La variole simienne pourrait devenir une ITSS aux États-Unis

Les experts ne s’entendent pas sur l'évolution probable de la maladie. En effet, certains craignent qu'elle ne devienne si répandue qu'elle soit sur le point de devenir une infection transmise sexuellement et par le sang (ITSS) bien ancrée, au même titre que la gonorrhée, l'herpès et le VIH. Mais personne n'en est vraiment sûr, et certains affirment que les tests et les vaccins peuvent encore empêcher l'épidémie de s'installer. Jusqu'à présent, plus de 2800 cas aux États-Unis ont été signalés dans le cadre d’une épidémie internationale apparue il y a deux mois. Environ 99% d'entre eux sont des hommes qui ont déclaré avoir eu des relations sexuelles avec d'autres hommes, selon les responsables de la santé. Les autorités sanitaires ne sont pas certaines de la vitesse de propagation du virus. Elles ne disposent que d'informations limitées sur les personnes qui ont été diagnostiquées et ne savent pas combien de personnes infectées pourraient propager la maladie sans le savoir. Elles ne connaissent pas non plus l'efficacité des vaccins et des traitements. En effet, les responsables fédéraux de la santé n'ont pas l'autorité nécessaire de collecter et relier les données sur les personnes infectées et celles qui ont été vaccinées, ce qui représente un obstacle dans la compréhension de l’évolution de la maladie. En raison de ces importantes zones grises, les prévisions sur l'ampleur que pourrait prendre l'épidémie aux États-Unis cet été varient considérablement, passant de 13 000 cas à peut-être plus de 10 fois ce nombre. La Dre Rochelle Walensky, directrice des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) des États-Unis, a déclaré que la réponse du gouvernement se renforce chaque jour et que les stocks de vaccins vont bientôt augmenter. «Je pense que nous avons encore une fenêtre d’opportunité pour contenir la maladie», a-t-elle affirmé à l’Associated Press. La variole simienne est endémique dans certaines régions d’Afrique, où des personnes ont été infectées par des morsures de rongeurs ou de petits animaux. Elle ne se propage généralement pas facilement entre les personnes. Transmission Mais cette année, plus de 15 000 cas ont été signalés dans des pays qui, historiquement, n’observent pas de cas de la maladie. Aux États-Unis et en Europe, la grande majorité des infections se sont produites chez des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, bien que les responsables de la santé aient souligné que n'importe qui peut être infecté. La maladie se propage principalement par contact cutané, mais elle peut également être transmise par les draps ou les vêtements utilisés par une personne atteinte. Bien qu'elle se soit propagée dans la population comme une maladie transmissible sexuellement, les responsables surveillent d'autres modes de propagation qui pourraient élargir la portée de l'épidémie. Il y a d'ailleurs eu plusieurs cas de ce genre: des responsables ont déclaré vendredi qu'ils étaient au courant de deux enfants atteints de variole simienne aux États-Unis et d'au moins huit femmes. Les symptômes comprennent la fièvre, les courbatures, les frissons, la fatigue et les lésions sur certaines parties du corps. La maladie a été relativement bénigne chez de nombreux hommes, et personne n'est décédé aux États-Unis. Toutefois, les personnes peuvent être contagieuses pendant des semaines et les lésions peuvent être extrêmement douloureuses. Lorsque la variole simienne est apparue, il y avait des raisons de croire que les responsables de la santé publique pouvaient la contrôler. Les lésions révélatrices auraient dû rendre les infections faciles à identifier. Et comme le virus se propage par des contacts personnels étroits, les autorités pensaient pouvoir retracer sa propagation de manière fiable en interrogeant les personnes infectées et en leur demandant avec qui elles avaient été intimes. Cela n’a toutefois pas été si facile. La variole simienne est si rare aux États-Unis, que de nombreux hommes infectés, et leurs médecins, peuvent avoir attribué leurs éruptions cutanées à une autre cause. La recherche des contacts a souvent été entravée par des hommes infectés qui ont déclaré ne pas connaître les noms de toutes les personnes avec lesquelles ils avaient eu des rapports sexuels. Certains ont même avoir déclaré avoir eu de multiples interactions sexuelles avec des inconnus. Le fait que les services de santé locaux - déjà accablés par la COVID et plusieurs autres maladies - devaient