«J’ai autant appris d’eux qu’ils ont pu apprendre de moi»- Dr François Bourque, psychiatre au Nunavik

Le Dr François Bourque exerce dans une branche fascinante de la psychiatrie: la pratique transculturelle. Un psychiatre qui veut traiter un patient issu d’une culture très lointaine ne peut pas se contenter de mettre ses lunettes de Québécois francophone formé dans le monde biomédical occidental, assure-t-il. Il faut s’ouvrir et essayer de comprendre les choses dans la perspective d’une autre culture.«La conception de la médecine n’est peut-être pas du tout la nôtre, dit-il. Parfois, la dépression n’existe pas dans cette culture. Il faut être ouvert et écouter d’une autre façon. C’est un aspect qui m’a fasciné. »Sans même partir à l’étranger, le Dr Bourque a trouvé, en allant faire du moonlighting auprès de certaines communautés autochtones inuites et cries du Nunavik et de la Baie-James, des populations locales qui vivent une réalité très différente de celle du reste de la société québécoise. L’automne dernier, il s’est rendu au centre de santé d’Inuulitsvik, de Puvimituq, où vit une communauté inuite. Il y a d’abord passé quatre jours avec la Dre Lucie Nadeau, une pédopsychiatre. Il a également passé trois jours à Wemindji avec des Cris de la Baie-James, en compagnie de la psychiatre Janique Harvey.Barrière culturelle et linguistiqueBriser les barrières de la langue, de la culture et du silence pour un psychiatre de passage représente le premier des défis. « Il y a dans ces communautés beaucoup de problèmes et d’enjeux sociaux, mais cela s’inscrit dans les histoires de colonisation, dans le rapport entre les Autochtones et les Blancs, explique-t-il. Il faut être conscient non seulement des problèmes que connaissent les patients, mais se montrer particulièrement sensible à la communauté et aux enjeuxsocio-historiques. »La psychiatrie n’existe pas dans ces milieux telle qu’on la connaît dans le monde occidental, mais les difficultés qu’éprouvent ces populations sont bien réelles : dépression, suicides, violence, alcoolisme et toxicomanie. Les Autochtones ont une façon de conceptualiser le monde qui n’est pas nécessairement la même que celle des Blancs. Les médecins doivent en tenir compte dans leurs interventions.Le Dr Bourque admet qu’un psychiatre, même versé dans la pratique transculturelle, ne peut pas créer de liens solides et avoir un impact majeur lorsque les séjours ne durent que trois ou quatre jours seulement. « Parfois, on se sent un peu impuissant. Il faut être humble par rapport à ce que l’on a à offrir, convient-il. Cela dit, certaines personnes vivent une réelle détresse, et elles ont besoin de la faire entendre. Je pense qu’on leur offre une écoute, un espace où elles peuvent partager cette détresse. »« Il reste, ajoute-t-il, que ces patients demeurent maîtres de leur vécu, de leur contexte social. Il faut avoir une attitude ouverte et ne pas arriver en tant que médecins venus de l’extérieur et ayant la réponse et les solutions à tout. »Le Dr Bourque dit avoir été impressionné par la capacité de résilience dont font preuve ces peuples, en dépit de tous les problèmes majeurs qu’ils connaissent. « Malgré mon expérience très limitée, j’ai le sentiment que les gens qui sont très attachés à leur spiritualité et à leurs traditions semblent avoir une résilience plus importante. Souvent, j’ai l’impression que j’ai autant appris d’eux qu’ils ont pu apprendre de moi. »Lire les autres articles du dossier Résidents à la recherche d'un nouvel équilibre

«J’ai autant appris d’eux qu’ils ont pu apprendre de moi»- Dr François Bourque, psychiatre au Nunavik

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