Aide médicale à mourir: le Collège des médecins s'inquiète d'un éventuel élargissement des critères d'admissibilité

Les personnes inaptes devraient-elles avoir droit à l’aide médicale à mourir (AMM)? Cette question complexe est au cœur d’un billet signé par le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins du Québec (CMQ), qui a voulu faire une sortie publique à l’approche d’un débat sur l’élargissement de l’AMM.Selon les lois actuelles, les personnes doivent êtres majeures et aptes à consentir afin d’avoir accès à l’AMM. Toutefois, les lois pourraient changer si le gouvernement québécois décide d’assouplir les critères d’admissibilité.Le Dr Yves Robert estime qu’il faut être extrêmement prudent avant d’accorder l’AMM à des personnes inaptes. «Outre le fait que le patient ait pu exprimer sa volonté antérieurement, que son mandataire puisse déterminer que les conditions sont remplies et que deux médecins aient émis une opinion favorable, le Collège des médecins croit qu’il faut faire valider cette décision par un juge qui constate que toutes les conditions sont remplies et donne une autorisation préalable», explique l’auteur du texte «Vers la mort à la carte?».Dans la même veine, le secrétaire du Collège croit que l’AMM ne devrait pas être incluse dans les directives médicales anticipées (DMA) qui visent principalement des soins ayant pour but de prolonger la vie. «Elle ne devrait pas être inscrit dans le même régime, puisqu’on ne peut pas comparer des activités qui visent l’acharnement thérapeutique à une euthanasie qui est irréversible. Pour nous, s’il devait y avoir une forme de directives anticipées, elles n’auraient pas le caractère prescriptif des directives actuelles», indique-t-il.Ce dernier estime qu’on ne peut pas forcer une équipe de soins à donner l’aide médicale à mourir à un patient qui pourrait, au moment de poser le geste, exprimer des gestes de réticence ou de refus même s’il ne sait pas ce qui se passe. Il Robert rapporte qu’une situation similaire est survenue en Belgique.L’aide médicale à mourir idéaliséeDepuis plusieurs semaines, le Dr Yves Robert avait le désir d’exprimer son opinion sur le sujet. Des cas récents qui ont fait la manchette, la prise de position de certains élus à l’Assemblée nationale et la mise sur pied d’un comité qui se penchera sur la question de l’aide médicale à mourir l’ont convaincu d’écrire ce texte qui, selon ses dires, pose plus de questions qu’il n'offre de réponses.«On voit une certaine dérive dans l’opinion publique qui, appuyée par des leaders d’opinion, trouve que la meilleure mort, c’est l’aide médicale à mourir. Il y a une forme d’idéalisation. Et comme c’est la mort idéale, on veut la commander. Certains disent vouloir mourir le jour de leur anniversaire, avec leurs amis et la musique qu’ils auront choisie. Il y a une forme de commercialisation pour avoir un contrôle absolu sur sa mort», déplore-t-il.Dans ce contexte, Yves Robert en vient à questionner le rôle du médecin. «Nous passons tranquillement de l’aide médicale à mourir dans une logique de soins pour les patients vers une mort à la carte où les gens vont essentiellement commander ce qu’ils veulent avoir et le médecin va être là pour répondre à leur demande. Si nous ne sommes plus dans une logique de soins, pourquoi prendrait-on un docteur?» s’interroge-t-il.Des exclusDepuis la mise en vigueur de la Loi concernant les soins de fin de vie, le 10 décembre 2015, 400 patients ont reçu l’AMM. Plusieurs patients souffrant de maladies évolutives mais à un stade précoce ou intermédiaire se sont vu refuser cette aide. Des handicapés n’étant pas en fin de vie ont été réduits à faire le choix de mourir par le jeûne. Plus récemment, une patiente souffrant de démence inapte à consentir aux soins, aurait été tuée par compassion par son conjoint. Ces situations ont contribué à entretenir le débat public sur l’aide médicale à mourir.«À partir du moment où l’on met des balises, c’est évident qu’il va y avoir des exclus. Sinon, il ne faudrait pas qu’il y ait des balises et ça va être l’euthanasie sur demande. Ce n’est pas ce que les législateurs ont déterminé», explique Yves Robert. À LIRE AUSSI:Vers la mort à la carte?

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