désormais trouver les ressources nécessaires pour effectuer un travail intensif de recherche des contacts potentiellement infectés par la variole simienne, n'a rien arrangé. Par conséquent, certains responsables locaux de la santé ont renoncé à espérer pouvoir effectuer une recherche de contacts efficace. Vaccination Mais il y a une autre raison d'être optimiste: le gouvernement américain avait déjà un vaccin. Le vaccin à deux doses appelé Jynneos a été homologué aux États-Unis en 2019 et recommandé l'année dernière comme outil contre la variole simienne. Or, lorsque l'épidémie a été identifiée en mai, les responsables américains n'avaient qu'environ 2000 doses disponibles. Le gouvernement les a distribuées, mais a limité les injections aux personnes identifiées par des enquêtes de santé publique comme ayant été récemment exposées au virus. À la fin du mois dernier, alors que davantage de doses devenaient disponibles, le CDC a commencé à recommander que les vaccins soient proposés aux personnes qui réalisent d'elles-mêmes qu'elles pourraient avoir été infectées. Mais la demande a rapidement dépassé l'offre. Dans certaines villes, les cliniques ont rapidement épuisé leurs doses et les responsables de la santé du pays ont déclaré ne pas en avoir assez. C'est en train de changer, a toutefois affirmé la Dre Walensky. Depuis cette semaine, le gouvernement a distribué plus de 191 000 doses, et 160 000 autres sont prêtes à être envoyées. Jusqu'à 780 000 doses seront disponibles dès la semaine prochaine. Une fois la demande actuelle satisfaite, le gouvernement envisagera d'étendre les efforts de vaccination. Le CDC estime que 1,5 million d'hommes américains sont considérés comme à haut risque d'infection. Le dépistage s'est également développé. Plus de 70 000 personnes peuvent être testées chaque semaine, soit bien plus que la demande actuelle, a indiqué la Dre Walensky. Le gouvernement a également lancé une campagne pour sensibiliser les médecins et les hommes gays et bisexuels à la maladie, a-t-elle ajouté. Contenir l’épidémie? Donal Bisanzio, chercheur au RTI International, un institut indépendant à but non lucratif qui fournit des services de recherche, de développement et techniques à des clients gouvernementaux et commerciaux du monde entier, pense que les autorités sanitaires américaines seront en mesure de contenir l'épidémie avant qu'elle ne devienne endémique. Il a toutefois également dit que ce ne serait pas la fin. De nouvelles montées de cas émergeront probablement à mesure que les Américains seront infectés par des personnes venant de pays où la variole simienne continue de circuler. La Dre Walensky convient qu'un tel scénario est probable. «Si la maladie n'est pas contenue partout dans le monde, nous risquons toujours d'avoir des poussées» provenant des voyageurs, a-t-elle déclaré. Shawn Kiernan, du département de la santé du comté de Fairfax en Virginie, a noté que jusqu'à présent, l'épidémie se concentrait sur un groupe de personnes précis, soit les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. La propagation du virus aux personnes hétérosexuelles serait un «point de bascule» qui pourrait survenir avant qu'elle ne soit largement reconnue, a affirmé Shawn Kiernan, chef de la section des maladies transmissibles du département. La propagation aux hétérosexuels n'est qu'une question de temps, croit le Dr Edward Hook III, professeur émérite de maladies infectieuses à l'Université d'Alabama à Birmingham. Si la variole simienne devient une maladie sexuellement transmissible endémique, cela représentera un défi supplémentaire pour les services de santé et les médecins qui ont déjà du mal à suivre les ITSS existantes. Ces recherches ont longtemps été sous-financées et manquent de personnel, et une grande partie d'entre elles ont tout simplement été mises en attente pendant la pandémie. Shawn Kiernan a déclaré que le VIH et la syphilis étaient prioritaires, mais que le travail sur les infections courantes comme la chlamydia et la gonorrhée se résumait à «compter les cas et c'est à peu près tout». Depuis des années, les cas de gonorrhée, de chlamydia et de syphilis sont en augmentation. «Dans l'ensemble, a indiqué Edward Hook, les médecins font un travail questionnable pour ce qui est de recueillir les antécédents sexuels et de se renseigner sur leur vie sexuelle.» Au Canada, en date du 22 juillet, 681 cas de variole simienne ont été identifiés jusqu’à présent, dont 331 au Québec.

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