le ministre Gaétan Barrette.Selon le président de l’APES, François Paradis, la réforme offre une opportunité de favoriser un meilleur usage optimal des médicaments, à condition cependant que le réseau comprenne le rôle que peuvent jouer les pharmaciens hospitaliers. La pharmacie hospitalière étant une profession en situation de pénurie de main-d’œuvre, l’APES fait aussi face au défi toujours grand d’attirer la relève vers ce secteur de pratique.Profession Santé a rencontré François Paradis à la fin du mois d’octobre, dans la foulée d’une tournée qui l’emmène à visiter les pharmaciens d’établissement de plusieurs régions du Québec.L’APES a été le premier syndicat du réseau à s’entendre avec le gouvernement. Êtes-vous satisfait de cette nouvelle entente ?La négociation de la précédente entente avait été particulièrement difficile, car le gouvernement menaçait de couper de nombreuses primes que nos membres reçoivent et qui constituent un moyen d’attirer les jeunes pharmaciens à choisir une carrière en milieu hospitalier.Avec cette nouvelle entente, qui vise notamment à assurer la transition des départements de pharmacie au sein des CISSS et des CIUSSS, nous avons été en mesure de les maintenir. Le défi de la prochaine négociation sera de sécuriser la rémunération de nos membres dans leurs échelles salariales afin qu’elle ne soit pas basée uniquement sur des primes.Comment voyez-vous la réforme de la structure des établissements entreprise par le ministre ?Quand le ministre a présenté son projet de loi en 2014, nous étions parmi les organismes à appuyer son projet. La création des CISSS et des CIUSSS nous offre une occasion d’harmoniser les pratiques et de créer de meilleurs réseaux de collaboration, notamment afin de favoriser l’usage optimal des médicaments. Nous voyons des avantages cliniques et économiques à l’intérieur de cette réforme.Les pharmaciens sont-ils aussi bien représentés qu’avant dans les CISSS et les CIUSSS ?Les pharmaciens continuent de siéger au sein des différentes instances professionnelles des établissements, dont les Conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP). Si nous voulons contribuer à l’optimisation des soins, il est également essentiel que nous participions aux tables avec les chefs des autres départements cliniques des établissements. À ce chapitre, il y a cependant des situations qui posent présentement problème dans deux établissements et nous essayons de comprendre les décisions qui ont été prises.Avec les fusions, des chefs de département ont perdu leur titre. Y a-t-il de la déception chez certains de vos membres ?Les pharmaciens d’établissement ou sont touchés par les changements, au même titre que les autres personnes du réseau. Il est évidemment de notre mandat de les écouter, mais il faut voir ces changements avec un regard différent et une perspective plus large. Il faut penser CISSS et CIUSSS.Un comité paritaire entre l’APES et le MSSS a d’ailleurs été mis sur pied pour définir les nouveaux titres d’emplois pour les pharmaciens hospitaliers. À titre d’exemple, des postes de chef adjoint ou de leader de pratique pourraient être créés.« À mes yeux, l’éthique est un enjeu à propos duquel on ne rigole pas. La crédibilité d’une profession comme la nôtre prend des années à construire, mais elle peut se détruire en un instant. »Qu’entendez-vous par des leaders de pratique ?Pour toutes sortes de raisons, chaque département de pharmacie travaillait auparavant en silo. Même si certaines couleurs locales doivent subsister, il y a un besoin d’harmoniser les bonnes pratiques au sein d’un CISSS ou d’un CIUSSS. Un leader de pratique serait quelqu’un qui aurait cette tâche pour des domaines précis, comme la préparation de produits stériles ou l’oncologie.Avec cette réorganisation, craignez-vous des pertes d’emplois en pharmacie hospitalière ?Notre crainte se trouve plutôt du côté des 250 postes non comblés à l’heure actuelle que de celui de la restriction du personnel déjà en place. Avec le vieillissement de la population, les besoins liés à la pharmacothérapie vont croissant et ils deviennent de plus en plus complexes. Réduire les équipes de pharmacie équivaudrait à nous tirer collectivement dans le pied.Le MSSS a récemment recommandé que les établissements embauchent des pharmaciens ayant un diplôme de premier cycle. Comment réagissez-vous à cette recommandation ?Il y a un réel besoin de maintenir les efforts afin d’attirer la relève en pharmacie hospitalière, mais nous croyons que la maîtrise en pharmacothérapie avancée est essentielle pour répondre aux exigences d’unités de soins aigus.Depuis deux ou trois ans, les 70 places disponibles dans les programmes de maîtrise des deux facultés de pharmacie sont comblées. Nous croyons que le nombre de ces places devrait être augmenté à 80 ou à 90, ce qui contribuerait à régler la pénurie de main-d’œuvre que nous connaissons.Dans son nouveau cadre de gestion des groupes de médecine de famille (GMF), le gouvernement priorise uniquement la présence de pharmaciens communautaires en GMF. Quelle est la réaction de l’APES ?Sur cette question, les dés sont jetés. Le gouvernement a affiché clairement ses intentions, mais nous ne savons pas ce qu’il adviendra des pharmaciens d’établissement qui travaillent toujours dans les GMF.Cela dit, nous encourageons nos membres exerçant en GMF à continuer de faire la démonstration au quotidien de la valeur ajoutée du pharmacien d’établissement en première ligne.Deux éléments nous semblent néanmoins incontournables dans ce dossier : la présence d’un pharmacien en GMF, qu’il vienne du milieu hospitalier ou du milieu communautaire, et les liens étroits que ce pharmacien devrait avoir avec l’établissement du territoire où il se trouve.Depuis que vous êtes président, l’APES s’est lancée dans une réflexion sur l’éthique en pharmacie hospitalière. Quels sont les résultats de vos travaux ?À mes yeux, l’éthique, c’est un enjeu à propos duquel on ne rigole pas. La crédibilité d’une profession comme la nôtre prend des années à construire, mais elle peut se détruire en un instant.Notre conseil d’administration vient récemment d’approuver la diffusion à nos membres d’un document et de vidéos pour les guider dans leur réflexion éthique. C’est d’autant plus important dans ce nouveau contexte où les chefs des départements de pharmacie auront à gérer d’énormes budgets. Il ne faut pas que les relations qu’ils entretiennent, notamment avec les gens de l’industrie, prêtent flanc à la critique.

Le président de l’APES, François Paradis: «La création des CISSS et des CIUSSS nous offre l’occasion de favoriser un meilleur usage des médicaments»

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