L’AQPP fait le point sur le marché des médicaments

Après avoir progressivement ralenti de 2017 à 2019, la croissance des dépenses annuelles des régimes publics d’assurance médicaments est repartie à la hausse. Celles-ci ont atteint 15 milliards de dollars l’an dernier au Canada, en progression de 4,6 %, alors qu’elles n’avaient augmenté que de 3,1 % en 2019, selon des données de l’Institut canadien d’information sur la santé. Le vieillissement de la population, qui est d’ailleurs plus prononcé au Québec, explique en partie cette tendance haussière. «Les baby-boomers deviennent de gros consommateurs», souligne Geneviève Pelletier. Dans le détail, cette augmentation est imputable à une frange minime de patients. En effet, 2,7 % des bénéficiaires des régimes publics canadiens ont occasionné 41,9 % des dépenses en médicaments l’an dernier. Sans surprise, les médicaments de spécialité pèsent lourd dans la balance. Entre 2010 et 2020, leur coût a augmenté de 12 % alors que celui des médicaments traditionnels n’a progressé que de 3 %. Résultat, les dépenses pour les médicaments de spécialité ont bondi de 32 % entre 2012 et 2019. «Une hausse six fois supérieure à celle de l’ensemble des médicaments», souligne la directrice aux affaires externes de l’AQPP. En 2020, 650 millions de dollars ont ainsi été versés à quelque 13 000 Canadiens pour des traitements contre les maladies rares. Afin d’inverser la tendance, une réforme du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) interviendra en janvier prochain; les fabricants auront une année pour s’y conformer. Pour déterminer le prix de vente maximum d’un médicament au Canada, le Conseil s’appuie sur des facteurs propres au marché canadien, mais aussi sur les prix de vente à l’étranger. «Jusqu’ici, le CEPMB comparait les prix dans sept pays. Désormais, ils seront comparés dans onze pays, et les États-Unis et la Suisse, qui ont les prix moyens les plus élevés, ont été retirés de la liste», explique Mme Pelletier. Cette réforme va certes tirer vers le bas les prix maximaux, convient-elle, «mais elle pourrait avoir beaucoup d’impacts collatéraux, comme des délais accrus pour l’entrée de nouveaux médicaments, car cela va générer des incertitudes pour les fabricants qui pourraient décider de ne pas lancer certains produits au Canada.» Des délais accrus au Québec Autre initiative destinée à mieux contrôler le coût des médicaments au pays, l’Alliance pancanadienne pharmaceutique (APP) mène au nom des provinces les négociations avec l’industrie pharmaceutique pour les médicaments novateurs et génériques distribués au Canada. Le Québec a rejoint l’APP en 2015 et en a tiré des bénéfices. Revers de la médaille, «le délai moyen entre les avis de conformité des médicaments émis par Santé Canada et leur remboursement au Québec a augmenté de 82 % entre 2013 et 2019, passant de 324 à 591 jours», observe la directrice aux affaires externes de l’AQPP en indiquant que les pharmaciens s’en sont rendu compte. «Ça leur a ajouté de la gestion pour aider les patients à bénéficier des programmes d’aide des fabricants pour les médicaments qui ne sont pas encore remboursés.» Parmi les thèmes surveillés de près par l’AQQP, il y a aussi la promesse électorale de créer un régime national d’assurance médicale, formulée en 2019 et réitérée lors de la dernière campagne électorale fédérale. «On en parle beaucoup, mais il y a très peu de mouvement», signale Mme Pelletier. Quelques projets ont été annoncés dans le cadre du budget fédéral de mars 2019, «mais pas les investissements importants que nécessiterait ce régime d’assurance pancanadien». Affaires à suivre Dossier également dans la mire de l’AQPP: les suites de la consultation lancée début 2021 par Ottawa en vue d’établir une stratégie nationale pour le traitement des maladies rares. «Le rapport déposé en juillet insiste sur l’uniformisation des politiques provinciales afin d'offrir les mêmes thérapies de soins à tous les Canadiens et sur l’accélération de l’approbation de médicaments déjà approuvés dans d’autres pays», indique la directrice aux affaires externes de l’AQPP en précisant que les travaux se poursuivent. Enfin, s’agissant de la création de l’Agence canadienne du médicament, Mme Pelletier signale qu’un bureau de transition est à l’oeuvre depuis le 1er avril dernier, mais qu’il y a des enjeux de coordination entre les différents partenaires impliqués. Quant aux travaux autour de l’établissement d’une liste nationale de médicaments, ils se poursuivent sous la houlette de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS). «Un comité a été formé pour déterminer les principes derrière un formulaire commun et, éventuellement, élaborer une liste théorique», renseigne la directrice. Affaire à suivre, donc.

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