La vie à la retraite, un cheminement continu

Bien qu'il ait officiellement pris sa retraite en janvier, le Dr Mark Tyndall, clinicien renommé dans le domaine des maladies infectieuses, affirme que son adaptation à la vie en dehors de la médecine reste un travail en cours. «À 63 ans, ce n'est pas une mince affaire, car une grande partie de mon identité et de mon estime de moi était liée au fait d'être médecin», déclare le clinicien, qui a longtemps été chercheur en médecine, enseignant et professeur à l'Université de la Colombie-Britannique. (Il a publié plus de 300 articles universitaires, reçu de nombreuses subventions académiques et il était connu internationalement pour ses recherches et ses plaidoyers en faveur de la prévention du VIH et de la réduction des risques). Le Dr Tyndall a également pris sa retraite en tant que directeur du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique et responsable adjoint de la santé public de la province. «Selon la plupart des critères, ma carrière a été couronnée de succès, estime-t-il. Mais à la retraite, j’ai été libéré de tout cela. Qui étais-je, si je n'étais pas médecin?» Malgré la nature variée de son travail et l'intensité des nombreuses crises de santé publique dont il a été témoin au fil des ans dans les rues de Vancouver, et plus récemment de l'épidémie d'opioïdes, il signale qu'il ne voulait pas tomber dans le même piège que de nombreux médecins qui ne pensent pas à la vie après la médecine. «Nous sortons de l'école de médecine dans la vingtaine, suivons une formation en résidence et travaillons en médecine clinique et/ou en recherche jusqu'à ce que nous n'en puissions plus, explique-t-il. J'ai observé que de nombreux amis et collègues se retirent lentement de leurs activités cliniques et universitaires, mais s'accrochent fermement à leur vie de médecin.» Choix conscient Bien que la plupart des praticiens soient préparés financièrement, ajoute-t-il, beaucoup ne se posent pas pour réfléchir à ce qu'ils veulent faire du reste de leur vie une fois qu'ils seront à la retraite. «Fort de ces observations, j'ai voulu prendre ma retraite de manière réfléchie», explique le médecin. «J'ai réalisé que s'il y avait des choses que je rêvais de faire, je devais saisir cette occasion. Je voulais considérer ma retraite comme un nouveau chapitre de ma vie. Et je voulais avoir un certain contrôle sur la suite des événements.» Lire aussi: L’ABC d’un départ à la retraite bien planifié C'est pourquoi il avait prévu de déménager à Bali, l'île indonésienne idyllique où il s’est installé il y a un an et d'où est originaire sa femme, qu'il a épousée en secondes noces en 2012. «Ce n'est pas comme si j'avais lancé une fléchette sur une carte avec des destinations tropicales et que j'étais tombé sur Bali, signale le Dr Tyndall. Nous voulions nous rapprocher de la famille de ma femme.» Le couple a un jeune fils, et lorsqu'ils ont visité Bali avec lui il y a quelques années, ils se sont arrêtés à la Bali Green School. Cette école privée internationale dispense des cours de la maternelle au lycée dans des dizaines de bâtiments en bambou, en herbe et en terre sur un campus verdoyant. Elle est réputée pour être un village éducatif qui adopte et enseigne les principes de la vie en communauté et de la durabilité. «Nous avions toujours envisagé qu'il y aille un jour», raconte le médecin, qui a inscrit son fils à l'école l'année dernière. «La quatrième année nous a semblé être le bon moment.» Les séquelles physiques et mentales d'un grave accident de VTT survenu en 2020 ont également motivé le Dr Tyndall à s'installer à Bali. «J'ai passé un mois à l'hôpital, incertain de ce que je serais physiquement capable de faire à l'avenir, explique-t-il. De nombreuses activités que j'aimais pratiquer, comme le VTT, le ski à roulettes et le yoga, nécessitaient un niveau de forme physique que j'avais peut-être perdu à jamais.» «Je me suis également rendu compte que même si je me rétablissais complètement, le temps dont je disposais pour pratiquer ces activités était relativement court, poursuit-il. J'avais besoin d'un plan précis pour la prochaine