Le PL 31 instaure un système «deux poids, deux mesures», selon la FMOQ

Les représentants de la FMOQ mercredi à la table de la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 31.Pourquoi des services retirés aux médecins pourront-ils être offerts par des pharmaciens et pourquoi le gouvernement se refuse-t-il à apporter les changements législatifs ou réglementaires qui leur permettraient de le faire à nouveau? ont demandé les représentants de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) au premier jour de la commission parlementaire sur le projet de loi 31, qui vise à élargir les services offerts par les pharmaciens.C’est l’une des importantes questions que le Dr Louis Godin, accompagné de son premier vice-président, le Dr Marc-André Amyot, et de son deuxième vice-président, le Dr Sylvain Dion, ont soulevé lors de leur passage devant la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, et des élus de tous les partis politiques. Bien qu'ils appuient l'objectif du PL 31 d'améliorer les services de santé à la population, les médecins de famille s'interrogent sur plusieurs aspects.Si toutes les dispositions contenues dans le projet de loi sont adoptées sans modification, c’est la médecine familiale qui cédera le plus de pouvoirs aux pharmaciens. Ces derniers auront notamment le droit de vacciner, d’initier, d'ajuster ou de cesser la thérapie médicamenteuse, d’ajuster ou de prolonger des ordonnances de tous les prescripteurs, de prescrire des médicaments en vente libre et d’évaluer la condition physique ou mentale d’une personne afin de lui assurer un usage approprié des médicaments.La vaccination par eux, mais pas par nousLa FMOQ ne s’objecte pas à ce que les pharmaciens puissent vacciner les patients de six ans et plus. Néanmoins, le Dr Louis Godin a soulevé que beaucoup de patients aimeraient être vaccinés par leur médecin, mais qu’ils ne peuvent pas, car celui-ci n'a pas le droit de vendre le vaccin à un patient. Or, le gouvernement s’apprête à accorder aux pharmaciens à la fois le pouvoir de le vendre et de l’administrer, sans redonner aux omnipraticiens la possibilité de le faire en cabinet. On est clairement dans une logique «deux poids, deux mesures», déplore la Fédération.«Les médecins autant que les pharmaciens sont capables de gérer ce possible conflit ou cette apparence de conflit d’intérêt, a soutenu le Dr Godin. On nous a retiré le pouvoir de vendre ou d’organiser des cliniques de prélèvement dans nos bureaux sous le fait que nous étions en conflit ou en apparence de conflit d’intérêts. La question qu’on pose, c’est: pourquoi les pharmaciens pourront gérer cela de façon professionnelle et que nous, comme médecins, on n’a pas cette qualité de gérer aussi cela de façon professionnelle? Appliquons les mêmes règles aux deux groupes.»La FMOQ soulève que le projet de loi 31 permettra aussi aux pharmaciens à la fois d’évaluer et de prescrire des médicaments, ce qui les place là encore potentiellement en conflit d’intérêts. La FMOQ répète ne pas douter de leur professionnalisme, mais ne cache pas son étonnement. Le législateur, observe la Fédération, cherche à élargir l’accès aux services dans un même lieu, en l’occurrence la pharmacie, mais en même temps, il empêche une clinique médicale de fonctionner de manière optimale en restreignant sa capacité à offrir des services complémentaires. Comment peut-il ne pas y avoir de conflit d’intérêts d’un côté et y en avoir de l’autre? soulève-t-elle. La FMOQ voudrait que les médecins soient traités de la même manière et avec la même vision: l’accès aux services dans un cadre optimal.Évaluer la condition physique et mentale?L’évaluation de la condition physique et mentale par les pharmaciens dans le but d’assurer l’usage approprié des médicaments fait également beaucoup sourciller les médecins. Que veut dire exactement «évaluation»? se demande la FMOQ. S’agit-il d’un questionnaire détaillé au comptoir ou un bureau fermé avec salle d’examen? Et jusqu’où cette évaluation ira-t-elle? Si elle trouve normal qu’un pharmacien interroge un patient afin de faire un usage approprié de ses médicaments, elle estime que le libellé du projet de loi devrait être modifié afin de ne pas associer «évaluation» à diagnostic médical. Elle suggère donc qu’on parle «d’une évaluation sommaire» ou d’autres formulations qui portent moins à confusion afin d’éviter une banalisation de l’acte diagnostique.La cessation d’une thérapieLe fait qu'un pharmacien puisse faire des évaluations et que cela l’amène à remettre en question le diagnostic et la démarche clinique initiée par un médecin de famille, ou qu'il puisse modifier la thérapie ou substituer un médicament par un autre d’une sous-classe thérapeutique préoccupe aussi le deuxième vice-président de la FMOQ, le Dr Sylvain Dion.«Quelle est la compétence d’un pharmacien compte tenu de son curriculum pour remettre en question mon diagnostic? se demande-t-il. Je n’ai pas de problème à travailler ensemble. Si on parle de surveillance de la thérapie, les effets secondaires, les interactions médicamenteuses, il n’y a aucun problème. Mais ce n’est pas le même curriculum de formation qui permet d’aller dans le sens d’une expression aussi large qu’évaluation, telle qu’on la voit dans l’article du projet de loi.»Soyons prudents, a-t-il conseillé aux élus. Il y a un plan de traitement qui a été établi par le médecin de famille. C’est lui qui a la meilleure vision de son patient. Peut-être que le médecin n’a pas prescrit un autre médicament d’une sous-classe parce qu’il a une meilleure connaissance du patient.L’importance de la communicationTant le Dr Dion que le Dr Godin ont insisté sur l’importance de la communication entre le pharmacien et le médecin après les nouveaux pouvoirs qui seront accordés aux pharmaciens. La FMOQ a rappelé que le médecin demeure le premier responsable du plan de traitement et qu’il est le seul à avoir une vue d’ensemble des problématiques médicales du patient. Il sera donc fondamental que le médecin traitant ait l’information requise en tout temps à l’égard de son plan de traitement et qu’il puisse avoir son mot à dire dans tout changement apporté par le pharmacien. Le cas échéant, préviennent les médecins de famille, les pharmaciens devront être entièrement responsables des examens qu’ils demandent et des suivis qui s’y rattachent.Et s’il y a désaccord entre le médecin et le pharmacien sur la démarche clinique entreprise ou à suivre? Le projet de loi ne prévoit rien à ce sujet.À lire aussi:Projet de loi n° 31: le CMQ demande la fin des communications par télécopieurCommission de la santé: l’OPQ et le CMQ réitèrent leur appui au projet de loi 31

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