L'apnée du sommeil représente un risque pour les femmes pendant la grossesse

Aperçu des risques de l'apnée du sommeil pendant la grossesse, présenté lors de la récente conférence annuelle virtuelle de la Société canadienne de thoracologie. L'apnée obstructive du sommeil (AOS) se caractérise par des pauses respiratoires pendant le sommeil, qui provoquent une désaturation intermittente du niveau d’oxygène sanguin ainsi que des réveils répétés. Des études récentes suggèrent en effet que les femmes enceintes atteintes d'AOS non traitée ont un risque significativement plus élevé de développer une hypertension gestationnelle, une prééclampsie ou une éclampsie, ainsi qu'une augmentation de la glycémie et les problèmes qui en découlent. Il existe également une forte association avec des nourrissons de faible poids à la naissance, un retard de croissance intra-utérin et une admission plus fréquente en unités de soins intensifs néonataux. Une glycémie élevée pendant la grossesse «peut entraîner des complications telles qu'une grande taille du fœtus, des complications à l'accouchement et peut aussi augmenter le risque d’avoir une césarienne», a expliqué la Dre Sushmita Pamidi, professeure agrégée de médecine à l'Université McGill, qui a fait une présentation sur l'apnée du sommeil pendant la grossesse lors de la récente conférence annuelle virtuelle de la Société canadienne de thoracologie. L’AOS est également problématique pour le fœtus, car ces problèmes l'exposent à un risque accru de développer des complications métaboliques plus tard dans la vie, a-t-elle précisé dans une interview. «À long terme, ils peuvent développer un diabète ou des risques cardiovasculaires en raison de l'exposition au diabète gestationnel», a-t-elle ajouté. La Dre Pamidi a pris note d'une étude populationnelle, réalisée en 2017 par des chercheurs australiens, qui a révélé que parmi tous les enfants hospitalisés entre leur premier et leur sixième anniversaire, 35% de ceux qui avaient été exposés à l’AOS maternel ont été admis pour une apnée du sommeil pédiatrique, contre seulement 18% de ceux dont la mère n'avait pas fait d'apnée pendant la grossesse. L'étude a porté sur 626 188 enfants uniques nés entre 2002 et 2012, dont 209 ont été exposés à l'apnée du sommeil maternelle. Les études suggèrent que l’AOS peut entraîner une augmentation de la glycémie et non l'inverse, et que la glycémie peut être réduite en traitant l’AOS directement. Une étude de l'équipe de la Dre Pamidi et publiée dans l'American Journal of Respiratory Critical Care Medicine a démontré que chez des patientes prédiabétiques non enceintes, un traitement par pression positive continue (PPC) de huit heures par nuit pendant deux semaines améliore le métabolisme du glucose. Cependant, des études portant sur des cohortes de femmes enceintes sont nécessaires, a affirmé la médecin. Pour l’AOS en général, la PCC est le traitement de référence. L’AOS est relativement fréquent pendant la grossesse, plusieurs études faisant état d'une prévalence d'environ 30% (allant de 17% à 45%) lors du troisième trimestre de la grossesse et d'une augmentation des risques et complications associés. Une étude parue en 2000 dans le journal Chest avait interrogé 502 femmes sur le ronflement. Les chercheurs ont constaté que 23% des femmes ont déclaré ronfler la nuit dans la semaine précédant l'accouchement, contre seulement 4% qui ronflaient avant la grossesse. Ils ont également constaté que 14% des femmes qui ronflaient faisaient de l'hypertension, alors que chez les femmes qui ne ronflaient pas, ce chiffre s’élevait seulement à 6%. De plus, 10% des femmes qui ronflaient souffraient de prééclampsie contre 4% chez celles qui ne ronflent pas. Ainsi, l'article conclut que «Le ronflement est fréquent pendant la grossesse et constitue un signe d'hypertension induite par la grossesse». Le ronflement indiquait également un risque de retard de croissance du fœtus. Un récent article de synthèse paru dans le Journal of Women's Health sur l’AOS pendant la grossesse et le risque de maladie cardiovasculaire (MCV) a mis en évidence plusieurs études montrant une augmentation du ronflement pendant la grossesse et une probabilité accrue d'hypertension gestationnelle. Les auteurs ont noté qu'une étude a constaté une multiplication par trois de la prévalence du ronflement d'un trimestre à l'autre, et qu'une autre a constaté une augmentation des troubles respiratoires du sommeil de 10,5%, au cours du premier trimestre, à 27% au cours du troisième trimestre. Les auteurs de cet article ont déclaré que l’AOS «déclenche chez l'adulte une pathobiologie autonome, immunitaire et vasculaire qui contribue potentiellement aux mécanismes des maladies cardiovasculaires pendant la gestation. L'altération de la vascularisation placentaire est un mécanisme critique dans l'étiologie de la prééclampsie.» Pourquoi l’AOS est-il plus fréquent pendant la grossesse? Il existe un certain nombre d'hypothèses, a expliqué la Dre Pamidi. Elle pourrait être attribuable à la prise de poids pendant la grossesse, puisque la prise de poids seule est souvent associée à l’AOS dans la population générale. Elle pourrait aussi être liée aux déplacements des fluides, en particulier au cours du troisième trimestre, car ils peuvent s'accumuler dans les extrémités inférieures. «Lorsque les gens s'allongent, le fluide dans les jambes peut se déplacer vers la zone du cou, ce qui peut rétrécir les voies respiratoires. Cela n'a pas encore été démontré dans le cas de la grossesse, contrairement aux insuffisances cardiaque et rénale», a indiqué la Dre Pamidi. Une autre explication serait la congestion des voies aériennes supérieures ou du nez, connue sous le nom de «rhinite liée aux œstrogènes», qu’expérience de 20 à 30% des femmes au cours du troisième trimestre. La congestion des voies aériennes supérieures augmente la résistance des voies aériennes et donc le risque d’AOS. Il peut également y avoir un rétrécissement d'autres parties des voies aériennes supérieures et une augmentation de la taille de la langue par rapport à la cavité buccale, ce qui peut contribuer à l'obstruction. Plusieurs facteurs de risque peuvent prédisposer les femmes à l’AOS, mais les principaux facteurs que les médecins doivent prendre en considération sont les antécédents de ronflement, les antécédents d'hypertension qui pourraient être antérieurs à la grossesse, l'obésité et l'âge avancé. Des données provenant des États-Unis démontrent que de 15 à 20% des femmes enceintes obèses souffrent d’AOS. On ne sait pas encore si l’AOS disparaît généralement après l'accouchement. L'équipe de la Dre Pamidi étudie actuellement cette question, et certaines données préliminaires suggèrent qu'environ la moitié des femmes continuent de souffrir, jusqu’à un certain degré, d’AOS plusieurs mois après. À l'heure actuelle, il n'existe pas encore de directives ou de recommandations officielles sur l’AOS pendant la grossesse. Mais si les patientes enceintes présentent des signes caractéristiques d'une possible AOS, tels que des ronflements, une somnolence diurne, des pauses respiratoires intermittentes signalées par le partenaire, ainsi que des facteurs de risque connus, elles doivent être orientées d’urgence vers une étude de sommeil et être suivies par un spécialiste, a conclu la Dre Pamidi.

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