phase de ma vie. Heureusement, je me suis rétabli avec juste assez de cicatrices pour me rappeler constamment que je devais apprécier ma santé et mon bien-être.» En paix En même temps, il dit avoir réfléchi à de nombreuses questions sérieuses sur sa vie de médecin, notamment comment et quand arrêter de travailler et laisser les autres prendre le relais, comment évaluer sa motivation et son énergie, et quand avoir assez d'argent pour prendre sa retraite. En repensant à sa première année à Bali, le Dr Tyndall est à la fois étonné et ravi de voir à quel point sa vie est riche et bien remplie en dehors de la médecine. «J'ai appris à conduire une moto, à parler un peu l'Indonésien et à faire de la plongée sous-marine, relate-t-il. Je fais du yoga presque tous les jours et je participe à des séances de méditation en groupe. Je passe beaucoup plus de temps avec ma famille et je lis plus de livres.» Lire aussi: Les autres vies des soignants [Dossier] La famille a également beaucoup voyagé en Asie, visitant de grandes villes comme Tokyo, Osaka, Bangkok, Singapour et Hong Kong. Ils ont également fait de nombreuses excursions en Indonésie, où ils ont pu observer des orangs-outans sauvages dans les jungles de Bornéo et des dragons dans les îles Komodo, plonger avec des raies manta, admirer les récifs coralliens autour de Bali, et se promener parmi les singes noirs de Macao dans le nord de Sulawesi. Profiter du temps restant Plus que les voyages en famille, le médecin affirme que son quotidien en Indonésie a largement dépassé ses attentes personnelles. «Je me sens vraiment plus en paix, affirme-t-il. Mes relations avec ma femme et mon fils sont beaucoup plus positives et je suis devenu un meilleur père. J'ai rencontré de nouveaux amis et formé une nouvelle communauté en très peu de temps. Nous vivons maintenant dans un éco-village avec des familles du monde entier et nous avons noué de nouvelles amitiés.» «Je comprends le pouvoir de la communauté et ce que l'on peut y accomplir. J'ai pu me débarrasser d'une grande partie de l'énergie négative dont je m'étais entouré. Je ne suis plus l'actualité comme avant, je ne regarde plus beaucoup Twitter et je me concentre davantage sur les problèmes sur lesquels je peux agir.» Selon lui, d'autres activités comme les ateliers de parentalité consciente, la pratique de la méditation et les séances de travail sur la respiration - des choses qu'il n'aurait jamais rêvé de faire en tant que médecin praticien et professeur au Canada - l'ont mis sur la voie d'une révélation éclairante pour lui-même. «La chose que j'apprécie le plus, c’est d’avoir du temps, confie le Dr Tyndall. Le temps que je peux passer avec ma famille, pour renforcer et réparer d'anciennes relations et en construire de nouvelles, pour faire des choses que j'ai vraiment envie de faire, comme pratiquer le yoga quotidiennement, faire de la plongée sous-marine et voyager, pour réfléchir, méditer et approfondir les choses que j'ai apprises tout au long de ma carrière.» Lire aussi: La fin de l’ère des «vieux docteurs»? Il ajoute toutefois qu'il continue à s'intéresser à la santé publique, même si c'est dans une perspective différente. «Je travaille actuellement sur deux livres: l'un sur le potentiel du vapotage pour remplacer les cigarettes combustibles, l'autre sur la façon dont nous pouvons arrêter la tragique épidémie d'empoisonnement aux médicaments qui sévit en Amérique du Nord.» En ce qui concerne la retraite, il considère que «chacun doit créer sa propre histoire et trouver un équilibre entre les responsabilités familiales, les relations personnelles, les finances et les problèmes de santé lorsqu'il envisage de prendre sa retraite.» «Je suis conscient que je suis dans une situation privilégiée et que ce que j'ai choisi de faire n'est pas possible pour tout le monde, relativise le Dr Tyndall. Mais j'ai appris que, peu importe ce que la vie vous a donné, il est important de prendre le temps de réfléchir, de profiter des années qui restent à vivre, de changer les choses et d'essayer d'être une meilleure personne.»

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