La varénicline : une nouvelle option pour la cessation tabagique, mais pas la panacée !

Le Dr Michel Cauchon michel.cauchon@mfa.ulaval.ca UMF de l’Enfant-Jésus RÉSUMÉ Objectif Comparer l’efficacité et l’innocuité de la varénicline(Champix)à celles du bupropion(Zyban)à libération prolongée et d’un placebo dans la désaccoutumance tabagique. Conception Essai clinique randomisé à double insu. Contexte Dix-neuf centres de recherche aux États-Unis. Participants Fumeurs(10 cigarettes par jour)volontaires de 18 à 75 ans en bonne santé ayant cessé de fumer pendant moins de trois mois au cours des 12 derniers mois et n’ayant pas utilisé du bupropion ou de la varénicline durant les six derniers mois. Interventions Les participants ont été répartis de façon aléatoire en trois groupes : varénicline 1 mg deux fois par jour après période d’ajustement de sept jours(n = 352), bupropion 150 mg deux fois par jour après période d’ajustement de trois jours(n = 329)ou placebo (n = 344)pendant 12 semaines. Les patients devaient déterminer une date au cours de la semaine suivant le début du traitement pour arrêter de fumer. Lors de la première visite, les participants ont reçu un document d’information sur l’abandon du tabac du National Cancer Institute, puis, à chaque visite hebdomadaire, ils ont eu un entretien de counseling(d’une dizaine de minutes). Les patients ont été suivis par la suite de façon hebdomadaire(visite ou relance téléphonique)pendant un an. Principale mesure de résultats Mesure principale : abstinence continue durant quatre semaines, de la 9e à la 12e. L’abstinence était évaluée chaque semaine d’après la consommation de tabac décrite par le patient et le dosage du monoxyde de carbone(CO)exhalé. Les mesures secondaires étaient les suivantes : Abstinence continue de la 9e à la 24e et de la 9 e à la 52e semaine; Prévalence ponctuelle de l’abstinence(prévalence ponctuelle sur sept jours); Envies intenses de fumer, symptômes de sevrage et effets renforçateurs de fumer évalués au moyen de trois questionnaires : le MNWS(Minnesota Nicotine Withdrawal Scale), le questionnaire abrégé sur les envies pressantes de fumer(QSU-Brief)et le mCEQ(modified Cigarette Evaluation Questionnaire). Résultats Dans le groupe varénicline, 44 % des sujets sont demeurés abstinents durant la période de 9 à 12 semaines; cette proportion a été de 29 % dans le groupe bupropion(rapport de cotes [RC] 1,9 IC 95 % 1,4-2,7)et de 17 % dans le groupe placebo(RC 3,9 IC 95 % 2,7-5,5). L’abstinence de 9 à 52 semaines a été observée chez 22 % des sujets du groupe varénicline, 16 % de ceux du groupe bupropion(RC 1,5 IC 95 % 1,0-2,2)et 8 % de ceux du groupe placebo(RC 3,1 IC 95 % 2,0-4,9). Comparativement au placebo, la varénicline, tout comme le bupropion, a diminué de façon significative l’envie irrépressible de fumer(p < 0,0001). Chez les sujets qui recevaient la varénicline plutôt que le placebo, le sevrage caractérisé par des symptômes d’affect négatif était atténué de manière significative(p < 0,0001). La varénicline s’est révélée supérieure au placebo pour la réduction des effets renforçateurs du tabagisme(p < 0,0001). Dans le groupe varénicline, les effets secondaires les plus fréquents ont été les nausées(28 % vs 8 % placebo), les rêves anormaux(10 % vs 6 % placebo), la flatulence et la constipation, alors que dans le groupe bupropion, l’insomnie a été plus fréquente(22 % vs 13 % placebo). Conclusion La varénicline est significativement plus efficace que le placebo et le bupropion à la fin des 12 semaines de traitement et est généralement bien tolérée. COMMENTAIRE Pertinence de l’étude La varénicline représente une nouvelle ligne de conduite en matière de désaccoutumance au tabac. C’est un agent agoniste partiel – antagoniste des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine. Une nouvelle possibilité pharmacologique est la bienvenue dans le contexte où les traitements actuels ont une efficacité limitée. Alors que les substituts de nicotine présentent un tableau d’innocuité relativement bon, le bupropion a des effets indésirables souvent importants(insomnie, sécheresse de la bouche et tremblements)qui limitent son utilisation. Quelle est donc l’utilité réelle de ce nouveau médicament ? Importance