Le dernier souffle: quand l’Hôtel-Dieu de Montréal revit par l’image

Lorsqu’elle apprit par le journal La Presse en 2013 la vente de l’Hôtel-Dieu de Montréal, Annabel Loyola s’en est indignée. «Comment peut-on se départir ainsi de l’âme de Montréal, un hôpital qui a l’âge de la ville, fondée en 1642!» lance-t-elle à ProfessionSanté.ca.Elle a donc canalisé son indignation dans un long-métrage documentaire intitulé Le dernier souffle, qui porte en sous-titre Au cœur de l’Hôtel-Dieu de Montréal.Le film, dont elle est à la fois la réalisatrice, la scénariste, la recherchiste et productrice, vient d’être présenté à la 35e édition des Rendez-vous du cinéma québécois, à Montréal. Il sortira en salle le 7 avril prochain*.«Alors que l’avenir de l’hôpital est incertain, poursuit-elle, j’ai voulu capter le regard de ses derniers occupants à travers leur quotidien.» Annabel Loyola a donc littéralement séjourné à l’Hôtel-Dieu en 2014-2015, comme observatrice et pour les besoins du tournage. Elle y est aussi devenue bénévole pour mieux saisir de l'intérieur le travail de relation d’aide.Elle a rencontré, et filmé, des patients, infirmières, préposés, divers employés de soutien aussi, des bénévoles et quelques-unes des dernières religieuses Hospitalières de Saint-Joseph, une congrégation venue de France en 1659 pour appuyer Jeanne Mance dans les tâches de l’hôpital et le service aux malades. Une congrégation sans relève d'ailleurs, la dernière sœur ayant fait ses vœux en 1967. On doit aux Hospitalières la fondation, en 1901, de l’École des infirmières de l’Hôtel-Dieu, qui a formé plus de 3 000 infirmières avant de fermer ses portes en 1970. Annabel Loyola a également interviewé deux chirurgiens, les Drs Fadi Basile et Ignacio Prieto, et le Dr Pavel Hamet, chercheur et professeur de médecine à l’Université de Montréal.«J’ai voulu graver dans la mémoire» les derniers moments d’activité d’un des plus anciens hôpitaux d’Amérique, à travers le regard des personnes qui y vivent encore, poursuit la réalisatrice. Je ne voulais surtout pas faire un film historique, figé. »Jeanne Mance Annabel Loyola (photo Julie D'amour-Léger)C’est par une conférence de l’historien Jacques Lacoursière, en 2006, qu’elle a découvert Jeanne Mance, fondatrice de l'Hôtel-Dieu. Annabel Loyola est pourtant née à Langres, en Champagne, dans la petite ville qui a vu naître Jeanne Mance en 1606. « Mais c'est à Montréal que j'ai vraiment effectué ce retour aux racines. Un retour qui prend une coloration toute particulière en 2017, alors que Montréal, deuxième ville francophone du monde, célèbre son 375e anniversaire de fondation. »Officiellement reconnue depuis 2012 cofondatrice de Montréal, Jeanne Mance a littéralement sauvé la ville naissante, rappelle la réalisatrice. Elle a protégé Ville-Marie du péril iroquois grâce aux fonds de l’Hôtel-Dieu qu’elle employa à la levée de la Grande Recrue, qui sauva la jeune cité en 1653. Annabel Loyola souligne que de tous les membres de la Société Notre-Dame de Montréal, à l’origine de la fondation de la ville, Jeanne Mance est la seule à être décédée et inhumée à Montréal.Annabel Loyola a consacré en 2010 son premier long-métrage documentaire à «Mademoiselle Mance». Le film s’intitule La folle entreprise, sur les pas de Jeanne Mance. Il sera à nouveau en tournée au Québec, à l’occasion du 375e de Montréal. Le documentaire a reçu la Médaille de la Société historique de Montréal.Patrimoine«Tourner un film sur l'Hôtel-Dieu, et y vivre également, m'a permis de voir qu'il existe un réel consensus dans la population quant à l'immense valeur patrimoniale de l'hôpital situé au pied de la montagne du Mont-Royal.» Des comités de citoyens se sont formés, précise-t-elle, pour en préserver la vocation et maintenir dans la collectivité cet hôpital que le gouvernement du Québec a jugé excédentaire, avec la venue du CHUM.L'Hôtel-Dieu de Montréal devrait offrir des services de santé jusqu’en 2021. «Après, c’est l’inconnu. Ne serait-il pas urgent d'avoir une vision à plus long terme pour un site patrimonial de cette importance?»Annabel Loyola a d’autres projets de films. L'un abordera la fondation même de Montréal, «une ville qui est née d’un rêve», et un autre, la réalité des aidants naturels.*Notamment à la Cinémathèque québécoise et au Cinéma du Parc, à Montréal; au Cinéma Cartier, à Québec. Renseignements: wwwhoteldieufilm.com

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