L’ABC des inspections professionnelles au CMQ

«En matière de protection du public, les médecins redoutent deux choses: faire l’objet d’une plainte en déontologie ou recevoir la visite d’un des neuf inspecteurs du Collège des médecins du Québec (CMQ). La peur de l’enquête du syndic, l'appréhension de l’audience devant le Conseil de discipline et la crainte de la sanction pouvant mener à la radiation constituent des sources de stress immense. Moins impactante dans l’absolu, l'inspection est également stressante. Plusieurs cliniciens sollicités par ProfessionSanté.ca disent d'ailleurs se croiser des doigts en se déclarant «très chanceux» ou «bien heureux» d’y avoir jusqu’ici échappé.«C’est normal d’être stressé. Personne aime être inspecté», observe le directeur de l’inspection professionnelle au CMQ, le Dr Anas Nseir, qui dresse un parallèle avec les contrôles fiscaux effectués par Revenu Québec. «Ce n’est jamais plaisant d’être sous la loupe», convient-il en cherchant à rassurer ses pairs. «Oui, ce sont des visites d’inspection mais, depuis trois ans, on a inclus plusieurs volets pédagogiques. On veut rendre ça constructif en donnant des outils aux médecins pour les aider à s’améliorer. Aucun ne se lève le matin en disant qu’il va faire de la mauvaise médecine, mais certains ignorent qu’ils ont des lacunes.»Selon le Dr Nseir, la plupart des cliniciens seraient ouverts à l’inspection et, en général, ils en sortent gagnants. Il s’appuie notamment sur les résultats des enquêtes de satisfaction envoyées à chaque médecin inspecté. «En 2023, 83% des répondants ont déclaré que l’inspecteur a fait preuve d’objectivité; 95% ont trouvé que son approche a été constructive; et 97% ont estimé que l’inspection s’est déroulée dans un climat cordial et respectueux», égrène le directeur pour qui ces rétroactions sont importantes et significatives. «On n’est pas la police. On souhaite être des partenaires pour donner de meilleurs soins à la population», insiste-t-il.L’an dernier, 188 cliniciens ont subi une inspection — 67 ayant fait l’objet d’une inspection de suivi. «On ne va pas à la pêche», indique le Dr Nseir. Il souligne que 95% des médecins pratiquent une médecine de qualité, l’enjeu étant d’«identifier les 5% qui ont plus de difficultés». Leur sélection s’effectue à l’aide de différents programmes dits de surveillance. Un tiers des inspections sont ainsi déclenchées à la demande du syndic du Collège qui, à la suite d’une enquête, juge que l’ensemble de la pratique d’un médecin doit être évaluée. Un autre tiers est effectué sur la base de signalements transmis par des professionnels de la santé.Le troisième tiers est sélectionné à l’aide des questionnaires envoyés aux médecins lorsqu’ils atteignent 60 ans, puis 70 ans. Leurs réponses sont analysées et la décision est aussi prise en fonction de facteurs de risque prédéfinis (pratique solo, formation continue, chirurgies invasives, etc.). Grosso modo, «10 à 15% des 70 ans et 3% des 60 ans se font visiter», précise le Dr Nseir.Programmes de surveillance complémentairesDepuis peu, la direction des inspections professionnelles a mis en place deux nouveaux programmes de surveillance, en collaboration avec la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Le premier s’appuie sur le rapport des prescriptions d’opioïdes et de benzodiazépines faites par les médecins, transmis au CMQ de façon périodique par la Régie, qui permet d’identifier les cliniciens dont les ordonnances semblent inhabituelles et «potentiellement plus à risque de présenter des lacunes». Le second est basé sur les données de la RAMQ relatives à la pratique de la télémédecine, l’objectif étant de détecter celles et ceux qui en abusent.Une fois le médecin sélectionné, il peut faire l’objet d’une visite sur son lieu de pratique. L’inspecteur, qui peut être accompagné par un médecin expert, va alors s’intéresser à la tenue du cabinet (propreté, désinfection du matériel, conservation des échantillons) et réviser certains dossiers médicaux afin d’évaluer la qualité de l’exercice. À la fin de la visite, une entrevue dirigée permet à l’inspecteur de valider avec le médecin les informations recueillies dans les dossiers et ce dernier est informé des constats préliminaires. Lire aussi: Le secret professionnel au centre d’un procès criminelLe clinicien inspecté peut aussi être convié à une «entrevue orale structurée» dont le but est de jauger son expertise, ses connaissances ainsi que ses habiletés cliniques et communicationnelles. Cette entrevue, qui dure une journée environ, est menée par deux médecins évaluateurs de la même spécialité que l’intéressé, qui se voit présenter «des cas cliniques choisis en fonction de leur fréquence et de leur importance dans son exercice». Le jour J, le médecin peut apporter les ressources qu’il utilise habituellement dans sa pratique (livres, ordinateur portable, instruments, guides d’exercice et documents, etc.).Dans le cas d’une visite comme d’une entrevue, le clinicien reçoit un «questionnaire pré-inspection». Il est également appelé par l’inspecteur. «On leur explique notre but et comment cela va se dérouler», indique le Dr Nseir, l’objectif étant de «les rassurer et de réduire leur niveau de stress».À l’issue du processus, l’inspecteur rédige son rapport et le transmet à la direction des inspections. «Dans 78% des cas, on adresse au médecin une lettre de satisfaction qui peut comporter des recommandations pour l’amélioration ou le maintien de sa qualité d’exercice», informe le Dr Nseir. Environ 18% des cliniciens se voient quant à eux demander de suivre des activités de perfectionnement: participation à des colloques ou des congrès, lectures dirigées, atelier du CMQ, stage, tutorat, etc. Parmi ceux-ci, 7% refusent la prescription — «ils changent de pratique ou partent à la retraite», signale le directeur. Trois autres pour cent contestent les conclusions de la direction devant le Comité d’inspection professionnelle qui, après avoir entendu le clinicien, peut lui imposer des activités de perfectionnement assorties, ou non, d’une limitation d’exercice.

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