des résultats Selon cette étude, la varénicline accroît d’environ une fois et demie la probabilité qu’un fumeur cesse de fumer complètement à un an par comparaison au bupropion(nombre de patients à traiter [NPT] = 17)et fait tripler cette probabilité comparativement au placebo(NPT = 7). La varénicline réduit de façon significative les envies irrépressibles de fumer, les symptômes de sevrage et les effets renforçateurs du tabagisme. Toutefois, près de 80 % des patients continuent de fumer, et un programme de traitement comportemental doit être associé au traitement pharmacologique pour espérer un tel résultat ! Les effets indésirables observés le plus fréquemment ont été les nausées(près de 30 %), les rêves anormaux, la constipation et la flatulence. Les nausées étaient habituellement décrites comme légères ou modérées et souvent passagères, sauf dans certains cas, où elles ont duré plusieurs mois et ont causé l’arrêt du traitement(environ 3 %). Critique de la méthodologie Il s’agit d’un essai clinique de bonne qualité méthodologique. Le processus de randomisation et d’assignation est explicite et approprié. Les groupes à l’étude sont comparables. Il s’agit de patients motivés et non malades âgés en moyenne de 42 ans qui fumaient en moyenne un paquet par jour depuis 25 ans et ayant un score de dépendance de 5 sur 10(échelle de Fagerstrom). Les participants avaient des séances de counseling individuelles antitabac de près de 10 minutes à chaque visite hebdomadaire pendant le traitement de 12 semaines. De plus, les patients étaient fortement encouragés à poursuivre l’étude malgré les effets secondaires et les rechutes tabagiques. L’usage de remplacement nicotinique complémentaire après la 12e semaine semble avoir été permis, mais il n’est pas décrit ni discuté. Malgré cela, le pourcentage d’abandons est élevé, variant selon les groupes de traitement de 25 % à 35 % à 12 semaines et de 30 % à 40 % à 52 semaines. Les raisons principales d’abandon sont, dans l’ordre, le refus de poursuivre l’étude, la perte de suivi et les effets secondaires. Comme les participants qui ont abandonné sont considérés comme des fumeurs et que le pourcentage d’abandons est moindre dans le groupe varénicline, cela peut avoir fait surestimer l’efficacité du traitement. Les mesures des résultats semblent valides, et l’analyse des résultats a été faite selon le groupe d’assignation(intention-to-treat). Toutefois, l’emploi de rapports de cotes plutôt que du risque relatif amplifie quelque peu la signification clinique des résultats. De plus, le pourcentage d’efficacité des différents groupes de traitement semble varier considérablement d’un milieu à l’autre, ce qui laisse croire à une qualité variable du counseling d’un milieu à l’autre et sème le doute quant à la qualité du respect de l’insu. Mise en perspective selon l’état des connaissances Dans le même numéro du JAMA, une étude semblable rapporte des résultats similaires1. Selon différentes études décrites dans la monographie, il semble qu’une dose plus faible de varénicline soit mieux tolérée et presque aussi efficace(0,5 mg deux fois par jour). L’utilisation en combinaison avec les timbres de nicotine n’est pas recommandée. Les auteurs d’une méta-analyse récente2 ont fait une comparaison indirecte de la varénicline avec les timbres de nicotine et ont estimé que la varénicline était supérieure aux timbres(RC 1,7 IC 95 % 1,2-2,4). Un essai comparatif direct avec le timbre de nicotine s’avère toutefois nécessaire pour confirmer ces résultats. L’efficacité et les risques associés au timbre de nicotine, bien connus, ont été étudiés avec un plus large éventail de patients et dans le contexte de la pratique usuelle. Références Jorenby DE, Hays JT, Rigotti NA, Azoulay S, Watsky EJ, Williams KE, et coll. Efficacy of varenicline, an acetylcholine receptor partial agonist vs placebo or bupropion for smoking cessation. JAMA, juillet 2006; 296:56-63. Wu P, Wilson K, Dimoulas P, Mills EJ. Effectiveness of smoking cessation therapies : a systematic review and meta-analysis. BMC Public Health, 2006; 6:300. Tous les textes de Critique et pratique sur Internet http ://machaon.fmed.ulaval.ca/medecine/cetp

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